Comment Primonial Reim veut sauver Capimmo
Sous le feu des critiques depuis des semaines, la société de gestion défend sa SCI. Le président du directoire Grégory Frapet détaille son plan pour relancer Capimmo et assume la vente massive de 300 millions d’euros de parts de SCPI en avril dernier qui a crispé le marché.
Publié le 23 octobre 2023 à 15:28 - Maj 23 octobre 2023 à 17:47
Gaétan Pierret [lien réservé abonné]
Grégory Frapet, président du directoire de Primonial Reim -
Primonial Reim sort de son silence pour défendre Capimmo, sa société civile immobilière (SCI) phare. Des années de collecte positive, une capitalisation de 7,4 milliards d’euros encore en janvier dernier... et une chute sans fin depuis mars.
L’intégration de la baisse de valeur de ses sous-jacents fin mars a fait basculer sa valeur liquidative en territoire négatif (-2,42%, puis -11,83% depuis septembre) et provoqué le début de l’hémorragie des investisseurs. Le début d’une dégringolade qui n’est toujours pas terminée, mais que la société de gestion immobilière veut enrayer à tout prix.
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2,2 MILLIARDS D’EUROS D’ACTIFS À CÉDER
À en croire Grégory Frapet, le plus gros est passé. Le président du directoire de Primonial Reim dit observer
«depuis quelques semaines » une «
baisse des demandes de retraits» et estime que sont surtout sortis les «
investisseurs qui n’avaient pas une logique d’investissement à long terme». Cet été,
les demandes de retraits se sont emballées [lien réservé abonné], au point d’atteindre 50 à 60 millions d’euros par semaine. Depuis, le rythme s’est calmé, mais Capimmo continue de présenter une collecte nette négative de 50 millions d’euros. Au total, en net à mi-octobre, les flux sortants atteignaient environ 800 millions d’euros sur 2023.
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Pour faire face, la société de gestion a mis en place en août dernier un plan d’arbitrage de 2,2 milliards d’euros. Un plan «
unique», appuie Grégory Frapet, qui assure «
qu’il n’y en aura pas d’autres». Logique, puisqu’il s’étalera sur trois ans : 300 millions d’euros d’actifs devraient être cédés en 2023, 1 milliard d’euros en 2024 et 300 millions en 2025, le tout avec une décote moyenne de 20% expliquant le delta avec les 2,2 milliards d’euros visés. Comme il le précisait à ses partenaires distributeurs lors d’un webinaire il y a quelques semaines, il s’agit d’une anticipation, les ventes pouvant cacher quelques bonnes surprises.
L’heure est donc à la sélection des actifs à vendre. «
Nous avons commencé par les plus petites lignes, en favorisant le gré à gré », précise Grégory Frapet.
Les bureaux, qui accusent une décote moyenne de 30% [lien réservé abonné], restent pour l’instant au chaud, mais pourraient se voir également sacrifier l’année prochaine, pour respecter le plan d’arbitrage. Peut-être que 2024 sera plus clémente pour ce segment. Selon nos informations, Primonial Reim a sorti du marché l’immeuble de bureau Eureka situé à Nanterre (95), racheté en 2015 à Generali pour un peu plus de 180 millions d’euros. La mise en vente se serait révélée catastrophique, avec comme principal résultat une offre très agressive d’un promoteur, avec une insolente décote de...80%. Un revers tellement cinglant que les gérants de Capimmo ont préféré reprendre leurs billes et retiré l’actif du marché.
Pour éviter que le bateau sombre, Grégory Frapet s’accroche à plusieurs bouées. Il sait que le retour de la liquidité ne sera pas suffisant pour sauver sa SCI. Alors, en parallèle de la «grande braderie» lancée sur le patrimoine de Capimmo, il se lance sur d’autres pistes pour reconquérir les investisseurs. Il annonçait déjà en septembre dernier
suprimer les 2% de commission de souscription [lien réservé abonné] (acquise au fonds) jusqu’à fin 2024. Trop peu, trop tard, l’information a été sèchement accueillie par le marché, comme le montrent les réactions sur LinkedIn.
Peu importe, le dirigeant veut déjà prévoir la séquence d’après. À quoi ressemblera Capimmo une fois ses déboires passés ? Si sa poche de liquidité devrait être maintenue à 10%, sa stratégie d’investissement sera ajustée, avec moins de bureau et plus de santé. D’où le rachat d’Icade Santé qui a beaucoup fait parler….
ARBITRAGE MASSIF DE SCPI
La rumeur de marché ne cessait d’enfler. Au point que Primonial Reim ait souhaité la démentir. En avril dernier, les gérants de Capimmo ont vendu pour 300 millions d’euros de parts de SCPI. Une opération supposément réalisée, selon ses détracteurs, afin de lui donner le cash suffisant pour racheter les 63% d’Icade dans son pôle santé, Icade Santé. Les fonds de Primonial Reim supportent la très grande majorité de la transaction : 1,1 milliard d’euros sur 1,4 milliard au total, le reste étant amené par d’autres investisseurs.
«L’acquisition du solde des titres détenus par Icade dans Icade Santé/Praemia Healthcare (36%) interviendra progressivement d’ici fin 2025 », indiquait la société de gestion en juillet dans un communiqué.
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De quoi alimenter les suspicions d’un allègement massif en SCPI pour financer l’opération. Faux, rétorque, Grégory Frapet. «
Cette cession a été réalisée notamment dans le but d’accroitre la liquidité du fonds et s’inscrit dans le cadre d’une gestion active de Capimmo», se défend le président du directoire de Primonial Reim, ajoutant que «
plusieurs sociétés de gestion ont logiquement fait de même» par la suite.
Il reste qu’en inondant le marché de parts de SCPI, Primonial Reim a crispé la Place et tendu ses relations avec les autres gérants. «
Nous assumons notre choix. Nous devions faire face à des demandes de retraits importants, la mise en place d’un plan d’arbitrage complémentaire était la bonne décision de gestion pour assurer la liquidité de Capimmo, renforcer sa stratégie vers les classes d’actifs alternatives (santé, hôtellerie, logistique), améliorer son profil de rendement et de saisir de nouvelles opportunités d’investissements», poursuit Grégory Frapet. À fin septembre, la SCI était toujours composée de 10,13% de SCPI et OPCI, réparties sur six sociétés de gestion… dont Primonial Reim.
ORADÉA VIA A BLOQUÉ LES ARBITRAGES
Ils ont été pris à leur propre jeu. Après avoir poussé pendant des années les sociétés de gestion immobilière à créer des SCI, pour se débarrasser du risque de la liquidité,
les assureurs vie se retrouvent piégés [lien réservé abonné] par les limites du mécanisme. Dans les faits, ils assurent les sorties de leurs clients dans le cadre de leurs contrats d’assurance vie, mais se font «rembourser» par les sociétés de gestion partenaires, qui mettent en place des poches de liquidité. Généralement de l’ordre de 5%, elles peuvent gonfler en fonction du contexte.
Cela a été le cas de Capimmo. Comme le révélait L’Agefi en septembre,
Primonial Reim avait monté la sienne à environ 1 milliard d’euros [lien réservé abonné] alors que son accord avec ses 15 partenaires assureurs l’engageait sur 370 millions d’euros seulement. Mais le bond des demandes de sorties depuis mars a changé la donne et réduit la poche à peau de chagrin. D’où le courrier de Primonial Reim, informant ses assureurs de l’atteinte proche du milliard d’euros et de son incapacité à leur garantir la liquidité promise au-delà.
La grande majorité a accepté de mettre la main à la poche, notamment les deux principaux, Suravenir et Generali qui représentent 60% des encours à eux deux. Oradéa Vie, la filiale de Société Générale Assurances, a, elle, bloqué les arbitrages, une possibilité prévue dans les dispositions de ses contrats d’assurance vie. Les rachats sont eux toujours autorisés.