Quand la banque perd le droit aux intérêts, mise au point sur la déchéance du prêteur

En revanche si la banque a honnêtement averti le consommateur (ou l’emprunteur professionnel) qu’il utilisait 12 mois d’égale durée de 30 jours pour définir son taux de période, ce qui rendrait la disposition contractuelle, et, à lire certains arrêts, s’il n’a calculé les intérêts que sur la base de l’année bancaire de 360 jours, sans récupérer ceux courant sur les 5 ou 6 jours non pris en compte de ce fait, la pratique ne sera pas condamnée. Un arrêt d’une Cour d’appel (Angers), récent, et débattu ailleurs ici, semble cependant vouloir interdire cette pratique en ne reconnaissant que l’année civile de 365 ou 366 jours.

Mais de toute façon si dans votre contrat vous constatez (ce qui ne sera pas à la portée de la majorité des emprunteurs) qu’il y a sur votre offre:

- d’une part une mention du type « taux période/mois 0,3683 » sans que la durée effective de ce mois soit précisée (30, ou, selon les années 30,4 ou 30,5 jours), rédaction en outre ici fautive du fait du « / » qui ne sera pas intelligible pour tous les emprunteurs, le français étant en outre la langue de la République, comme de l’absence de la mention complète du « taux de période » et de celle, explicite, que la durée de cette période serait le mois, cette formulation abrégée étant de nature à tromper le consommateur;

- d’autre part un tableau d’amortissement (ou un échéancier édité après coup, une fois la totalité des fonds effectivement débloquée, et régularisant les échéances encore théoriques du tableau d’amortissement) dont le calcul, qui n’est pas à la portée de tout emprunteur (d’où une découverte tardive de l’erreur repoussant le point de départ de la prescription) ferait ressortir que la durée de cette période non exactement renseignée n’était que celle du mois de 30 jours de l’année bancaire ;

alors les dispositions rappelées ci-dessus ont été violées par la banque et la sanction de la déchéance est encourue pour ces médiocres pratiques.

14) La mise en cause de la banque pour manquement au devoir d’information ou de mise en garde :

Les articles 1146 -1147 du Code civil sont ici en cause, et nous sortons du droit de la consommation et de la demande de déchéance des intérêts. C’est la responsabilité bancaire qui sera soulevée dès lors que le prêteur aurait accordé un crédit manifestement excessif au regard des ressources de l’emprunteur, et sans le mettre en garde sur les risques liés à cet endettement.

C’est la contrepartie de l’absence de droit au crédit : aucune banque n’est obligée de vous prêter (laissons les PEL et CEL de côté, qui de plus suivent une phase d’épargne préalable obligée), sauf à mettre éventuellement en cause sa responsabilité au motif d’une rupture abusive de pourparlers.
De ce fait une banque qui prête pour un achat immobilier aura pesé les risques, et considéré que son emprunteur aura la possibilité de faire face à ses engagements, et ce sur la durée du prêt.

Il faut bien voir que si le banquier peut refuser un prêt, la mise en cause de la responsabilité bancaire dans l’octroi d’un crédit repose sur cette idée que dans certains cas le banquier doit refuser un prêt, ce que tout consommateur sera tenté de lui reprocher quand cela brise son rêve d’immobilier, et le ‘coup de cœur’ qu’on dit aller avec pour vendre un bien.

On sait les cas dramatiques rencontrés en matière de crédit à la consommation, notamment pour le crédit ‘revolving’, d’où des efforts aussi répétés que vains pour le réformer. Ainsi récemment le suicide d’une assistante maternelle (600 € de ressources propres, 27 prêts auprès de14 prêteurs pour 207 000 €) ou la dérive de cette principale de collège qui en 5 ans a contracté pour 390 000 € de crédits, d’où d’impossibles mensualités de 8 800 €. Ils sont l’équivalent, mais en matière de crédit immobilier, des subprimes américains.

Il est vrai que l’obtention d’un prêt immobilier passe chez nous par une étude de dossier plus sérieuse qu’en matière de crédit à la consommation (où les taux très élevés permettent aussi au prêteur de courir plus de risques) mais la tendance actuelle révèle malgré tout une prise de risques accrue :

- nombre de prêts sont obtenus (recours aux courtiers) d’un prêteur qui n’est pas la banque usuelle de l’emprunteur, laquelle en revanche connaît assez bien son profil.

- la durée des prêts s’allonge de façon exagérée, augmentant le coût du crédit, aggravant la possibilité d’avoir à faire face aux aléas de la vie (chômage, divorce, accidents de santé mal couverts par l’ADI…).

- la diffusion des prêts à taux variable, souvent utilisés pour ‘faire passer’ un dossier déjà fragile, prêts mal compris bien souvent des emprunteurs (et qui n’ont guère, parfois, été mis en situation de les comprendre !), a exposé nombre d’entre eux à voir rapidement une mensualité croissante (possibilité pas toujours perçue) dépasser le maximum usuel retenu pour la capacité d’endettement (il n’a pas de valeur légale, la notion de reste-à-vivre peut permettre de sortir des 33% d’endettement usuels, alors que 33% sur le SMIC, c’est excessif). Or cela, la banque pouvait le prévoir.

- la pratique consistant à accepter un faible apport, voire pas d’apport du tout (prêt incluant les frais dits de notaire !), s’est répandu : là, on franchit la ligne jaune. Y compris quand on accepte – ce qui ne doit pas se faire - de constituer une hypothèque sur un bien dont on sait que le prix risque de chuter dès lors qu’il a été acheté au sommet de l’actuelle bulle immobilière, dont on sait aussi que la vente aux enchères reviendrait à en brader le prix (alors que l’emprunteur restera poursuivi pour le solde de la créance bancaire non soldée par cette vente !), tout en prêtant à 110 % de sa valeur d’acquisition (on aurait vu du 115%, dit-on), là on expose un emprunteur défaillant aux plus graves déconvenues en lui offrant de telles ‘facilités’ qui ont un prix élevé.

Bien entendu si l’emprunteur a fait de fausses déclarations pour obtenir le prêt immobilier, minimisant ses dépenses, majorant ses ressources, la responsabilité bancaire ne pourra être mise en cause, sauf faute particulière de la banque.

Il est bien évident que cette mise en cause interviendra lors d’une défaillance de l’emprunteur, qui prouvera dans les faits que le prêt présentait de gros risques pour lui : mais la question à trancher sera celle de la perception que la banque pouvait raisonnablement en avoir au départ, et sur la base des informations dont elle disposait alors légitimement.

Les textes utilisés (articles 1146 -1147 du Code civil) sont en dehors du droit consumériste:

Article 1146 :

Les dommages et intérêts ne sont dus que lorsque le débiteur est en demeure de remplir son obligation, excepté néanmoins lorsque la chose que le débiteur s'était obligé de donner ou de faire ne pouvait être donnée ou faite que dans un certain temps qu'il a laissé passer. La mise en demeure peut résulter d'une lettre missive, s'il en ressort une interpellation suffisante.

Le débiteur de l’obligation est la banque face à un emprunteur qui est ici son créancier : le devoir d’information ou de mise en garde est analysé comme une créance sur le prêteur, qui se résoudra en dommages et intérêts si le prêteur a été défaillant à assurer cette obligation au profit de l’emprunteur. Si cette obligation (qui ne s’entend pas que de sommes d’argent) n’a pas été satisfaite, des dommages et intérêts pourront être réclamés à la banque, souvent du montant de la créance dont elle poursuit le recouvrement, mais en dehors du cadre du droit de la consommation : cela relève du droit général des obligations. Et donc jouerait:

Article 1147 :

Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Sachant que celui qui est débiteur d’une obligation d’information ou de mise en garde doit pouvoir prouver qu’il l’a remplie, ce qui ne lui sera pas toujours facile. La banque ne peut s’en dégager comme le fait par exemple un chirurgien qui fait signer un papier où son patient reconnaît avoir été informé des risques relatifs à l’opération (qui, elle, est en principe indispensable, alors que le banquier peut refuser un prêt) : l’un fait courir un risque pour sauver son patient d’une situation dont il lui faut sortir, l’autre risque au contraire de plonger son client, du fait de cet endettement, dans une situation impossible.

Cette sanction de l'octroi d'un crédit difficilement soutenable, face aux facultés financières et aux charges de l’emprunteur, ne relevant que du pouvoir du juge du fond, sera toutefois contrôlée par la Cour de cassation (mais pas quant au montant des dommages et intérêts attribués) :

- soit qu’elle ait été refusée sans que le juge du fond ait constaté que l’emprunteur était non averti (‘qualité’ qui, seule, permet d’en bénéficier), ou inversement. On peut parfaitement être professionnel pour en bénéficier, sauf si cette profession permet d’être un emprunteur averti. Mais l’épouse qui garantit un prêt professionnel de son mari, emprunteur averti, en bénéficiera, elle.

- soit que juge du fond n’ait pas relevé, tout en l’attribuant, une faute de la banque, qui ne disposait par exemple pas, sur la situation de l’emprunteur, d’informations que celui-ci n’avait pas, ou pas tenu compte d’une faute de l’emprunteur ayant amené celle de la banque.
 
Cette question mériterait de plus amples développements car il s’agit d’une évolution très récente de la jurisprudence, et dont la portée est considérable pour la protection de l’emprunteur non averti : il semble même que toutes les banques n’en aient pas encore perçu toutes les implications dans leur action de dispensatrices de crédits.

15) Quel degré d’inexactitude du TEG serait à mettre en cause ?

Il n’est pas de réponse certaine à cette question, que tout emprunteur doit malgré tout se poser avant d’agir ou de réagir, sachant que :

- la décision étant à la discrétion du juge du fond elle est imprévisible, et une banque ne pourrait contester devant la Cour de cassation une déchéance totale du droit aux intérêts prononcée pour une erreur infime au détriment de l’emprunteur sur le seul motif qu’elle serait excessive au regard des faits de l’espèce. Il faudrait pour cela une violation du droit consumériste, ou des règles de procédure, pour permettre une remise en cause de la déchéance devant d’autres juges du fond après cassation.

- il semble impensable de refuser une déchéance totale du droit aux intérêts devant des violations massives et répétées du droit consumériste.
La jurisprudence récente de la chambre civile 1 de la Cour de Cassation - après l’arrêt de la chambre criminelle du 10 septembre 2003, pourvoi n° 02-85188 - (23 novembre 2004, bull n° 289 ; 8 novembre 2007, bull n° 349, confirmée le 9 décembre 2010 , pourvoi n° 09-67089), qui impose l'intégration dans le calcul du TEG des parts sociales souscrites auprès de certains établissements mutualistes, traduit même la volonté de fixer un taux très précis : en effet, l'omission des parts sociales n'a qu'une incidence très marginale sur l'affichage d'un TEG, le plus souvent de l'ordre de quelques centièmes de points (ce troisième chiffre après la virgule que certaines banques n’utilisent pas). On comprend d’autant plus mal, de ce fait, que de rares établissements mutualistes se refusent encore à respecter la loi, comme celui qui était en cause dans l’arrêt du 9 décembre 2010.

- en revanche une déchéance du droit aux intérêts ne semble pas pouvoir être prononcée en cas d’erreur en faveur de l’emprunteur (TEG affiché plus élevé sur l’offre que la réalité du calcul ne le fait ensuite ressortir en fonction des paiements réels de l’emprunteur, dont le consentement n’a pas été vicié de ce fait) ou quand le TEG pratiqué a été le bon en fonction des données de l’offre alors qu’un TEG inexactement affiché avait été calculé sur elle.



Cour d'Appel de Paris, 15 octobre 2005 : « contrairement à ce que prétend l'établissement de crédit, la mauvaise appréciation du TEG présente un caractère déterminant quant à la validité du consentement et que, ainsi, la mauvaise appréciation du TEG présente un caractère déterminant quant à la validité du consentement et que, ainsi, un simple mensonge sur ce taux peut constituer un dol ».



Par jugement du Tribunal de Grande Instance de Versailles du 21 janvier 2004, la BNP est condamnée à payer à son client la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts dans un cas où la constance de la banque dans l’erreur comme dans la négligence à répétition est assez remarquable:

« Cette réitération de la référence à un taux minoré démontre donc une absence de vérification de la Banque, non seulement lors du renseignement du client, mais aussi lors de la concrétisation de son engagement, malgré le délai écoulé entre les deux opérations.
L'erreur invoquée portait pourtant sur une des principales conditions du contrat de prêt, source habituelle de négociations, et induisant le coût du crédit.
Dès lors, en s'abstenant de procéder à plusieurs reprises à la vérification du taux du crédit consenti, et en allant même jusqu'à approuver expressément un TEG de 1,241 %, la Banque a accepté, par sa négligence, le risque d'une erreur sur ce point pourtant essentiel.

Une telle négligence est d'autant plus inexcusable qu'elle émane d'un professionnel de ce type d'opérations, dont la mission est non seulement de donner un conseil fiable à ses clients mais aussi de vérifier les documents qu'elle signe et leur fait signer
. »


la déchéance du droit aux intérêts ne s'étend pas au-delà de ce que la loi prévoit, c'est-à-dire ni aux intérêts calculés au taux légal après mise en demeure*, ni aux frais annexes à la vente (Cass. 1ère Civ, 18 mars 2003, Bull. Civ. I n° 84**). »
* c’est hélas exact, mais nombre de jugements semblent ignorer cette obligation.
** « Vu l'article 1153, alinéa 3, du Code civil et l'article L. 312-33 du Code de la consommation; Attendu qu'en se prononçant ainsi, alors que, si pour le prêteur, la méconnaissance des obligations prévues par l'article 312-8 du Code de la consommation, peut entraîner la déchéance du droit aux intérêts, l'emprunteur reste néanmoins tenu aux intérêts au taux légal depuis la mise en demeure, la cour d'appel a violé, par refus d'application, le premier des textes susvisés, et, par fausse application, le second ; »
« Encourt la cassation l'arrêt qui retient que la déchéance du droit aux intérêts qui sanctionne la méconnaissance par le prêteur des obligations prévues à l'article L. 312-8 du Code de la consommation, porte sur tous les intérêts tant conventionnels que légaux en l'absence des précisions dans le texte et compte tenu du parallélisme avec l'article L. 311-33 du Code de la consommation, alors que l'emprunteur reste néanmoins tenu des intérêts au taux légal depuis la mise en demeure en application des dispositions de l'article 1153, alinéa 3, du Code civil. »


16) Et les prêts à taux variable ?

Evoquons les rapidement même s’il a pu en être question parfois ci-dessus. La rédaction de l’article L312-8 du Code de la consommation les concernant a été récemment modifiée, donc se reporter au site Legifrance pour en voir l’état antérieur valable lorsque l’offre en cause a été émise.

Cet article ne les traite différemment que pour certains points seulement, le reste leur étant applicable ; au lieu de l’exigence d’un échéancier relative aux offres de prêts dont le taux d'intérêt est fixe, tel que décrit plus haut, il dispose que l’offre :

2° ter Pour les offres de prêts dont le taux d'intérêt est variable, est accompagnée d'une notice présentant les conditions et modalités de variation du taux d'intérêt et d'un document d'information contenant une simulation de l'impact d'une variation de ce taux sur les mensualités, la durée du prêt et le coût total du crédit. Cette simulation ne constitue pas un engagement du prêteur à l'égard de l'emprunteur quant à l'évolution effective des taux d'intérêt pendant le prêt et à son impact sur les mensualités, la durée du prêt et le coût total du crédit. Le document d'information mentionne le caractère indicatif de la simulation et l'absence de responsabilité du prêteur quant à l'évolution effective des taux d'intérêt pendant le prêt et à son impact sur les mensualités, la durée du prêt et le coût total du crédit ;

Une lecture stricte de ces dispositions pour les offres auxquelles elles s’appliquent ne pourra conduire qu’à exiger que la notice et le document d'information requis soient bien distincts, et complets : quelques lignes obscures présentant par exemple une mensualité de principe, suivies, en petits caractères, mais bien plus loin, de la précision qu’outre l’allongement de la durée du prêt, une hausse du montant de la mensualité de principe pourra intervenir, ne rempliront pas cette office. Toute absence de simulation conduira l’emprunteur à s’être engagé sans comprendre son contrat : ce qui est plus fréquent qu’on ne le croit avec ces prêts.

La violation de ces dispositions expose la banque à la déchéance.

Si un avenant vient à être conclu par la suite, l’article L. 133-14-1 du Code de la consommation dispose que :

Pour les prêts à taux variable, l'avenant comprend le taux effectif global ainsi que le coût du crédit calculés sur la base des seuls échéances et frais à venir jusqu'à la date de la révision du taux, ainsi que les conditions et modalités de variation du taux.

On sait que le contentieux promet d’être lourd sur ce type de prêt, qui a nécessité la création ici d’un sous-forum spécialisé. Une des banques dont les pratiques ont été les plus contestées a tenté de se sortir d’un très mauvais pas par des renégociations de masse.

La mise en cause de la banque pour manquement au devoir d’information ou de mise en garde sera au cœur de ces litiges, avec la présentation de l’offre préalable, le calcul du TEG, et l’utilisation, décrite ci-dessous, des dispositions de l’article L. 133-2 du Code de la consommation.
 
17) Points non abordés :

Sont laissées de côté comme sortant du sujet toutes les considérations tenant :

- à l’effet des dispositions de l’article L. 133-2 du Code de la consommation, dont le second alinéa dispose que les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs ou aux non-professionnels « s’interprètent en cas de doute dans le sens le plus favorable au consommateur ou au non-professionnel ».

Elles sont néanmoins capitales, si le contrat présente des obscurités, par exemple dans le cas des prêts à taux variable, ou dans celui d’un tableau d’amortissement et d’une offre mal établis, se contredisant, ce qui peut se présenter. Si des stipulations contractuelles (dans un contrat d’adhésion, que le consommateur ne peut modifier, et que le professionnel a établi avec le soin de ses intérêts) sont à interpréter, c’est bien que le contrat soumis à l’emprunteur était de façon délibérée peu intelligible pour lui : il aura donc contracté de façon dommageable pour lui.

- à l’effet des dispositions de l’article L312-13 du Code de la consommation dont la sanction n’est pas prévue, et qui ne doit que très rarement être violé :

Lorsque l'emprunteur informe ses prêteurs qu'il recourt à plusieurs prêts pour la même opération, chaque prêt est conclu sous la condition suspensive de l'octroi de chacun des autres prêts. Cette disposition ne s'applique qu'aux prêts dont le montant est supérieur à 10 % du crédit total.

- aux dispositions du Code de la consommation relatives à la publicité (articles L312-4 à L312-6) mais dont la sanction, si elle est cette fois prévue (article L312-32), n’est que pénale.

- aux dispositions du Code de la consommation relatives à l'adhésion à un contrat d'assurance de groupe (article L312-9) :

Lorsque le prêteur propose à l'emprunteur l'adhésion à un contrat d'assurance de groupe qu'il a souscrit en vue de garantir en cas de survenance d'un des risques que ce contrat définit, soit le remboursement total ou partiel du montant du prêt restant dû, soit le paiement de tout ou partie des échéances dudit prêt, les dispositions suivantes sont obligatoirement appliquées :
1° Au contrat de prêt est annexée une notice énumérant les risques garantis et précisant toutes les modalités de la mise en jeu de l'assurance ;
2° Toute modification apportée ultérieurement à la définition des risques garantis ou aux modalités de la mise en jeu de l'assurance est inopposable à l'emprunteur qui n'y a pas donné son acceptation ;
3° Lorsque l'assureur a subordonné sa garantie à l'agrément de la personne de l'assuré et que cet agrément n'est pas donné, le contrat de prêt est résolu de plein droit à la demande de l'emprunteur sans frais ni pénalité d'aucune sorte. Cette demande doit être présentée dans le délai d'un mois à compter de la notification du refus de l'agrément.
Le prêteur ne peut pas refuser en garantie un autre contrat d'assurance dès lors que ce contrat présente un niveau de garantie équivalent au contrat d'assurance de groupe qu'il propose. Toute décision de refus doit être motivée.
Le prêteur ne peut pas modifier les conditions de taux du prêt prévues dans l'offre définie à l'article L. 312-7*, que celui-ci soit fixe ou variable, en contrepartie de son acceptation en garantie d'un contrat d'assurance autre que le contrat d'assurance de groupe qu'il propose.
L'assureur est tenu d'informer le prêteur du non-paiement par l'emprunteur de sa prime d'assurance ou de toute modification substantielle du contrat d'assurance.

* comprendre L. 312-8, L. 312-7 ne faisant que l’imposer.

J’ajoute que l’article L312-8 du Code de la consommation oblige désormais le prêteur à accepter une délégation d’ADI puisque l’offre :

4° bis Mentionne que l'emprunteur peut souscrire auprès de l'assureur de son choix une assurance dans les conditions fixées à l'article L. 312-9 ;

Cette disposition de l’article L312-8, d’ordre public, expose la banque à la déchéance…mais comment serait-elle prononcée si le prêteur s’est refusé à prêter pour ce motif ? Et bien sûr sans l’écrire alors que seule l’absence de la mention est réprimée : attendons donc l’interprétation qu’ne fera la jurisprudence… Ou s’il a, toujours sans l’écrire, violé son obligation de ne pas modifier les conditions de taux du prêt prévues dans l'offre en contrepartie de son acceptation en garantie d'un contrat d'assurance autre que le contrat d'assurance de groupe qu'il propose, s’il a établi cette offre en sachant déjà que ce serait le cas ?
Ce qui contraindrait alors les emprunteurs à passer en force, en faisant semblant d’accepter initialement l’assurance de groupe, mais attitude qui sera difficile à mettre en pratique, et qui augurera mal de la suite des rapports avec la banque, notamment si le prêt doit être renégocié plus tard. Il semble que les contrats d'assurance de groupe apportent au prêteur une bonne partie de sa marge sur les crédits consentis, ce qui peut pousser à des violations dissimulées de la loi.

- aux problèmes des cautions (personnes physiques), qui parfois se retournent contre la banque…dès lors qu’elle agit contre elles.

- au prononcé éventuel de la déchéance du terme par la banque à la suite d’échéances impayées : il doit être fait selon les conditions contractuelles prévues en général dans les conditions générales de l’offre : ainsi s’il y existe un délai, son non-respect invalidera (mais par demande en justice) cette déchéance du terme.

J’ajoute que cette déchéance du terme fera perdre le bénéfice de l’assurance de groupe, ce qui peut avoir des conséquences redoutables.

- aux litiges relatifs à l’inscription des emprunteurs au FICP suite à leur défaillance : ils sont nombreux (inscription injustifiée, radiation non effectuée, conséquences –lourdes – d’une telle inscription).

- aux causes nombreuses d’incidents et d’irrégularités dans les procédures de saisie immobilière, qui seront soulevés devant le juge de l’exécution (JEX) : en pratique l’existence d’un titre exécutoire (l’acte notarié) ne dispensera pas la banque de ce détour judiciaire. Les compétences du juge de l’exécution sont d’une ampleur accrue par la jurisprudence récente : un acte notarié est un titre exécutoire en pratique ‘inférieur’ à un jugement et il pourra être attaqué sur certains points devant le JEX ; la déchéance du droit aux intérêts du prêteur pourra lui être demandée, la nullité du contrat ou la nullité de la stipulation d’intérêts soulevées, etc.
Rappelons que la réforme des saisies immobilières permet, sous le contrôle du juge, d’éviter une vente aux enchères, ce qui sera aussi l’intérêt de la banque pour récupérer plus facilement l’essentiel de sa créance.
 
L'allongement de la durée des emprunts a été évoqué, des chiffres dans cet article du Monde de l'économie daté de demain 8 mars:

Titre : Tous propriétaires : la fin d'un mythe
Date : 07/03/2011
Auteur: Isabelle Rey-Lefebvre avec Harold Thibault

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Et plus d'un quart des acquéreurs, notamment les jeunes, s'endettent pour plus de 25 ans, alors qu'ils n'étaient que 0,8 % en 2000.
 
En guise de conclusion :

Les violations du droit consumériste qui font l’objet d’une sanction pénale relèvent donc de comportements bancaire délictueux. Dès lors il importe de contribuer à leur moralisation comme au respect de la protection du consommateur, partie faible face aux contrats d’adhésion que sont les offres de prêt, alors même que la réflexion de l’acheteur immobilier est trop souvent mise en sommeil par l’impatience mise à vouloir réaliser un « rêve immobilier » ou autre « coup de coeur ». Contracter un prêt, c’est s’engager pour longtemps, trop souvent pour 20 ans ou plus désormais.

Le consommateur ne s’intéressera aux failles éventuelles de son offre de prêt que si l’aventure tourne mal, et donc quand il sera confronté à une action de la banque contre lui : bien souvent ce sera trop tard face à la prescription, sauf en cas de découverte retardée d’erreur ou de dol.

Le choix doit donc être d’agir le plus tôt possible si ces failles sont avérées, et ce avant que la banque n’agisse elle-même car elle attendra qu’il soit trop tard pour lui opposer les vices du contrat.

Rappelons les grandes lignes d’une défense (demande reconventionnelle ou de nullité du contrat) ou d’une action possible face à un prêt irrégulier :

- nullité du contrat (erreur viciant le consentement) ou nullité de la clause d’intérêt (acte notarié) ;

- demande de déchéance du prêteur du droit aux intérêts du fait des vices de l’offre;

- mise en cause de la responsabilité bancaire (demande de dommages et intérêts).

Certes le chemin n’est pas facile, et il arrive que des juges du fond violent la loi, par erreur ou pas, ou que les faits soient dénaturés. Dans les cas les plus graves vous pourrez même être victimes de fau, ou d’escroquerie au jugement, ce qui se combat également.

Mais il faut, quand le dossier est solide, aller en appel, puis, le cas échéant, en cassation. C’est à ce dernier stade en effet que s’unifie la jurisprudence, et, point capital, qu’une large publicité est faite qui permet de faire progresser les pratiques bancaires vers un plus grand respect de la protection du consommateur, et aux emprunteurs d’apprendre à voir ce qui est condamnable. Enfin cela fait aux banques violant la loi (ce n’est pas le cas de toutes, mais certaines sont plus faillibles que d’autres, quelles que soient les valeurs qu’elles prétendent porter) une large publicité dont elles se passeraient bien.

Ainsi je vous recommande l’achat en ligne des pages consacrées à l’étude de l’arrêt du 9 décembre 2010 (pourvoi n° 09-67089) analysé plus haut par un universitaire, Jérôme LASSERRE CAPDEVILLE (Prise en compte du coût de la souscription de parts sociales dans le calcul du TEG ; Petites affiches - 17 FEVRIER 2011 - N° 34 ; pages 4 à 9) :

« Cet arrêt, qui va faire l'objet d'une large publicité *, était attendu. En effet, il vient confirmer, malgré la résistance de quelques juridictions du fond, mais aussi d'un courant doctrinal, le fait qu'il convient d'inclure dans le calcul du TEG le coût de souscription de parts sociales lorsque la souscription en question est une condition d'octroi du prêt (I). Si cette solution emporte notre conviction (II), elle amène également à se poser un certain nombre de questions auxquelles il convient de tenter de répondre (III). »
 
* large publicité ne veut pas dire que la banque en question va s’en vanter auprès de ses sociétaires, mais que la Cour de cassation veut qu’il soit très largement diffusé afin que la décision soit connue, du fait de son importance, des juges du fond, de la doctrine (les universitaires et autres professionnels du droit qui jouent un rôle dans l’évolution du droit, à leur façon, en commentant, approuvant ou pas, la jurisprudence) et des consommateurs. pour chaque arrêt, sont donc définies les conditions de la publicité qui lui sera faite.

C’est donc fini, sauf à répondre à des questions et à vos commentaires.
Afin de permettre de capturer dans sa continuité ce tutoriel, vous pouvez le télécharger ici (site d’hébergement, durée de disponibilité limitée) au format :

Word :

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ou PDF :

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Voici la table des matières dans la pagination qui est reprise des ces deux fichiers téléchargeables :

I) Les sanctions : (page 4)

a) L’article L312-34 du Code de la consommation :
b) L’article L312-33 est l’article capital :

II) Le piège de la prescription : (page 7)

1) Il faut être dans les 5 ans : (page 8)

2) Mais dans les 5 ans de quoi :

a) pour le calcul du TEG : (page 8)
b) si un dol est intervenu : (page 9)
c) s’il s’agit d’une demande de nullité : (page 10)
d) date de l’offre et date de l’acte notarié : (page 11)
e) La notion d’ordre public : (page 12)


III) Les dispositions pouvant être violées par la banque (1) : 2 délais sur 3 sont en cause
(page 15)

1) le délai de validité de l’offre préalable de prêt (30 jours au moins) : (page 15)

2) le délai d’effet de la clause résolutoire (4 mois au moins) n’est lui pas concerné :
(page 16)

3) le gros morceau, le délai légal de réflexion (10 jours entiers) : (page 17)
a) Ce délai se calcule ainsi : (page 17)
b) les règles de forme, l’envoi postal : (page 18)
c) sanction pénale : (page 18)
d) La portée des mentions inscrites par l’emprunteur lui-même sur l’offre : (page 19)
e) La sanction civile de déchéance du prêteur du droit aux intérêts : (page 20)
f) Contre l’acte notarié la procédure d’inscription de faux ne sera pas nécessaire sauf si : (page 21)

5) et pour une demande de nullité du contrat ? (page 21)


IV) Les dispositions pouvant être violées par la banque (2) : le contenu de l’offre (page 26)

1) L’offre doit préciser la nature, l'objet, les modalités du prêt, notamment celles qui sont relatives aux dates et conditions de mise à disposition des fonds : (page 27)

a) la nature et les modalités du prêt : (page 27)
b) l’objet du prêt : (page 28)
c) les conditions de mise à disposition des fonds : (page 28)

2) le tableau d’amortissement : (page 28)

3) Les charges liées au prêt (hors calcul du TEG): (page 29)

a) L’importance des énonciations requises : (page 29)
b) L’estimation de ces charges est indispensable : (page 32)
c) Le coût total du crédit : (page 32)

4) Le rappel des dispositions de l'article L. 312-10 : (page 33)

5) Les charges liées au prêt et le calcul du TEG : (page 34)


V) Les dispositions pouvant être violées par la banque (3) : les modification des conditions d'obtention d'un prêt (page 37)

1) la phase pré-contractuelle d’obtention du prêt : (page 39)

2) la phase contractuelle suivant l’obtention du prêt : (page 39)

a) l’avenant : (page 40)
b) le changement de contrat: (page 41)


VI) Les dispositions pouvant être violées par la banque (4) : la question de la tolérance offerte par l’alinéa 2 de l’article L. 313-1 du Code de la consommation (page 41)

1) Position du problème, une fréquente mauvaise application du texte : (page 43)

2) Les limites à la possibilité d’écarter l’estimation des frais d’acte ou autres sont donc triples : (page )

a) - il appartient à la banque de prouver cette impossibilité (et les juges du fond ne peuvent se dispenser de la constater) qui ne relève que de l’exception: (page 46)
b) - dans toutes les situations usuelles la nécessité d’une estimation qui n’est pas une fixation précise s’impose donc. (page 49)
c) - enfin, c’est à la banque de se renseigner sur le coût des frais : (page 49)


VII) Les dispositions pouvant être violées par la banque (5) : la mise en place du prêt (page 51)

VIII) Les autres dispositions, mineures ou en débat, et la question de la responsabilité bancaire :(page 54)

1) Une exigence de décomposition du TEG ? (page 54)

2) Deux TEG dans une offre ? (page 55)

3) L’absence de la date de mise à disposition des fonds : (page 55)

4) Et quand il y a un amortissement négatif en début de prêt ? (page 56)

5) Qui a la charge de la preuve de l’exactitude du TEG ? (page 57)

6) Différence entre le contrat et l’offre : (page 58)

7) Deux demandes sont à porter contre le TEG erroné : (page 58)

8) La question du contrat d'assurance de groupe : (page 61)

9) La question des flux hypothétiques pour le calcul du TEG : (page 62)

10) La charge de la preuve en cas de dol : (page 64)

11) Et un prêt professionnel ? (page 66)

12) Le tableau d’amortissement ou échéancier : (page 67)

13) La durée du mois prise en compte : (page 68)

14) La mise en cause de la banque pour manquement au devoir d’information ou de mise en garde : (page 69)

15) Quel degré d’inexactitude du TEG serait à mettre en cause ? (page 72)


16) Et les prêts à taux variable ? (page 73)

16) Points non abordés : (page 74)


En guise de conclusion (page 76)
 
Elaphus a dit:
Ainsi je vous recommande l’achat en ligne des pages consacrées à l’étude de l’arrêt du 9 décembre 2010 (pourvoi n° 09-67089) analysé plus haut par un universitaire, Jérôme LASSERRE CAPDEVILLE (Prise en compte du coût de la souscription de parts sociales dans le calcul du TEG ; Petites affiches - 17 FEVRIER 2011 - N° 34 ; pages 4 à 9) :

Merci Elaphus pour ce travail de titan.

Je vais me procurer au plus vite cette revue. :clin-oeil:

J'adore quand on parle de mon litige avec CASDEN ! :ange:
 
Merci de cette gentillesse mais le lecteur aura aussi à faire un travail assez rude pour assimiler le dossier. :clin-oeil:

Un avant-goût de l'article cité, sa fin qui vous plaira:

Enfin, ultime question pouvant se poser à la vue de l'arrêt : quelle sanction devrait être retenue finalement en l'espèce ? Il est bien connu que lorsque le TEG n'a pas été fixé par écrit comme l'exige l'article L. 313-2 du Code de la consommation, cela entraîne la nullité du taux conventionnel (45). Le taux légal doit alors lui être substitué (46). De même, on n'ignore pas que la jurisprudence assimile le TEG erroné à l'absence de TEG (47). Pourtant ce n est pas cette sanction qui était recherchée par les époux X. En effet, ces derniers demandaient aux juges de prononcer la déchéance du droit aux intérêts en raison de l'absence d'intégration des frais de souscription des parts sociales dans le calcul du TEG. Doit-on être surpris par une telle demande ? Aucunement.
(...)

Mais la déchéance sera-t-elle alors totale ou limitée à un certain montant ? La réponse à cette question est très simple, puisqu'en matière de crédit à la consommation, et c'est une différence avec le crédit immobilier, la déchéance est forcément totale. Il appartiendra dès lors au tribunal d'instance de Niort, juridiction de renvoi, de prononcer cette redoutable sanction.



Un bémol:le juge de Niort pourrait se rebeller, mais comme le pourvoi qui suivrait irait cette fois devant l'Assemblée plénière, il ne pourra se permettre aucune fantaisie. Il peut tenter de violer la loi qu'il est chargé de faire respecter, certes, mais pas de dénaturer les faits.
Et la décision est parfaitement prévisible, la jurisprudence initiée par la Chambre criminelle, puis constamment réaffirmée par la 1ère civile, sera confirmée.



L'auteur de l'article partage cet avis:


Tout d'abord, la solution rendue sera-t-elle partagée par la chambre commerciale lorsqu'elle aura à connaître de faits similaires ? On peut légitimement le penser. À plusieurs reprises en effet, en matière bancaire, la première chambre civile a fait preuve de créativité en posant de nouvelles règles de principe particulièrement attendues : songeons à la reconnaissance de l'obligation de mise en garde du banquier dispensateur de crédit (41) ou encore à l'absence de nullité des concours octroyés par des personnes dépourvues de tout agrément (42). Dans l'ensemble de ces cas, la chambre commerciale est venue confirmer la solution dégagée, dans un premier temps, par la première chambre civile (43). Rien ne s'oppose dès lors, selon nous, à ce qu'elle n'en fasse pas de même pour la question qui nous intéresse.


Quand il y a renvoi après cassation la Cour de cassation peut renvoyer:


-devant la même Cour d'appel mais 'autrement composée', quand il n’y a aucune crainte à avoir à son égard ;


-devant une autre Cour ou un autre tribunal, si la décision précédente amenait la Cour de cassation à considérer que la justice avait été rendue d'une façon telle que le dépaysement du dossier s'imposait. C'est le cas ici, au lieu d'un renvoi devant un tribunal d'instance situé dans le même département, le dossier est renvoyé devant celui d'un autre
département.

De fait se posait aussi la question, devant cette décision de Poitiers
, de la dénaturation des faits.


Je reviendrai donc sur cet arrêt pour un aspect non traité dans l'article, et que j'ai moi-même mis du temps à comprendre, l'inutilité qu'il y avait à se prononcer sur la dénaturation des faits par le juge, car les conséquences en sont considérables, alors que la banque, en défense, tentait de s'abriter sur sa souveraine appréciation (laquelle n'a rien à voir avec l'arbitraire)...


Cela peut poser aussi un intéressant problème de tactique: quand vous avez 'bénéficié' vous condamnant grâce à une spectaculaire dénaturation des faits, et que la voir de l'appel est ouverte (ce qui n'était pas le cas ici) il peut être préférable pour vous que la Cour d'appel persévère dans cette voie, votre pourvoi n'en sera que plus assuré du succès. Au pénal il en allait différemment face à une partie civile, pour rejeter son pourvoi contre un arrêt de non-lieu,grâce à l’usage del'article 575 du Code de procédure pénale: désormais ce texte qui permettait de paralyser la mise en jeu de l’action publique par une partie civile a été jugé inconstitutionnel sur décision faisant suite à une QPC. C’est un énorme progrès de l’Etat de droit en France, il convient donc de le saluer.
 
Dernière modification:
Pour comprendre comment le jugement rendu le 13 mars 2009 par le tribunal d’instance de Poitiers a pu être aussi sèchement cassé par l’arrêt du 9 décembre 2010 de la chambre civile 1 de la Cour de cassation sans qu’elle juge bon d’avoir à examiner la question de la dénaturation des faits soulevée par la troisième branche du moyen unique du pourvoi n° 09-67089 (les écrits aux termes clairs sont seuls susceptibles de dénaturation) partons de la décision attaquée, citée en noir :
L’article L313-1 du Code de la consommation dispose que pour la détermination du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l’octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels.

Il convient en l’espèce d’examiner si le coût des parts sociales souscrites par l’emprunteur lors de la conclusion du contrat de crédit doit être intégré dans le calcul du TEG.

Ce qui revenait donc à devoir traiter cette unique question : l’acquisition de parts sociales en cause présentait-elle un lien direct et exclusif avec le crédit ?

La réponse ne pouvait être que oui :

- l’emprunteur était depuis très longtemps sociétaire de la banque (une part y suffit : article 12 des statuts de la banque) et l’avait démontré par production de pièces que le juge n’a curieusement pas prises en compte : il n’avait donc aucun besoin de souscrire de nouvelles parts sociales pour acquérir une qualité déjà présente et conforme aux exigences tant de la loi du 10 septembre 1947, que des statuts de la banque;

- l’emprunteur avait dû souscrire de nouvelles parts sociales à chaque octroi d’un nouveau crédit par cette banque et l’avait démontré par production de pièces que le juge n’a curieusement pas prises en compte.

Au lieu de tenir compte de ces preuves écrites, le juge a donc repris purement et simplement les moyens de la banque et de la doctrine qui la soutient (ce qui surprend, pour rester pudique, les moyens de preuve de l’emprunteur étant de ce fait exclus du débat sans avoir été contredits : c’est là le signe de toute mauvaise décision de justice), banque qui, rappelons le, se prévaut auprès de ses sociétaires de valeurs mutualistes :

La loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération rappelle dans son article 3 que les coopératives ne peuvent admettre les tiers, non sociétaires, à bénéficier de leurs services, à moins que les lois particulières qui les régissent ne les y autorisent.
La CASDEN BANQUE POPULAIRE en sa qualité de banque coopérative a, conformément aux dispositions législatives susvisées, rappelé dans ses statuts que seuls les sociétaires peuvent accéder aux services proposés par la CASDEN, en ce compris les opérations de crédit.

Dès lors, l’octroi d’un prêt est nécessairement subordonné à l’acquisition par l’emprunteur de la qualité de sociétaire du prêteur.

Il était pourtant prouvé que la qualité de sociétaire de l’emprunteur était acquise de longue date. On se demande comment ce fait a pu être négligé. Si une surcharge de travail est ici en cause, il est bien impératif d’augmenter le budget de la Justice !

Il est toutefois erroné de prétendre que la souscription de parts sociales présente un lien direct avec le crédit consenti par le prêteur.

II convient en effet de souligner d’une part que l’obtention de la qualité de sociétaire permet de conclure des emprunts successifs avec la banque coopérative sans qu’il soit nécessaire à chaque offre de souscrire de nouvelles parts sociales.

Au vu du rappel fait ci-dessus (l’emprunteur avait dû souscrire de nouvelles parts sociales à chaque octroi d’un nouveau crédit), cette motivation est assez surprenante.

La deuxième branche du pourvoi soulevait le moyen que l’emprunteur démontrait, de nombreuses preuves à l’appui, que la souscription de nouvelles parts sociales avait conditionné l’octroi du prêt litigieux.

Le jugement rendu par le tribunal d’instance de Poitiers était donc attaqué ici sous un grief proche de celui de la dénaturation soulevé dans la troisième branche du pourvoi.
Mais là encore la chambre civile 1 de la Cour de cassation a pu trancher sans avoir à examiner ce moyen. C’est l’énigme à résoudre : aurait-elle alors violé la loi ?

Un point n’a pas été soulevé dans cette affaire, de façon regrettable, par l’emprunteur : les parts sociales sont selon les statuts de cette banque une garantie des prêts qu’elle consent. Ce qui suffirait à rendre leur coût intégrable au calcul du TEG, même pour la part d’acquisition de la qualité de sociétaire.
L’emprunteur conserve d’autre part la possibilité de garder ses parts sociales après le remboursement intégral de l’emprunt s’il souhaite demeurer sociétaire.

Il s’agit d’une plaisante façon de décrire une situation selon laquelle, aux termes des statuts de cette banque (point non soulevé par son emprunteur mais qui semble perçu pour être écarté par cette formulation) le remboursement des parts sociales :

- n’est pas automatique à la fin d’un prêt ;

- n’est pas automatiquement accordé au sociétaire qui doit le demander sans aucune certitude de l’obtenir, et, pire encore, est conditionné par la démission (article 14 des statuts de la banque):

Le remboursement des parts sociales est subordonné à l’agrément discrétionnaire du Conseil d’Administration. Ce remboursement, sans aucun droit sur les réserves, ne sera exigible qu’après le trentième jour qui suit la notification à la Banque ou à l’intéressé de son retrait.
(…)
En cas de décès d’un sociétaire ou de dissolution d’une personne morale, leurs parts seront remboursées aux ayants-droit dans les mêmes conditions.

Il est donc impossible de rester sociétaire en ayant la méchante idée de se faire rembourser les seules parts souscrites à l’occasion d’un prêt, à l’exclusion de l’unique requise pour avoir cette qualité. La banque, tu l’aimes ou tu la quittes, en somme, ce gage de la société pour les obligations des sociétaires vis-à-vis d’elle devant se comprendre comme un gage d’amour?

On voit par là combien l’argumentation de cette banque pour faire écarter la prise en compte dans le calcul du TEG du coût de la souscription de parts sociales à nouveau exigée lors de chaque prêt, dont elles sont en outre la garantie a peu à voir avec le respect de la vérité, indépendamment du simple respect de la loi, auquel elle se refuse encore à ce jour (elle s’appuie ce mois-ci dans une autre affaire sur le jugement rendu par le tribunal d’instance de Poitiers, sans même citer l’arrêt du 9 décembre 2010 de la chambre civile 1 qui l’a cassé quatre mois plus tôt !).
 
- mais, situation ubuesque, comme l’agrément du Conseil d’Administration à ce ‘retrait’ est également discrétionnaire, le remboursement des parts sociales en devient soumis à une ‘discrétion au carré’ (article 13 des statuts de la banque):

La qualité de sociétaire se perd :
(…)
2° par démission volontaire donnée par lettre au Président de la Banque, sous réserve toutefois de son agrément discrétionnaire par le conseil,
Or le jugement rendu par le tribunal d’instance de Poitiers a retenu que :
Si les frais liés à l’acquisition de parts sociales ne présentent pas un lien direct et exclusif avec le crédit, ils ne constituent pas davantage une charge réelle pour l’emprunteur dans la mesure où ces frais peuvent lui être remboursés.
Le ‘peuvent’ est assez habile. Il est plus facile de perdre l’argent mis par obligation dans ces parts que de perdre la qualité de sociétaire afin de se les voir discrétionnairement remboursées … ou pas (mais pourquoi est-ce que je pense à un dessin d’HERGE ?). En effet :

- article 11 des statuts de la banque :

Il est expressément stipulé que les parts forment le gage de la société pour les obligations des sociétaires vis-à-vis d’elle.
- en outre ces parts sont invendables, article 10 des statuts de la banque, donc non liquides :

Les parts ne peuvent être négociées et transmises qu’avec l’agrément du Conseil d’Administration par virement de compte à compte.
Pour ce qui est du revenu tiré des parts le jugement rendu par le tribunal d’instance de Poitiers a retenu que :

Les parts sociales qui représentent la contrepartie financière d’un apport en numéraire pouvant donner lieu à versement d’intérêts sont ainsi distincts des frais visés à l’article L313-1 du Code de la consommation, lesquels s’analysent en débours exposés à fonds perdus au titre du prêt.
L’article 8 des statuts de la banque stipule que :

Les parts sont nominatives ; aucun dividende ne leur est attribué. Elles ne peuvent recevoir qu’un intérêt fixé annuellement par l’Assemblée Générale de la Banque, sans que son montant puisse excéder le taux maximum fixé par les dispositions légales ou réglementaires en vigueur.
Ce qui n’assure nullement que cet intérêt soit attribué chaque année, ni même qu’il soit effectivement versé :

L’article 41 des statuts de la banque réglant le paiement des intérêts à un compte du sociétaire prévoit généreusement que :

Les sommes non réclamées dans les délais légaux d’exigibilité sont prescrites conformément à la loi.
Ce qui met à la charge du sociétaire la nécessité de réclamer ce paiement des intérêts ! La version antérieure prévoyait elle que :

Toutes les sommes qui n’auront pu être effectivement touchées par le bénéficiaire pour quelque raison que ce soit dans les cinq ans de leur exigibilité seront prescrites conformément à la loi.

Autrement dit il suffisait à la banque, grâce à cette rédaction léonine, de ne pas les payer du tout, et « passez muscade » ! Or ce cas existe bien, les intérêts n’étant pas versés au-dessous d’un certain montant, tout en étant néanmoins déclarés au fisc.

On ne peut non plus négliger le fait que les intérêts éventuellement décidés, puis très hypothétiquement effectivement versés, sont inférieurs au taux du crédit consenti.

Notons encore que la banque a émis des certificats coopératifs d’investissement (qui pour beaucoup de vrais mutualistes sont la preuve de la perte du sens mutualiste) qui ont eux une rémunération bien supérieure, il est vrai au profit d’une banque non mutualiste dont beaucoup d’actionnaires ont gardé un souvenir ému des pertes que son introduction en Bourse leur a valu tant ils se sont fait croquer leurs noisettes.

De plus décrire les parts comme « la contrepartie financière d’un apport en numéraire » occulte les risques de ce placement forcé :

- Ce placement peut être perdu en partie ou en totalité selon les modalités prévues par les articles 42 à 44 des statuts de la banque en cas de liquidation, toujours possible.

- L’article 15 des statuts de la banque ne dégage pas de ce risque le sociétaire ayant triomphé du parcours semé d’obstacles conduisant au remboursement éventuel des parts sociales:

Le sociétaire qui cessera de faire partie de la Banque, soit par l’effet de sa volonté, soit pour toute autre cause, restera tenu pendant cinq ans dans la mesure de sa responsabilité statutaire envers la Banque et envers les tiers de toutes les obligations existantes au moment de sa sortie.
Revenons à l’article L313-1 du Code de la consommation pour trouver la solution de l’énigme initiale : comment la Cour de cassation a-t-elle pu trancher sans avoir à s’intéresser aux deux dernières branches du pourvoi, et sans violer la souveraine appréciation des faits par le juge du fond (ce qui me semblait être le risque de ce pourvoi)?

Elle est d’une simplicité aveuglante qui justifie pleinement la jurisprudence sans cesse réaffirmée.

Cet article disposantque« pour la détermination du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiairesintervenus de quelque manière que ce soit * dans l’octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels** » il suffit juste de le lire strictement.

* « de quelque manière que ce soit » contient toutes les modalités possibles de cette intervention, y compris astucieusement dissimulée (Cf. arrêt de la chambre civile 1,N° de pourvoi: 09-70540, 20 janvier 2011cité page 59 du texte à télécharger). Et donc lire strictement cette disposition impliquerait même d’y inclure l’acquisition de parts sociales nécessaire pour obtenir la qualité de sociétaire.
.
** « débours réels » doit se lire du côté de la banque prêteuse. Ainsi si elle sert des intérêts sur les parts, débours réels dans le futur, ils ne seront pas plus à déduire que la perte du sociétaire entre les intérêts servis, soumis à imposition, et le taux du prêt, ou sa perte éventuelle si les parts ne sont jamais remboursées, soit du fait délibéré de la banque, soit parce qu’elle serait liquidée.


 
Ajoutons à cette explication ces considérations complémentaires :

- toute charge imposée par le prêteur pour l’octroi du prêt (ADI, assurance-incendie, hypothèque etc.) doit être incluse dans le calcul du TEG sans avoir à envisager d’autres questions. Or le juge avait bien constaté ce lien :

Il convient en l’espèce d’examiner si le coût des parts sociales souscrites par l’emprunteur lors de la conclusion du contrat de crédit doit être intégré dans le calcul du TEG.
Dès lors il ne pouvait juger comme il l’a fait sans grossièrement violer la loi, toute sa motivation ne vise qu’à reprendre les moyens de la banque d’une façon univoque, et en contradiction avec ce qui précède, pour lui éviter la sanction que la loi lui imposait de prononcer.

La cassation était toute entière en germe dans ces quelques mots : « souscrites par l’emprunteur lors de la conclusion du contrat de crédit » qui permettaient de casser sans même devoir examiner les griefs contenus dans les deux dernières branches du pourvoi et donc sans violer la souveraine appréciation des faits par le juge du fond.

J’avoue avoir eu besoin de temps pour comprendre l’évidence et la beauté du raisonnement juridique ici à l’œuvre. Qu’on me le pardonne, car je ne crois pas être seul dans ce cas…

- l’arrêt rendu le même jour, abordé page 62 (La question des flux hypothétiques pour le calcul du TEG) tranche en pratique aussi le débat et sur le remboursement et sur les intérêts éventuellement servis sur les parts, par analogie avec la caution mutualiste (éventuellement et partiellement remboursable). Il donne même toute sa portée à celui en cause ici, ce qui explique que sa publicité soit encore plus large. Il n’y a aucunement à prendre en compte ce type de considération pour écarter de tels frais du calcul du TEG.

Un juge du fond qui irait contre la jurisprudence sur la prise en compte dans le TEG du coût des parts sociales attaquerait donc de façon frontale ces deux arrêts, en fait, et la loi aussi.

Enfin il reste le meilleur pour démonter les arguments de la banque, en dehors du fait qu’elle ne revendique pas que la rémunération des actionnaires des concurrentes ‘capitalistes’ soit déduite du TEG.



Elle a cessé d’exiger l’acquisition de parts sociales pour obtenir un prêt à la consommation.
Comment faut-il le comprendre ? A l’évidence ainsi :

- déjà ces acquisitions n’auraient pas eu le caractère légal en considération de la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération qu’elle cherche à leur donner, sauf à violer cette loi.

- ensuite si seuls les prêts à la consommation sont désormais exclus de cette nécessité, c’est pour 2 raisons : d’une part la garantie qu’ils nécessitent est moins importante et moins longue dans le temps que dans le cas des prêts immobiliers (durée et montants en jeu autrement élevés), d’autre part l’incidence de la prise en compte dans le TEG du coût des parts sociales est infime dans le cas des prêts immobiliers alors qu’il est bien plus évident dans celui des prêts à la consommation (pour lesquels la déchéance du prêteur du droit aux intérêts serait en outre automatique).

- enfin c’est que le besoin pratique de cette obligation (les capitaux propres apportés par les parts sociales)n’était pas aussi grand qu’elle, et la doctrine qui la soutient, veulent le donner à croire aux juges du fond dans une entreprise relevant du lobbying et non du droit. En outre si ce placement était miraculeux, on imagine que les sociétaires y souscriraient massivement, en dehors de toute nécessité liée à un emprunt. Il se trouve aussi qu’un emprunteur a en général besoin d’argent, circonstance certes subalterne, mais néanmoins à prendre en considération).

C’est donc bien pour se donner un avantage compétitif indu * sur les offres de la concurrence que la prise en compte dans le TEG du coût des parts sociales était refusée par certaines banques sous de faux prétextes. Si en outre une banque ayant cette conception du respect de la loi a fait des violations autrement plus importantes du droit consumériste une touche de sombre s’ajoute au tableau.

* jusqu’à l’absurde ! En effet si on imposait, comme le texte le veut sans doute, la prise en compte de l’acquisition de la part sociale nécessaire pour obtenir la qualité de sociétaire, l’incidence en resterait parfaitement invisible dans le calcul du TEG. Il n’y a donc aucune réforme du texte à envisager pour préserver on ne sait quelle particularité des banques mutualistes.

En revanche je suis en accord avec Jérôme LASSERRE CAPDEVILLE (Prise en compte du coût de la souscription de parts sociales dans le calcul du TEG ; Petites affiches - 17 FEVRIER 2011 - N° 34 ; pages 4 à 9) quand il suggère de « légèrement modifier l'article L. 313-1 du Code de la consommation » dans ce sens :

L'alinéa 1er de l'article devrait ainsi préciser le fait que la dépense prise en compte doit avoir été imposée comme condition d'octroi du crédit, et qu'il importe peu que les sommes soient susceptibles d'être restituées, en tout ou en partie, par la suite. Seul un décaissement suffit. Cette légère modification de la teneur du texte aurait alors pour mérite de le clarifier une bonne fois pour toute. De même, le terme « charge » figurant à l'alinéa 2 de cette même disposition, impliquant selon nous l'idée d'un appauvrissement définitif, d'une atteinte irrémédiable au patrimoine, devrait être remplacé par la notion de « dépense », nettement plus neutre.
Certes la loi du 10 septembre 1947 doit être respectée, même s’il n’y a pas d’un côté les méchantes banques ‘capitalistes’ et de l’autre de gentilles banques mutualistes qui seraient, par là seulement, vertueuses en quelque sorte par état ou par nature été excusables par avance de toute violations du droit consumériste. Alors que la démocratie du « un homme, une voix » ne conduit, en pratique, personne ne se déplaçant aux assemblées générales, qu’à rendre leur direction totalement indépendantes des sociétaires, et bien plus que ne le sont les directions des banques capitalistes à l’égard de leurs actionnaires, autrement plus vigilants. Ce qui peut conduire à des dérives au moins face aux exigences de la démocratie, le groupe de dirigeants, en pratique, se recrutant par cooptation.
 
Pour terminer sur cet arrêt, le voici dans son intégralité, moyen du pourvoi (très bien fait, mieux encore que je ne le pensais initialement) compris:

Cour de cassation, chambre civile 1, 9 décembre 2010, N° de pourvoi: 09-67089, Publié au bulletin, Cassation

M. Charruault (président), président

SCP Thouin-Palat et Boucard, SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)



REPUBLIQUE FRANCAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS​

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :


Sur le moyen unique, pris en sa première branche :


Vu l’article L. 313-1 du code de la consommation ;


Attendu que le 9 novembre 2004, la Casden banque populaire (la banque) a consenti à M. et Mme X... un prêt à la consommation d’un montant de 13 000 euros au taux effectif global de 5,35 % ; qu’à l’occasion de la conclusion de ce prêt les emprunteurs ont souscrit des parts sociales auprès de la banque ;


Attendu que pour débouter les époux X... de leur demande tendant à voir prononcer la déchéance du droit aux intérêts du prêteur pour n’avoir pas intégré les frais liés à la souscription des parts sociales dans le taux effectif global, le tribunal retient que ces frais ne présentent pas un lien direct et exclusif avec le crédit et qu’ils ne constituent pas une charge réelle pour l’emprunteur dans la mesure où ils peuvent lui être remboursés ;


Qu’en statuant ainsi, quand le coût des parts sociales dont la souscription est imposée par l’établissement prêteur comme une condition d’octroi du prêt, constitue des frais entrant nécessairement dans le calcul du taux effectif global, le tribunal a violé le texte susvisé ;


PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le surplus du moyen :


CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 13 mars 2009, entre les parties, par le tribunal d’instance de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d’instance de Niort ;


Condamne la société Casden banque populaire aux dépens ;


Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Casden banque populaire, la condamne à payer à M. X... la somme de 1 500 euros ;


Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf décembre deux mille dix.


MOYEN ANNEXE au présent arrêt:


Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. X...


IL EST FAIT GRIEF au jugement attaqué d’AVOIR rejeté la demande de M. X... visant à voir condamner la CASDEN à lui verser la somme de 1117,32 € avec intérêt au taux légal à compter de la décision à intervenir correspondant à la déchéance des intérêts, et la somme de 1000 € pour le préjudice subi ;


AUX MOTIFS QUE l’article L 313-1 du Code de la consommation dispose que pour la détermination du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l’octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels ; qu’il convient en l’espèce d’examiner si le coût des parts sociales souscrites par l’emprunteur lors de la conclusion du contrat de crédit doit être intégré dans le calcul du TEG ; que la loi du 10 septembre1947 portant statut de la coopération rappelle dans son article 3 que les coopératives ne peuvent admettre les tiers, non sociétaires, à bénéficier de leurs services, à moins que les lois particulières qui les régissent ne les y autorisent ; que la CASDEN en sa qualité de banque coopérative a, conformément aux dispositions législatives susvisées, rappelé dans ses statuts que seuls les sociétaires peuvent accéder aux services proposés par la CASDEN, en ce compris les opérations de crédit ; que dès lors, l’octroi d’un prêt est nécessairement subordonné à l’acquisition par l’emprunteur de la qualité de sociétaire du prêteur ; qu’il est toutefois erroné de prétendre que la souscription de parts sociales présente un lien direct avec le crédit consenti par le prêteur ; qu’il convient en effet de souligner d’une part que l’obtention de la qualité de sociétaire permet de conclure des emprunts successifs avec la banque coopérative sans qu’il soit nécessaire à chaque offre de souscrire de nouvelles parts sociales ; que l’emprunteur conserve d’autre part la possibilité de garder ses parts sociales après le remboursement intégral de l’emprunt s’il souhaite demeurer sociétaire ; que si les frais liés à l’acquisition de parts sociales ne présentent pas un lien direct et exclusif avec le crédit, ils ne constituent pas davantage une charge réelle pour l’emprunteur dans la mesure où ces frais peuvent lui être remboursés ; que les parts sociales qui représentent la contrepartie financière d’un apport en numéraire pouvant donner lieu à versement d’intérêts sont ainsi distincts des frais visés à l’article L 313-1 du Code de la consommation, lesquels s’analysent en débours exposés à fonds perdus au titre du prêt ; qu’il y a lieu en conséquence de considérer que la CASDEN a, de façon justifiée, exclu le coût de souscription des parts sociales dans le calcul du TEG, étant précisé au demeurant que le coût de cette souscription se révèle indéterminé au moment de la conclusion du contrat ; que la déchéance du droit aux intérêts n’est pas encourue de sorte que Monsieur X... Fabrice sera débouté de l’ensemble de ses demandes ;


1°) ALORS QUE lorsque la souscription de parts sociales de l’établissement prêteur est imposée comme condition d’octroi du prêt, le coût afférent à cette souscription ainsi rendu obligatoire a un lien direct avec le prêt souscrit et doit être pris en compte dans le calcul du taux effectif global ; qu’en jugeant néanmoins que le coût de la souscription des parts, à laquelle il constate que l’octroi du prêt était subordonné, ne devait pas être intégré au taux effectif global, le Tribunal d’instance a violé l’article L 313-1 du Code de la consommation ;


2°) ALORS, EN OUTRE, QUE M. X... démontrait, de nombreuses preuves à l’appui, que la souscription de nouvelles parts sociales de la CASDEN avait conditionné l’octroi du prêt litigieux ; qu’en s’abstenant de rechercher si en l’espèce, l’organisme prêteur n’avait pas subordonné l’octroi du prêt à la souscription de nouvelles parts sociales, pour se borner à affirmer de façon abstraite qu’il n’était pas nécessaire à chaque offre de souscrire de nouvelles parts sociales, le Tribunal d’instance a privé sa décision de base légale au regard de l’article L 313-1 du Code de la consommation ;


3°) ALORS, ENFIN, QUE par un courrier du 9 mai 2008, la CASDEN rappelait que «le fait que le Sociétaire bénéficiaire d’un nouveau crédit souscrive des parts sociales pour renforcer les fonds propres de sa banque nous paraît être la réponse conforme aux principes d’un fonctionnement coopératif» ; que dans le Bulletin des sociétaires d’avril 2008, elle indiquait : «il faut souligner également le caractère désormais facultatif de la souscription de parts sociales à l’occasion d’un prêt à la consommation» ; que ces écrits exprimaient en des termes clairs et précis que la souscription de parts sociales était exigée pour chaque conclusion d’un nouveau prêt, peu important que l’emprunteur dispose déjà de parts de la CASDEN ; qu’en jugeant néanmoins que l’obtention de la qualité de sociétaire permettait de conclure des emprunts successifs sans qu’il soit nécessaire à chaque offre de souscrire de nouvelles parts sociales, le Tribunal d’instance a dénaturé les écrits susvisés et violé l’article 1134 du Code civil.


Publication


Décision attaquée : Tribunal d’instance de Poitiers du 13 mars 2009



 
Juste lu en diagonale mais l'essentiel est dit, analysé et clairement expliqué. :clin-oeil:

J'apporterais certains commentaires vu que je connais bien ce dossier qui m'occupe depuis le deuxième trimestre 2008. :sourire:

Au début, j'avais juste demandé un réexamen de mes crédits en cours et remboursés, et je proposais qu'un compromis soit trouvé. La banque a refusé ...... Je vous invite à visiter mon blog et mon site pour mieux comprendre le litige.

Au fait, le service de la publication de la Cour de Cassation a oublié de suprimer mon prénom ! Pas grave, tout le monde saura maintenant que Monsieur POLLUX1963 se prénomme FABRICE.:ange:

Bien cordialement

Fabrice
 
Au fait, le service de la publication de la Cour de Cassation a oublié de suprimer mon prénom !

Non car l'anonymisation ne porte pas sur le prénom.:shades:
Et les personnes morales n'y ont, elles, pas droit, ce qui autorise à citer leur dénomination sociale.
 
Elaphus a dit:
Non car l'anonymisation ne porte pas sur le prénom.:shades:

Ah, je savais pas :ange: Mais je crois que Casden m'avait déja reconnu depuis le temps qu'elle est présente sur les forums

Et les personnes morales n'y ont, elles, pas droit, ce qui autorise à citer leur dénomination sociale.

Pas de bol pour CASDEN :langue:
 
Deposuit potentes de sede, et exaltavit humiles.

Il a renversé les puissants de leurs trônes et élevé les humbles.
 
Hervé Causse, professeur de droit à Clermont-Ferrand, après une étude pour la Semaine Juridique (« La coopération bancaire ravalée à une fraction du TEG ? », JCP, éd. E, 17 juin 2010, 1576, éd. Lexinexis) a produit sur son site [lien réservé abonné] une réaction (citée ici en rouge) qui s’en prend violemment – ce qui est habituellement plutôt le propre d’un plaideur éconduit - à cet arrêt du 9 décembre 2010 (N° de pourvoi: 09-67089) sur la prise en compte de l'acquisition des parts sociales dans le calcul du TEG.

Lien direct :

[lien réservé abonné]

Le titre est à lui seul tout un poème :
« La Cour de cassation continue de ravaler le contrat de société coopératif à des frais à inclure dans le TEG (Cass. civ. 1e, 9 déc. 2010, n° 09-67089). Vers un arrêt d'Assemblée plénière ou une loi ? »


- il fausse totalement le débat puisque, nous l’avons vu, les parts sociales en cause n’avaient aucun lien avec l’acquisition de la qualité de sociétaire de la banque (la part qui y suffit selon larticle 12 des statuts de la banque étant acquise de longue date) et tout à voir, en revanche, avec le prêt demandé.

- les statuts de cette banque, de plus, sont totalement muets sur la nécessité de renforcer ces acquisitions de parts sociales à l’occasion de chaque prêt, et selon le montant emprunté (des tranches sont définies de façon croissante : tant de parts de telle somme à telle autre) : c’est dire que la question échappe une fois de plus au « contrat de société coopératif » si inexactement mis en avant.

- il croit pouvoir jouer de l’Assemblée plénière contre la première chambre civile et la chambre criminelle, semblant bien renseigné sur les intentions de la banque de se pourvoir en cassation après que la décision à rendre à Niort, donnant par là d’autant plus à croire qu’une campagne est menée contre la première chambre civile qu’il brandit ensuite une autre menace.

- en effet il appelle de ses voeux une loi qui serait faite en faveur des particularités prétendues des banques mutualistes. Passons sur l’aspect indécent de cet appel aux politiques contre les juges : il est d’actualité, hélas. Il semble ignorer que nous vivons dans l’Union Européenne, qui supporterait d’autant plus mal un régime anticoncurrentiel que, dans un passé récent, la France a été très lourdement condamnée pour son refus de transcrire les directives assurances qui déplaisaient aux sociétés mutualistes, lesquelles sont appuyées par tout un réseau de politiciens. Cette complaisance dont on voit mal à quel motif d’intérêt général elle répondait a coûté fort cher au contribuable, avant que cette transcription soit enfin effectuée (réforme du Code de la mutualité). En outre, et Jérôme LASSERRE CAPDEVILLE a raison de le rappeler dans l’étude précitée, écarter ce coût du calcul du TEG est inacceptable dans un système de concurrence entre banques, TEG et coût total ayant pour finalité que l'emprunteur soit informé de ce que lui coûtera ce crédit, et qu’il puisse comparer le montant affiché avec les TEG des offres émises par d'autres établissements. En outre il y a aussi une directive européenne sur le TEG.

On mesure déjà que c’est de lobbyisme qu’il s’agit, mais ce comportement est la plus forte condamnation qui soit de certaines dérives mutualistes : censées se réclamer de valeurs en faisant les chevaliers blancs de la défense du consommateur, alors que ce combat contre la loi qui le protège amène à se demander quel est l’intérêt capable de susciter une telle animosité de la part d’une banque mutualiste. Elle ne doit pas faire de profit, alors quel intérêt défend-elle en l’espèce ? Ni la protection du consommateur, ni le respect de la loi, ni celui de la concurrence. Un tel aveuglement rend perplexe : quelle petite cuisine veut-on demander à des politiciens complaisants, s’il s’en trouve, de protéger ?

Ne risque-t-on pas de découvrir que dans cette démarche d’influence il y a cette réalité : derrière le terme de ‘sociétaire’ il y a un client qu’on veut priver des droits du consommateur, et à qui on donne à croire que la banque étant supposée sienne, bien que gérée selon la seule volonté de dirigeants cooptés, elle lui serait naturellement d’une bienveillance étrangère par essence aux méchantes banques ‘capitalistes’ ?

« La première chambre civile continue à traiter l'acquisition des parts sociales en "frais" à inclure dans le TEG. La résistance des juges du fond sur cette question est pour l'heure entravée par cet arrêt de cassation. Sans doute pas définitivement. »

Nous avons pourtant vu par l’étude des statuts de cette banque - à laquelle Jérôme LASSERRE CAPDEVILLE ne s’est pas consacré non plus (cet auteur, tout en approuvant l’arrêt, croit donc au mensonge sur l’acquisition de parts à ne pas renouveler à l’occasion de prêts ultérieurs, et il suppose que le remboursement des parts est automatique, ainsi que le paiement des intérêts...) – que cette acquisition de parts est bien liée à la seule obtention du crédit, et est une source involontaire de frais pour le consommateur.
Ensuite si la résistance de quelques juges du fond qui croient bon de reprendre les arguments fallacieux d’une banque sans prendre en considération les moyens de preuves produits par son sociétaire devait se poursuivre, alors ce serait nier la mission confiée à la Haute Cour : unifier la jurisprudence. Est-ce le rôle d’un juge que de violer la loi ? Et que veut dire cette allusion : « pas définitivement » ?

Visant la phrase clef de l’arrêt (« le coût des parts sociales dont la souscription est imposée par l’établissement prêteur comme une condition d’octroi du prêt, constitue des frais entrant nécessairement dans le calcul du taux effectif global ») Hervé Causse croit bon d’affirmer :

« Les trois idées qui, dans cette courte phrase, servent la solution, nous semblent éminemment critiquables voire fausses ; précisons qu'est faux ce qui contredit le dictionnaire, une loi ou la pure la logique. »

C’est assez plaisant de parler d’idées fausses dans cette décision pour défendre un jugement qui a pris avec la réalité des faits les libertés que l’on sait.
S’en suit toute une série de remarques (dont cet aimable : « Les expressions utilisées dans "l'attendu" ne sonnent pas non plus la vérité juridique ») prétendant réduire l’arrêt à une position de pure autorité ne démontrant rien, pour justifier les rebellions qu’il a pour mission d’encourager chez certains juges du fond au nom d’idées justes, alors que la réalité est plus triviale, derrière des affirmations de principe tournant autour des valeurs mutualistes qui seraient nées toutes armées de la loi de 1947.

Il faut quand même en relever les incongruités : quand on se pose en donneur de leçons contre la Haute Cour, encore faut-il être soit même en situation de respecter la vérité des faits, qui a quelque peu à voir avec la vérité juridique qu’il est fait semble-t-il reproche à la Cour de cassation de malmener ! Voyons donc quelles sont pour Hervé Causse les trois idées fausses de la Haute Cour à relever dans cette décision :
 
Idée fausse n° 1 attribuée par Hervé Causse à la Cour de cassation :

« "dont la souscription est imposée par l'établissement" : l'affirmation nous paraît fausse, c'est la loi sur la coopération qui impose cela, soit le statut coopératif, et non l'établissement ; voilà qu'un juge reproche à un établissement de respecter et la lettre et l'esprit de son statut !? »

Je me contente de renvoyer le lecteur à ce qui a été écrit plus haut pour voir de quel côté est le mensonge :

- une part suffisait à l’acquisition de la qualité de sociétaire de la banque selon larticle 12 de ses statuts ;

- ladite qualité de sociétaire était acquise depuis des années, faute de quoi du reste aucun prêt n’aurait pu être sollicité ;

- plus fort encore, la banque a cessé d’exiger l’acquisition de parts sociales pour obtenir un prêt à la consommation plutôt que de voir le TEG de ses prêts devenir moins compétitif : violerait-elle par là la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération ?



Idée fausse n° 2 attribuée par Hervé Causse à la Cour de cassation :

« "comme une condition d'octroi du prêt" : ce n'est pas et comme précédemment, une condition découlant de l'établissement, mais de la loi (pour tous les services des banques coopératives) ; il est vrai que la Haute Juridiction ignore la loi de 1947 sur la coopération »

Les faits sont têtus : la banque a bien exigé de ce sociétaire, comme de tous les autres, l’acquisition de parts sociales supplémentaires pour toute obtention de prêt bien après l’acquisition de la qualité de sociétaire.

Et ce sans jamais les rembourser, nous savons, pour avoir étudié les faits, que les statuts de cette banque imposeraient pour cela de la quitter, sans que ce remboursement, discrétionnaire, soit pour autant garanti !

J’ignore si la Haute Juridiction ignore la loi de 1947 sur la coopération, enfin, j’en doute quand même un peu, mais je sais que les statuts de cette banque la respectent en n’exigeant que l’acquisition d’une seule part pour devenir sociétaire et en restant totalement muets sur la nécessité de souscrire de nouvelles parts à chaque demande de prêt selon le montant de celui-ci.

J’ignore également si l’auteur a pris soin d’étudier les statuts de cette banque avant d’écrire pour la défendre, mais si jamais il l’a fait - comme la rigueur intellectuelle attendue d’un auteur de doctrine, chargé de former des juristes*, et qui croit bon d’attaquer aussi frontalement la Cour de cassation sur ses prétendues idées fausses, me semble l’exiger – alors cette diatribe deviendrait accablante.

* signalons au passage que la banque en cause étant celle des personnels de l’Éducation Nationale, un professeur de droit a vocation à la connaître, puisqu’il peut en devenir sociétaire. Il semble exclu que ce soit le cas de cet auteur, puisqu’il ignore manifestement tout des mécanismes de l’acquisition obligatoire de parts sociales pour obtenir un prêt de cette banque, ce qui est néanmoins le sujet qu’il traite afin de dénoncer les idées fausses de la Cour de cassation.


Idée fausse n° 3 attribuée par Hervé Causse à la Cour de cassation :

"constitue des frais" : or la notion de frais ne conduit pas à dire que des parts sociales ou actions qui seront revendues, qui servent des revenus annuels, et qui peuvent servir à d'autres services, sont des "frais" ; jamais les frais n'ont inclus pareil mécanisme ; dire qu'il y a des frais contredit l'idée d'investissement - certes nouvelle - qui est au cœur des apports, du contrat de société, notion qui devrait être travaillée et promue et qui est ici entravée.

Nous sommes ici sur un terrain moins scandaleux : il est cette fois légitime de s’interroger, dans un article de doctrine et non de lobbyisme, sur le sens à attribuer à la notion de frais.

Le texte de l’article L. 313-1 du Code de la consommation aurait pu être mieux rédigé – mais c’est le lot de bien des lois, nous l’avons vu avec le cas de l’arrêt Édouard, qui ne faisait qu’appliquer strictement un texte mal ficelé – et j’ai dit plus haut mon accord avec la modification suggérée par Jérôme LASSERRE CAPDEVILLE.
Surtout, c’est le rôle de la jurisprudence de faire en sorte que de ces imprécisions puisse naître une application cohérente de la loi en fonction des intentions du Législateur (intentions que le juge doit rechercher devant un texte obscur). Et c’est le rôle de la Cour de cassation, en tant que Cour suprême, de faire en sorte que la jurisprudence soit unifiée.

Reprenons cette critique qui échappe cette fois à la diatribe tout en retombant dans l’erreur:

- selon les statuts de cette banque, déjà, les parts sociales ne sont pas des actions (actions qui ont peu à voir avec la coopération) et ne seront pas revendues, l’article 10 des statuts l’interdisant et limitant au seul et hypothétique virement de compte à compte (de sociétaire, donc) qui suppose par ailleurs l’agrément du Conseil d’Administration. On aimerait savoir si le cas est fréquent.

- le remboursement des parts sociales, nous le savons, est un parcours semé d’embûches, et qui suppose de quitter la société, avec l’agrément du Conseil d’Administration.

- l’acquisition de parts sociales pour obtenir un nouveau prêt, et en fonction du montant de ce prêt, alors que l’emprunteur a besoin non de faire un prétendu placement mais d’obtenir des ressources, lui cause bien des frais tant au moment où il est dans ce besoin, que dans la durée.

- nous avons vu en effet que l’intérêt peut parfaitement ne pas être servi aux sociétaires, soit que telle année il n’ait pas été décidé d’en attribuer, soit, de façon plus ordinaire, que le montant acquis par tel sociétaire soit jugé insuffisant pour justifier son paiement, soit, enfin, que la banque utilise l’astuce prévue dans ses statuts pour en spolier tel sociétaire. Il apparaîtra bientôt qu’elle a un dispositif encore plus efficace pour obtenir des ressources sans aucune contrepartie au bénéfice de sociétaires.

- quand bien même cet intérêt serait payé, il n’en reste pas moins qu’il n’est pas net (car fiscalisé) et reste inférieur au taux du prêt. Autrement dit, considérer qu’il y aurait placement rentable pour le sociétaire parce qu’en empruntant à X% + Y% (X + Y = taux nominal du prêt) on se ferait servir sur les parts sociales un intérêt de X – Z (Z étant l’effet de l’impôt) peut faire sourire dans une Faculté de sciences économiques, même sans considérer que le remboursement des parts sociales soit tout sauf acquis.

- enfin, en quoi cet arrêt empêcherait-il les sociétaires de souscrire massivement des parts sociales si ce placement, devenu volontaire, était rémunérateur pour eux (mais on voit mal, dès lors, en quoi il se distinguerait d’un placement en actions dans une banque ‘capitaliste’, sinon par le fait que les dirigeants y sont plus contrôlés par les propriétaires de l’entreprise ?). Il n’empêche que l’absence de prise en compte dans le calcul du TEG des parts souscrites par obligation à l’occasion d’un emprunt. Cette invocation d’une « notion qui devrait être travaillée et promue et qui est ici entravée » est donc dénuée de toute portée.

Ainsi les trois idées fausses imputées à tort à la Haute Cour par Hervé Causse ne sont que le reflet d’une vision déformée des faits qui aboutit à cette harangue en dehors du sujet : « Il faudra donc que ce soit l'Assemblée plénière qui tranche et dise si, véritablement, le pouvoir judiciaire considère la coopération, le contrat de société coopératif, comme un détail à ravaler à une fraction du TEG. » On ne savait pas que là était le sujet de droit en débat le 9 décembre 2010 !

 
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