François Bayrou « continue à souhaiter » sur les retraites « un accord de progrès et d'équilibre financier », a indiqué mercredi l'entourage du chef du gouvernement, après que la CFDT a dit vouloir définir de « nouvelles règles » aux discussions sur la réforme de 2023.

Le Premier ministre « continue à souhaiter que sorte de cette discussion un accord de progrès et d'équilibre financier » et « salu(e) la volonté des partenaires sociaux de poursuivre la discussion sur des sujets aussi essentiels », a ajouté l'entourage. Le Premier ministre « leur a donné la main parce qu'il croit au dialogue social. Depuis le début, ils fixent l'ordre du jour, il est normal qu'ils continuent », a développé l'entourage de François Bayrou.

Qui a quitté la table des négociations ?

La poursuite des négociations bat de l'aile depuis les déclarations de François Bayrou dimanche qui a répondu « non » à une question sur un retour à la retraite à 62 ans, donnant l'impression de préempter l'issue des discussions. Le Premier ministre a maintenu ses propos mardi à l'Assemblée nationale en déclarant qu'il ne jugeait « pas possible » d'abroger la mesure phare de la réforme des retraites de 2023, qui a décalé l'âge de départ à 64 ans.

A la suite de ces propos, la CGT a décidé mardi de proposer à ses instances de « quitter les concertations » et pourrait rejoindre Force ouvrière qui avait claqué la porte dès le 27 février, dénonçant une mascarade. Côté organisations patronales, l'U2P (artisans, commerçants et professions libérales) a également quitté le « conclave » mardi, voyant dans ces négociations un « jeu de dupes ».

La CGT a ainsi acté la fin des négociations, de son côté, mercredi soir : « Le Premier ministre et le patronat ont malheureusement définitivement enterré ce conclave et c'est très grave », a expliqué Sophie Binet, la patronne de la deuxième centrale syndicale sur France 2, qui maintient qu'« on peut abroger la réforme des retraites (...) et la financer ». Elle est ainsi la troisième organisation, après Force ouvrière et l'organisation patronale l'U2P, à claquer la porte des discussions. La CGT a par ailleurs appelé « les salariés à se mobiliser » en rejoignant notamment les cortèges de retraités prévus jeudi.

Ce que réclame la CFDT

La CFDT participera à la poursuite des négociations prévue jeudi entre partenaires sociaux sur les retraites mais le conclave ne peut pas continuer « tel qu'il existe », a prévenu mercredi la secrétaire générale de la CFDT Marylise Léon. Le Premier ministre François Bayrou, en écartant la possibilité d'un retour à 62 ans de l'âge de départ à la retraite, « a rompu le contrat, dont acte ». « Jeudi, on va donc se retrouver parmi ceux qui ont envie de travailler et on va définir des nouvelles règles et des nouveaux sujets », a-t-elle déclaré sur BFMTV/RMC.

La CFDT « ira jeudi pour dire on arrête le conclave retraites tel qu'il existe là, tel qu'il a démarré », a déclaré Marylise Léon, précisant s'« affranchir de la lettre de la lettre de cadrage qui a été posée ». Pour la numéro un de la CFDT, premier syndicat français, « c'est le moment de se dire qu'il faut un peu siffler la fin de la récréation ». « On est aujourd'hui dans un moment extrêmement important pour les travailleurs et les travailleuses et ils ont besoin d'avoir des représentants qui agissent en responsabilité », a-t-elle ajouté, estimant être « peu la seule adulte dans la pièce ».

Elle a notamment épinglé « un gouvernement qui change les règles du jeu des organisations qui décident de partir » et « un patronat qui reste mais qui boude dans son coin et qui ne fait aucune proposition. » « Nous, on veut discuter de l'âge, de l'âge de départ. C'est le cœur du réacteur. C'est la raison pour laquelle on s'est mobilisés et pour laquelle on a souhaité reprendre le fil des discussions », a-t-elle souligné.

La réaction du Medef

Le président du Medef, Patrick Martin, était lui interrogé sur Radio Classique au lendemain de l'annonce par la plus petite organisation patronale, l'U2P, qu'elle quittait la négociation, tandis que, côté syndicats, la CGT semble s'apprêter à faire de même. Il resterait ainsi autour de la table, côté patronat, le Medef et la CPME.

« Nous avons considéré qu'il fallait laisser sa chance au produit même si les perspectives d'aboutir sont minces », a lancé le président de la première organisation patronale, qui a pour exigence le retour à l'équilibre financier des retraites. « A ce stade les syndicats ne se dévoilent pas et veulent faire passer d'autres sujets avant » mais « nous ne pouvons pas nous exonérer de ce débat : tous les partenaires sociaux, les politiques a fortiori, doivent prendre en compte cette situation des finances publiques qui devient critique », a-t-il souligné.

Patrick Martin « ne désespère pas qu'à un moment donné chacun abatte ses cartes ». « Mais on ne tiendra pas onze séances comme ça à jouer à cache-cache », a-t-il relevé. Il a de nouveau souhaité élargir la discussion au financement de la protection sociale dans son ensemble. « Je pense que ça détendrait la discussion », a-t-il affirmé.

Le gouvernement tente de calmer le jeu

« La position du gouvernement ne change pas, les règles du jeu ne changent pas, nous faisons toujours confiance aux partenaires sociaux et au dialogue social », a déclaré la ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, devant l'Assemblée nationale. Elle était interrogée lors de la séance de questions au gouvernement par la députée GDR Emeline K/Bidi, qui accusait le Premier ministre d'avoir porté un « coup fatal » aux concertations engagées en février par les partenaires sociaux sur les retraites, en estimant cette semaine « impossible » un retour vers un âge légal de départ à la retraite à 62 ans, la principale revendication des syndicats.

« Les règles du jeu ne changent absolument pas », a insisté Astrid Panosyan-Bouvet mercredi. « Nous pensons que ces discussions doivent se poursuivre et aller jusqu'à leur terme. Et un certain nombre d'organisations syndicales et patronales l'ont dit et l'ont déclaré ce matin », a-t-elle dit.

C'est « à elles d'ailleurs de fixer si elles souhaitent élargir l'ordre du jour, passer plus de temps sur certaines thématiques », a poursuivi la ministre. Mais « il faut qu'on ait un régime de répartition (...) qui reste équilibré » et qu'on améliore la réforme « sur la pénibilité, sur les femmes en particulier », a-t-elle ajouté.