Insécurité juridique : quand la même Cour d'appel juge différemment à quelques mois d'intervalle !
Je soumets à votre analyse l'arrêt qui vient d'être rendu par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence ce 11 octobre 2018 (Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 8e chambre b, 11 octobre 2018, n° 16/13204), qui nous dit :
« Dès lors, Z X et B Y ne sauraient, sauf à vider de toute substance les dispositions d’ordre public des articles L312-1 et suivants du code de la consommation, dans leur rédaction applicable au litige, disposer d’une option entre nullité ou déchéance privant le juge de la possibilité de prévoir une sanction proportionnée à la gravité de l’erreur, une telle option ne participant pas à l’objectif recherché par le législateur, à savoir donner au TEG une fonction comparative, et à la poursuite, dans le cas d’une violation de ces prescriptions, d’une sanction dissuasive mais proportionnée.
Les irrégularités alléguées tenant à l’omission des frais d’apporteur d’affaire et d’expertise, l’absence de proportionnalité entre le TEG annuel et le taux de période en découlant, et la prise en compte d’une année de 360 jours, qui contreviendraient aux dispositions de l’article L313-1 du code de la consommation, auxquelles renvoie l’article L312-8 du même code, ne peuvent donc être sanctionnées que par la déchéance du droit aux intérêts prévue à l’article L312-33.
La demande des appelants tendant à voir prononcer la nullité de la clause d’intérêts doit par conséquent être déclarée irrecevable. »
Sauf que quelques mois auparavant , cette même Cour nous expliquait le contraire (Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 22 mars 2018, n° 16/13372, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 5 avril 2018, n° 17/10630, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 25 janvier 2018, n° 16/20803).
Tout cela m'interpelle en tant que simple justiciable. D'autant que la Cour de cassation s'était déjà exprimé sur le sujet. La Haute Juridiction précise sans ambiguïté, le 9 décembre 2015, que l’action en nullité de la stipulation contractuelle relative aux intérêts conventionnels fondée sur l’article L.313-2 du Code de la consommation est distincte de l’action en déchéance du droit aux intérêts fondée sur les articles L.312-8 et L.312-33 du même code (Cour de cassation, Chambre civile 1, 9 décembre 2015, 14-24.543).
En effet, les deux actions n’ont ni la même finalité, ni le même régime juridique. Dans le premier cas, l’action tend à sanctionner la méconnaissance d’une condition de formation de la clause d’intérêt, dans le second, elle sanctionne l’inexactitude d’une information précontractuelle due à l’emprunteur. En outre, les sanctions prévues, qui peuvent se chevaucher sans se contredire, n’ont pas les mêmes caractères, dans un cas, la substitution de plein droit du taux de l’intérêt légal au taux conventionnel par l’effet de l’annulation de la clause d’intérêt, dans l’autre, la déchéance facultative du droit aux intérêts soumise à l’aléas du pouvoir discrétionnaire reconnu au juge.
Cherchez l'erreur, et expliquez-moi où se situe "l'État de Droit" ?...