Selon l'arrêt de la Cour, il suffit pour la commune de dessiner sa future zone d'aménagement concerté (ZAC) en plusieurs secteurs, éventuellement éloignés les uns des autres, pour que les terrains expropriés ne puissent plus correspondre à la catégorie « à bâtir », dont la valeur est très supérieure.

Ayant la maîtrise des projets de ZAC en décidant du lieu de création, des surfaces et des dates du projet, éléments qui influent sur l'évaluation des terrains, les communes ont en effet le pouvoir d'agir sur le montant des indemnités d'expropriation.

Un propriétaire de terres agricoles expropriées contestait l'indemnisation offerte. Il s'agit de terrains à bâtir, plaidait-il, car ces 4 hectares sont classés en zone constructible par le plan local d'urbanisme et sont desservis, comme le veut la loi, par des réseaux de voirie, d'électricité, d'eau potable et d'assainissement suffisants pour desservir l'ensemble de ce futur secteur.

Ce particulier avait obtenu gain de cause devant la cour d'appel. La loi, qui exige des réseaux suffisants pour desservir « l'ensemble de la zone » future, n'a pas prévu qu'une ZAC soit disséminée, observait-elle. De plus, les réseaux existants ne desserviront logiquement que le secteur dans lequel ils se trouvent. Exiger qu'ils aient la capacité suffisante pour desservir en plus les 16 hectares des autres secteurs de la ZAC, dispersés voire éloignés, revient, expliquait la cour d'appel, à exiger une condition impossible et donc à priver artificiellement ces parcelles de la valeur du terrain à bâtir. Cela porte atteinte au principe de la « juste et préalable indemnité » exigée par la Constitution en matière d'expropriation, concluait-elle.

Mais la Cour de cassation a appliqué la loi à la lettre et cassé cet arrêt. Le code de l'urbanisme exige que les réseaux soient aptes à desservir « l'ensemble de la zone », a-t-elle noté, et il n'y a pas à distinguer si la zone est d'un seul tenant ou s'il s'agit d'une ZAC multi-sites avec plusieurs secteurs distincts, séparés et éloignés.

Le propriétaire des terrains en cause ne peut donc pas obtenir l'indemnisation au prix du terrain à bâtir puisque les réseaux sont insuffisants pour l'ensemble des secteurs dispersés, a conclu la Cour.

(Cass. Civ 3, 8.1.2023, E 22-10.143).