Clause abusive d’un contrat de prêt et référence à l’article L. 111-1 du Code de la consommation
(arrêt de la CJUE, n° C-224/19, Arrêt de la Cour, CY contre Caixabank SA, 16 juillet 2020)
2ème partie :
Mais il est un point fondamental qui est rappelé dans cet arrêt : c'est le principe de la réciprocité, qui résulte de la contrepartie à prendre en compte lorsqu'un prêteur impose un calcul, ou une méthode de calcul, sans qu'il ne soit justifié de l'intérêt pour les parties au contrat (en d'autres termes, sans que le consommateur-emprunteur n'ait été alerté de l'avantage ou de l'inconvénient qu'il peut tirer d'une clause “dite lombarde“, c'est-à-dire que les surcoûts répercutés sur le client correspondent à des services effectivement fournis).
Ainsi, dans le droit espagnol, « L’article 87 du décret royal législatif 1/2007, intitulé « Clauses abusives pour cause d’absence de réciprocité », prévoit, à son paragraphe 5 : « Sont abusives les clauses qui, dans le contrat, créent au détriment du consommateur ou de l’usager une absence de réciprocité contraire à la bonne foi [...] », et plus précisément « l’article 89 du décret royal législatif 1/2007, intitulé « Clauses abusives affectant la perfection et l’exécution du contrat », qui dispose : « Sont en tout état de cause considérées comme des clauses abusives : […]
4. L’imposition, au consommateur ou à l’usager, de biens ou de services complémentaires ou accessoires non sollicités.
5. Les majorations de prix pour des services accessoires […] qui ne correspondent pas à des prestations supplémentaires susceptibles d’être acceptées ou rejetées […] »
C'est-à-dire que le surcoût qu'imposerait un prêteur en usant d'un diviseur 360 pour calculer les intérêts d'un prêt doit respecter un principe absolu : « Les services qui n’ont pas été expressément acceptés ou demandés par le client ne donnent lieu à aucune commission, ni à aucun frais. Les commissions ou frais répercutés sur le client doivent correspondre à des services effectivement fournis ou à des coûts supportés. » C'est cela qu'on appelle la réciprocité, liée à la notion de contrepartie.
Cette notion nous conduit à celle de déséquilibre significatif lorsque le prêteur a imposé une méthode de calcul des intérêts sans que le consommateur n'en ait été correctement informé, ainsi que nous le rappelle la CJUE : « Au regard de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13, lorsqu’une clause dite de “X Y Z” n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle et que l’établissement financier ne démontre pas qu’elle correspond à des services effectivement fournis et à des frais qu’elle a exposés, cette clause crée un déséquilibre important entre les droits et les obligations des parties au contrat. »
En tout état de cause, l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’une clause d’un contrat de prêt conclu entre un consommateur et un établissement financier imposant au consommateur un surcroît clandestin d'intérêts, crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat en dépit de l’exigence de bonne foi, lorsque l’établissement financier ne démontre pas que ce surcoût correspond à des services effectivement fournis et à des frais qu’il a exposés.
Bien plus, s’agissant de la question de savoir si l’exigence de bonne foi, au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13, est respectée, il importe de constater que, eu égard au seizième considérant de celle-ci, le juge national doit vérifier à ces fins si le professionnel, en traitant de façon loyale et équitable avec le consommateur, pouvait raisonnablement s’attendre à ce que ce dernier accepte une telle clause à la suite d’une négociation individuelle (arrêt du 3 octobre 2019, Kiss et CIB Bank, C-621/17, EU:C:2019:820, point 50).
La Cour européenne revient une fois de plus sur l'aspect profane de l'emprunteur face au sachant qu'est le professionnel en soulignant : « le système de protection mis en œuvre par la directive 93/13 reposant sur l’idée que le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité à l’égard du professionnel en ce qui concerne, notamment, le niveau d’information, ladite exigence doit être entendue d’une manière extensive, à savoir comme imposant non seulement que la clause concernée soit intelligible pour le consommateur sur un plan grammatical, mais aussi que le contrat expose de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme auquel se réfère la clause concernée ainsi que, le cas échéant, la relation entre ce mécanisme et celui prescrit par d’autres clauses, de sorte que le consommateur soit mis en mesure d’évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques qui en découlent pour lui (voir, en ce sens, arrêts du 30 avril 2014, Kásler et Káslerné Rábai, C-26/13, EU:C:2014:282, points 70 à 73 ; du 3 octobre 2019, Kiss et CIB Bank, C-621/17, EU:C:2019:820, point 37, ainsi que du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch, C-125/18, EU:C:2020:138, point 43). »
En prenant connaissance d'un tel arrêt, je me dis que dans le cas où vous seriez en contentieux avec votre banque, si votre conseil bâtit son argumentation à la manière de l'avocat général de la CJUE pour soulever l'aspect abusif de la clause lombarde contenue dans votre contrat de prêt, je vois mal le juge ne pas être sensible à l'absence de contrepartie que vous aurait imposée votre prêteur, qui plus est sans vous avoir parfaitement informé pour vous permettre de prendre votre décision de contracter en toutes connaissances de cause.
L'absence de contrepartie, c'est une notion importante qui peut convaincre du caractère abusif d'une clause du contrat.