b) Les limitations de commercialisation en fonction de l’âge : discussion relative au risque de discrimination
Les limitations de commercialisation en fonction de l’âge, pour certains produits ou instruments, sont des pratiques qui existent déjà sur le marché. En 2018, l’ACPR et l’AMF ont rencontré un échantillon d’établissements de crédit et d’entreprises d’assurance afin d’en savoir plus sur les dispositifs existants pour gérer et protéger les clients les plus âgés. Durant les entretiens, un certain nombre de professionnels ont indiqué avoir fait le choix de limiter les recommandations d’investissement sur certains produits ou instruments jugés complexes ou risqués comme les produits structurés (par exemple de limitation de commercialisation liée à l’âge et aux caractéristiques du produit exemple les EMTN structurés12), les parts de fonds d’investissement alternatifs (FIA)13, ou encore lesopérations sur biens divers14.
10 Baromètre AMF de l'épargne et de l'investissement (novembre 2019).
11 En assurance vie (DDA) et pour le service de conseil en investissement (MIF2).
Un des établissements rencontrés par les autorités en 2018 prévoyait, pour les affaires nouvelles en assurance vie ou les contrats de capitalisation avec des clients âgés de plus de 85 ans, les limitations suivantes :
- De 85 à 89 ans, le taux d’unités de compte maximum est fixé à 30 % (hors offre 100 % euros) ;
- De 90 à 94 ans, la seule offre possible en souscription est la solution 100 % fonds euros ;
- Enfin, à compter de 95 ans, seule la souscription 100 % fonds euros sur un contrat de capitalisation est possible.
Les établissements concernés expliquent ces limitations de commercialisation par une logique de désensibilisation au risque avec l’avancée en âge. L’âge étant un indicateur d’horizon d’investissement, elles visent à sécuriser les avoirs du client.
Cependant, certains des participants au groupe de place estiment que ces pratiques seraient susceptibles d’induire un risque de discrimination.
Ces pratiques pourraient suggérer d’une part que l’ensemble des clients situés au-dessus de cet âge-seuil se trouverait dans une situation similaire et ne permettraient ainsi pas de tenir compte de la diversité des profils et des situations des clients âgés.
D’autre part, elles créent une difficulté tenant à la fixation d’un « seuil », fonction de l’âge, à partir duquel une personne devrait être considérée comme exclue de la population susceptible de souscrire un produit donné, suggérant ainsi que l’âge seul serait un indicateur fiable des capacités d’une personne.
Les participants au groupe de travail estiment majoritairement que le marché cible devra être déterminé en tenant compte des différents critères qui contribuent à sa définition, telles que la situation financière des clients, y compris leur capacité à subir les pertes et leur tolérance au risque, mais aussi de leurs objectifs généraux et de leurs horizons de placement afférents (un objectif de transmission se présentera à ce titre différemment d’un objectif d’épargne de précaution).
Pour cette raison, le distributeur veille à personnaliser le conseil délivré pour répondre aux besoins individuels de ses clients et à le documenter de manière précise.
12 Les euro medium term notes (EMTN) structurés résultent de la combinaison de l’émission d’un EMTN, titre de créance à maturité intermédiaire
La procédure d’examen systématique lors de la souscription à partir de 85 ans
La Fédération française de l’assurance (FFA), dans son Recueil des engagements à caractère déontologique des entreprises d’assurance membres de la FFA de mars 2019 15 indique : « Il faut écarter les souscriptions à des âges très élevés dans des conditions qui laissent envisager un risque sensible de contestations ultérieures. L’entreprise d’assurance doit mettre en place une procédure d’examen systématique pour les demandes de souscription au-delà d’un certain âge et, en tout état de cause, à partir de 85 ans, afin de vérifier l’opportunité, pour le souscripteur, de l’opération d’assurance vie envisagée. »
Sur le modèle de la FFA explicité ci-dessus, l’idée d’introduire, en tant que politique interne, une ou des échéances clés, autour desquelles les établissements jugeraient utile de renforcer leur vigilance, est considéré par un certain nombre de participants comme une piste adéquate pour prévenir la commercialisation de produits ou instruments potentiellement inadaptés aux clients âgés, sans pour autant impliquer une interdiction automatique de commercialisation.
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