L'auteur a interrogé des personnes ayant différents niveaux de revenus, et ceux disposant d'un revenu plus élevé ont déclarés être plus souvent heureux. Il y a corrélation, c'est indubitable. En même temps, passé un certain niveau de revenu, il semble que les personnes interrogées cessent d'être de plus en plus heureuses.
Ce qui me gêne, c'est justement la suite : "les auteurs en concluent qu'il existe une limite à la capacité qu'à l'argent de contribuer au bonheur". Ils considèrent donc qu'il y a un lien de causalité entre l'argent et le bonheur, or je n'ai rien vu dans l'article qui permette de l'affirmer.
Poussons le raisonnement : on peut logiquement supposer que plus les gens gagnent d'argent, plus ils ont les moyens de se soigner, c'est particulièrement vrai si l'étude a été faite aux Etats-Unis. Ne peut on alors en conclure que "plus les gens sont en bonne santé, plus ils sont heureux" ? Passé un certain niveau de revenu, l'individu peut se maintenir en parfaite santé, et gagner plus n'améliorera pas une santé déjà excellente, ainsi, il ne se sentira pas plus heureux.
Conclusion : c'est la santé qui permet d'être heureux, et pas l'argent.
On peut également construire la même chose avec les amis : plus on gagne d'argent, plus il est probable que l'on ait une vie sociale développée, riche (au sens intellectuel) et stimulante. En même temps, passé un certain niveau, comme il n'y a que 7 jours dans la semaine pour sortir et s'amuser, le niveau de bonheur induit par une vie sociale attrayante cesse de croitre.
Conclusion : c'est le nombre d'amis et une vie sociale stimulante qui rendent les gens plus heureux.
Etc... On doit pouvoir trouver bien d'autres éléments qui augmentent en même temps que l'argent, et qui pourraient tout aussi bien que la monnaie expliquer la croissance et le plafonnement du bonheur.
Si l'étude est vraiment scientifique, les auteurs ont du prendre en compte ces facteurs, c'est à dire que dans leur panel d'individus, ils ont du inclure des personnes riches en mauvaise santé, des personnes pauvres ayant une vie sociale intense mais une santé moyenne, des introvertis ne quittant pas leur maison, ne voyant jamais personne, mais disposant d'un compte en banque bien garni... mesurer tout cela et croiser les études, afin d'en arriver à la conclusion que seul l'argent est le facteur susceptible d'expliquer la croissance du bonheur. Si cela a été fait, alors oui, il y a un lien de causalité. Mais j'en doute fortement, et de toute façon, les facteurs liés à l'humain sont bien trop nombreux pour que l'on puisse tous les examiner et les éliminer un par un pour n'en retenir qu'un seul qui soit déterminant.
Ce qui me gêne, c'est le terme "scientifique". Pour que ce soit scientifique, il faudrait avoir éliminer tous les facteurs autres que l'argent, ce qui est impossible, un être humain ne se défini pas uniquement par son compte en banque, ou il faudrait que seul le revenu de chaque "cobaye" varie, toutes autres choses étant égales par ailleurs (c'est à dire, les individus testés ont des revenus différents, mais tous ont exactement le même âge, la même santé, vivent dans le même environnement, ont les mêmes loisirs...). Il est clair que cela aussi est impossible.
Pour faire beaucoup plus court : d'une corrélation, les auteurs établissent une causalité. Si ça n'est pas prouvé (il faudrait consulter toute l'étude, mais je ne vois pas comment cela pourrait l'être), le raisonnement est sans valeur. L'exemple que donnait PhilB est parlant : il y a plus de naissances en Alsace quand les cigognes reviennent : la corrélation est indiscutable, mais bien entendu, il n'y a pas pour autant le moindre lien de causalité, sauf à croire que ce sont les cigognes qui amènent les bébés.
Cependant, instinctivement, ça ne semble pas absurde de penser que le bonheur croit avec les revenus. Le penser : oui, le présenter comme une vérité scientifique résultant d'une étude : non.