Un arrêt de la CJUE à mon sens transposable à la “clause lombarde“
(CJUE, n° C-84/19, Arrêt de la Cour, Profi Credit Polska S.A. z siedzibą w Bielsku- Białej et BW contre QJ et D.R, 3 septembre 2020)
Un Tribunal Polonais a posé à la Cour européenne la question suivante :
« L’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit-il être interprété en ce sens que les clauses contractuelles instaurant divers types de coûts liés à l’octroi du prêt ne sont pas “rédigées de façon claire et compréhensible” si elles ne précisent pas quels sont concrètement les services réciproques en échange desquels lesdits coûts sont prélevés et si elles ne permettent pas au consommateur de déterminer les différences entre ces coûts ? »
En réponse, la Cour rappelle quelques règles applicables en matière de crédit aux consommateurs :
- Point 51/ Il convient, tout d’abord, de rappeler que, selon son article 1er, la directive 2008/48 a pour objet d’harmoniser certains aspects des règles des États membres en matière de contrats de crédit aux consommateurs.
- Point 52 / Ensuite, il résulte de l’article 22, paragraphe 1, de cette directive que, dans la mesure où celle-ci contient des dispositions harmonisées, les États membres ne peuvent pas maintenir ou introduire des dispositions nationales autres que celles qui sont prévues par ladite directive.
- Point 53 / Enfin, afin d’assurer une protection étendue des consommateurs, le législateur de l’Union retient, à l’article 3, sous g), de ladite directive, une définition large de la notion de « coût total du crédit pour le consommateur », comme visant tous les coûts, y compris les intérêts, les commissions, les taxes, et tous les autres types de frais que le consommateur est tenu de payer pour le contrat de crédit et qui sont connus par le prêteur, à l’exception des frais de notaire (arrêt du 26 mars 2020, Mikrokasa et Revenue Niestandaryzowany Sekurytyzacyjny Fundusz Inwestycyjny Zamknięty, C-779/18, EU:C:2020:236, point 39 ainsi que jurisprudence citée).
- Point 56 / [...] la Cour a déjà jugé qu’il revient à la juridiction nationale compétente de vérifier qu’une telle réglementation nationale n’impose pas des obligations d’information autres que celles énumérées à l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2008/48, qui procède à une harmonisation complète en ce qui concerne les informations qui doivent être incluses dans le contrat de crédit (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2020, Mikrokasa et Revenue Niestandaryzowany Sekurytyzacyjny Fundusz Inwestycyjny Zamknięty, C-779/18, EU:C:2020:236, points 45 et 47).
La Cour répond à la question posée concernant l'interprétation de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 (voir question ci-dessus), en ces termes :
- Point 66 / L’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 édictant une exception au mécanisme de contrôle de fond des clauses abusives tel que prévu dans le cadre du système de protection des consommateurs mis en œuvre par cette directive, la Cour a jugé qu’il convient de donner une interprétation stricte à cette disposition (arrêt du 23 avril 2015, Van Hove, C-96/14, EU:C:2015:262, point 31 et jurisprudence citée).
- Point 70 / Les clauses contractuelles qui n’ont, selon la juridiction de renvoi, pas fait l’objet d’une négociation individuelle, concernent des paiements dus par le consommateur, autres que le remboursement du prêt en capital et en intérêts. Il s’agirait en effet notamment de clauses visant un service supplémentaire intitulé « Ton paquet – paquet spécial », une commission et un paiement préalable.
- Point 72 / [...] L’article 5 de la directive 93/13 prévoit que les clauses contractuelles écrites doivent « toujours » être rédigées de façon claire et compréhensible. L’exigence de transparence telle que figurant à la première de ces dispositions revêt la même portée que celle visée à la seconde de celles-ci (voir, en ce sens, arrêts du 3 octobre 2019, Kiss et CIB Bank, C-621/17, EU:C:2019:820, point 36, ainsi que du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch, C-125/18, EU:C:2020:138, point 46).
- Point 73 / À cet égard, dans la mesure où le système de protection mis en œuvre par cette directive repose sur l’idée que le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité par rapport au professionnel en ce qui concerne, notamment, le niveau d’information, cette exigence de transparence doit être entendue de manière extensive, c’est-à-dire comme imposant non seulement que la clause concernée soit intelligible pour le consommateur sur un plan grammatical, mais que ce consommateur soit également mis en mesure d’évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques qui en découlent pour lui (voir, en ce sens, arrêt du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch, C-125/18, EU:C:2020:138, point 50).
- Point 74 / [...] Il appartient, à la juridiction de renvoi de déterminer si, au regard de l’ensemble des éléments de fait pertinents soumis à son appréciation, dont la publicité et l’information fournies par le prêteur dans le cadre de la négociation du contrat de prêt ainsi que, plus généralement, de l’ensemble des clauses du contrat de crédit à la consommation signé par QJ, un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé pouvait non seulement connaître les montant dus au titre du « paiement préalable », de la « commission » et du produit financier dénommé « Ton paquet – paquet spécial », mais également évaluer les conséquences économiques, potentiellement significatives pour lui (voir, par analogie, arrêt du 23 avril 2015, Van Hove, C-96/14, EU:C:2015:262, point 47).
- Point 78 / Dans de telles circonstances, une compréhension globale, par le consommateur, de ses obligations de paiement et des conséquences économiques des clauses prévoyant ces frais ne serait pas assurée.
- Au point 80, la Cour se pose la question de savoir si le montant de la contrepartie ou du prix tel que stipulé dans le contrat est en adéquation avec le service fourni en contrepartie par le prêteur (arrêts du 26 février 2015, Matei, C-143/13, EU:C:2015:127, point 56, et du 3 octobre 2019, Kiss et CIB Bank, C-621/17, EU:C:2019:820, point 35).
La Cour apporte la réponse à la question posée en son point 86 :
« [...] L’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que les clauses d’un contrat de crédit à la consommation qui mettent à charge du consommateur des frais autres que le remboursement du crédit en principal et en intérêts ne relèvent pas de l’exception prévue à cette disposition, lorsque ces clauses ne spécifient ni la nature de ces frais ni les services qu’elles visent à rémunérer et qu’elles sont formulées de manière à créer une confusion dans l’esprit du consommateur quant à ses obligations et aux conséquences économiques de ces clauses, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier. »
En définitive, tout cela nous ramène à l'information claire que doit dispenser le prêteur au candidat à l'emprunt, et de savoir si l'emprunteur a consenti au prêt en toute connaissance de cause, de sorte à donner son consentement en ayant bien compris le contrat qu'on lui donnait à signer.
Lorsqu'un établissement financier propose de calculer les intérêts d'un prêt sur une année de 360 jours au lieu de l'année civile à laquelle s'attendait tout naturellement le candidat-emprunteur, je doute que ce dernier ait été mis en mesure de bien comprendre l'incidence financière qui en résulterait.
Dès lors, il appartiendra au juge de relever que la clause de calcul est manifestement abusive.