Les marchés : Trump relance les taxes
Donald Trump a une nouvelle fois ressorti l'arme des droits de douane. Jeudi soir, le président américain a annoncé une salve de surtaxes : 100% sur les médicaments brevetés importés, 25% sur les poids lourds et 50% sur des biens aussi inattendus que les armoires de cuisine ou les lavabos.
Le CAC 40 n'a pas vacillé et a même terminé en hausse de 0,97% vendredi à 7 871 points. Sur la semaine, l'indice parisien efface ses pertes et clôture dans le vert, avec un gain de 0,22%. Les valeurs pharmaceutiques, en première ligne face aux annonces, sont restées stables. Sanofi et Roche n'ont quasiment pas bougé. Les grands laboratoires avaient déjà pris leurs précautions en investissant massivement aux États-Unis. Par ailleurs, l'accord commercial conclu cet été entre Washington et Bruxelles protège les exportations européennes de médicaments, qui ne peuvent être surtaxées au-delà de 15%.
Cette politique douanière exerce néanmoins une pression sur les marges du secteur. À terme, elle pourrait réduire la capacité d'investissement des laboratoires en Amérique et fragiliser leur position dans la compétition mondiale pour le développement de nouveaux traitements. Pour l'instant, les marchés n'y voient pas de menace immédiate. L'humeur générale reste soutenue par des indicateurs économiques solides. Aux États-Unis, l'inflation a légèrement accéléré, mais sans surprise, conforme aux attentes. Les marchés ont donc choisi de retenir le positif. Les grandes places boursières terminent la semaine dans le vert, reléguant les droits de douane au second plan. On revient en détail dans la suite de l'édition. Bonne lecture !
Les valeurs : EssilorLuxottica, ArcelorMittal et Biosynex
EssilorLuxottica - Le numéro un mondial des lunettes grimpe de 2,14% ce vendredi à 271,7€, portant son avance à plus de 15% depuis le début de l'année. Le groupe franco-italien a annoncé que la Food and Drug Administration (FDA) américaine autorisait enfin la commercialisation de sa gamme Stellest, des verres correcteurs capables de ralentir la progression de la myopie chez les enfants. Déjà un succès en Chine, où ils ont connu des croissances à deux chiffres, ces verres représentent un relais de croissance stratégique alors que la myopie pourrait toucher la moitié de la population mondiale d'ici 2050. Pour les analystes, cette autorisation sur le marché nord-américain, qui pèse à lui seul 45% des ventes du groupe, ouvre une nouvelle phase d'expansion. Royal Bank of Canada souligne que Stellest pourrait générer à terme des revenus comparables à ceux observés en Asie, tandis que HSBC estime que la gamme pourrait dépasser les 2 milliards d'euros de ventes d'ici 2030. En attendant l'arrivée d'une deuxième génération encore plus performante, la perspective d'un déploiement massif aux États-Unis enthousiasme les investisseurs, faisant d'EssilorLuxottica l'une des plus fortes hausses du CAC 40 ce vendredi.
ArcelorMittal - Le géant mondial de la sidérurgie profite des tensions commerciales sur l'acier chinois et gagne 2,65% ce vendredi à 31,40€, portant sa progression à plus de 41% depuis le début de l'année. Le titre, comme l'ensemble du secteur sidérurgique européen, est porté par une information selon laquelle la Commission européenne préparerait l'instauration de droits de douane de 25% à 50% sur l'acier chinois. Une telle mesure renforcerait la compétitivité des producteurs européens, dans un contexte de marges déjà sous pression. À Paris, Aperam progresse aussi (+2%), tandis qu'à Francfort, Voestalpine (+2,9%) et Thyssenkrupp (+3,4%) s'inscrivent en forte hausse. Si l'impact direct sur la Chine resterait limité (seulement 4% de ses exportations d'acier partent vers l'UE), le signal politique est fort. Bruxelles veut protéger son industrie face à la surcapacité mondiale et aux droits de douane américains déjà en vigueur. Ursula von der Leyen a confirmé qu'un nouvel instrument commercial serait présenté pour succéder aux mesures actuelles, qui expirent mi-2026. Les investisseurs y voient une bouffée d'air pour le secteur, et ArcelorMittal en est le premier bénéficiaire en Bourse.
Biosynex - L'action Biosynex chute de 49,26% ce vendredi à 0,61€, et perd désormais plus de la moitié de sa valeur depuis janvier. L'entreprise alsacienne, connue pour ses tests rapides pendant le Covid-19, traverse de graves difficultés financières. Trop endettée et incapable de vendre certains de ses actifs comme prévu, elle a demandé l'ouverture d'une procédure de sauvegarde auprès du tribunal de Strasbourg. Cette démarche vise à lui donner du temps pour réorganiser ses finances et éviter la faillite. La situation est encore compliquée par la faillite de sa filiale Avalun, spécialisée dans des tests médicaux, qui n'a pas réussi à trouver de repreneur face à une forte concurrence étrangère. Cela oblige Biosynex à passer des pertes supplémentaires et à abandonner une créance de 3,4 millions d'euros. L'avenir du groupe sera discuté le 29 septembre lors d'une audience au tribunal. En Bourse, la chute est spectaculaire. Le titre éligible au PEA-PME qui valait plus de 25€ pendant la pandémie, est tombé sous 1€, bien en dessous de son prix d'introduction de 2011 (7,60 €).
Le résultat du vendredi : Croissance au rendez-vous
Les chiffres publiés ce vendredi n'ont réservé aucune surprise sur le front des prix. L'indice PCE, la mesure d'inflation privilégiée par la Fed, progresse de 2,7% sur un an en août, quasiment inchangé par rapport à juillet. En version “core”, hors alimentation et énergie, la hausse atteint 2,9% sur un an. Autrement dit, l'inflation marque une pause, sans réelle accélération ni ralentissement notable.
En parallèle, l'économie américaine continue de surprendre par sa vigueur. Les dépenses des ménages ont augmenté de 0,6% sur un mois, au-dessus des attentes, tandis que le PIB du deuxième trimestre a été révisé à 3,8%. Les inscriptions au chômage restent basses, preuve d'un marché du travail toujours dynamique. La Fed d'Atlanta anticipe même une croissance de 3,3% pour le trimestre en cours.
Cette résilience de l'économie remet en perspective le scénario d'assouplissement monétaire. Deux baisses de taux sont encore anticipées d'ici la fin de l'année, mais si la Fed décidait finalement de temporiser, ce serait moins par crainte d'une récession que parce que la croissance tient bon. Une situation paradoxalement rassurante pour les marchés, qui ont salué ces chiffres en poursuivant leur tendance haussière.
Le monde d'après : Les poids lourds plombés
Donald Trump a une nouvelle fois rebattu les cartes du secteur automobile en annonçant l'instauration, dès le 1er octobre, de surtaxes de 25% sur les importations de camions poids lourds. Une mesure ciblée, mais lourde de conséquences, notamment pour les constructeurs qui produisent une partie de leurs véhicules au Mexique, jusque-là protégés par l'accord de libre-échange nord-américain. L'incertitude demeure quant à l'application exacte de ces droits, mais les investisseurs n'ont pas attendu pour réagir. Le verdict boursier a été immédiat : à Francfort, Daimler Trucks a reculé de 1,7% et Traton (ex-filiale de Volkswagen) de 2%.
À l'inverse, les acteurs produisant essentiellement sur le sol américain tirent leur épingle du jeu. Paccar s'envole de près de 6% à Wall Street et Volvo gagne près de 4% à Stockholm. Les analystes estiment que cette décision pourrait redistribuer durablement les parts de marché, Paccar et Volvo profitant d'un avantage compétitif net face à leurs concurrents. Derrière ce choc tarifaire se joue une bataille industrielle plus large, celle de la relocalisation. Produire au Mexique permettait jusqu'ici de réduire les coûts de main-d'œuvre et d'échapper aux droits sur l'acier et l'aluminium. Mais avec cette décision, Washington accentue la pression pour rapatrier la production sur le territoire américain, au risque de fragiliser les constructeurs européens davantage dépendants du modèle mexicain.
Le lexique : PCE CORE
Le PCE (Personal Consumption Expenditures) est une statistique majeure de l'économie américaine. Elle est publiée par le « Bureau of Economic Analysis » et est utilisée par la Réserve Fédérale pour estimer le niveau d'inflation nationale. Elle mesure la consommation des ménages portant sur les biens durables, non durables et les services. Le PCE Core est une statistique similaire, à ceci près qu'elle exclut les dépenses de nourriture et d'énergie, souvent considérées comme saisonnières, volatiles et générant des distorsions dans les mesures d'inflation.