Guillaume Derrien, Responsable des investissements de Garance
Guillaume Derrien
Responsable des investissements de Garance
Guillaume Derrien est le responsable des investissements de Garance.
Frédéric Lagier est le directeur général d'Indep'AM, la filiale de gestion d'actifs de Garance
Frédéric Lagier
Directeur général d'Indep'AM, la filiale de gestion d'actifs de Garance.
Frédéric Lagier est le directeur général d'Indep'AM, la filiale de gestion d'actifs de Garance.
Entre 2020 et 2025, le fonds euros de Garance épargne a livré un rendement total de 16,26%. C'est la meilleure performance du marché. C'est un choix d'être le premier du classement ?

Guillaume Derrien : Tout à fait. C'est un choix de redistribuer le plus possible aux clients. Vouloir afficher un taux élevé comporte aussi une dimension marketing, qui est en lien avec la stratégie de Garance. Nos clients viennent d'abord chez nous pour le fonds euros. C'est l'un de nos principaux arguments de vente.

Repères

À la fin 2024, la mutuelle Garance comptait :

  • 143 799 adhérents, tous contrats d'assurance vie confondus, avec une collecte de 195,6 millions d'euros l'an passé
  • 19 051 adhérents au contrat Garance Epargne (+5 495 en un an).

Tous les détails sur le contrat Garance Epargne

Vous êtes d'ailleurs le seul actif général à battre l'inflation (14,9%) sur la période...

Frédéric Lagier : Votre remarque est intéressante. Cela voudrait dire que c'est quelque chose de fantastique. Alors que cela devrait être la normalité. Paradoxalement, cela ne paraît pas un objectif très ambitieux !

Je peux vous trouver des exemples de gestionnaires qui aimeraient décréter ce type de taux. Pourquoi ne le font-ils pas ? Le principe, c'est que pour obtenir un bon rendement, il faut d'abord le produire, le fabriquer. Ensuite, ne pas trop se servir, l'amputer avec les frais. Et enfin, décider de le distribuer.

Assurance vie : tous les taux 2024, du meilleur au pire

Votre fonds date de 1986, du temps de la MNRA. Depuis la création du contrat Garance Épargne, en 2018, la performance oscille entre 2,75 et 3,5% annuels. Comment construit-on un rendement performant sur la durée ?

FL : Il y a plusieurs raisons : structurelles, techniques, organisationnelles... Le sujet des frais est également important. Avoir un actif général ancien est aussi un élément important. On a construit cela avec des équipes qui durent, des processus de long terme... J'étais déjà présent il y a plus de 20 ans. Dès 2002, on a décidé de faire des investissements longs, pour figer des rendements. Cela permet d'en tirer profit, et d'effectuer parallèlement des placements plus risqués. A une époque, on est monté à 24,5% d'actions dans le portefeuille !

« Nos frais de gestion limités contribuent à 20/25% de notre taux »

Une particularité, c'est le niveau bas des frais de gestion du fonds euros. Pourquoi avez-vous choisi de facturer 0,6% ?

GD : C'est une des raisons qui fait que l'on arrive, d'année en année, à livrer de la performance. Nos frais de gestion limités contribuent à 20/25% de notre taux. L'impact sur la période 2020-2025 est par exemple assez gigantesque, contrairement à d'autres acteurs qui ponctionnent 1% ou plus. C'est un élément important, si vous voulez être le meilleur contrat.

Chez Garance, la provision pour participation aux bénéfices (PPB) est également très faible (0,2%). La sécurité en vue de jours difficiles, ce n'est pas votre conviction ?

GD : On ne va peut-être pas être d'accord sur la notion de sécurité... Effectivement, la PPB constitue un trésor de guerre pour les assurés. Mais la règlementation permet surtout aux assureurs de les considérer comme fonds propres. Aujourd'hui, ils font donc le maximum en termes de PPB. Le sujet, c'est qu'elle n'est jamais vraiment redistribuée. Si en tant que client, vous avez une durée de contrat inférieure à 8 ans, finalement, votre ne toucherez pas votre part de PPB.

FL : La mutuelle n'a pas une stratégie de mettre une partie du rendement de côté, pour la rendre « peut-être » dans 8 ans. « Peut-être », car le travers de la règlementation, c'est qu'on peut « roller » la PPB. C'est-à-dire repartir pour 8 ans sans la distribuer !

Tout de même, certains assureurs ont largement utilisé l'an passé ces réserves. Ils justifient ainsi leur stratégie de mise en réserve...

FL : Ceux qui l'ont fait ont été dans une approche presque consumériste. Des assureurs étaient à la traîne. Ils n'ont pas utilisé la PPB pour leurs assurés : ils ont tiré dessus pour éviter d'apparaître dans les tréfonds des classements. Je crois que Garance, et je milite dans ce sens, préfère avoir une gestion financière de ses placements plutôt saine, en gardant, plutôt que la PPB, un matelas de plus-values potentielles de ses actifs. Il est alors possible de piocher raisonnablement, à un rythme régulier, dans ce « trésor ». Mais quand le rendement est tiré, il faut le distribuer, et non le stocker !

On ne surjoue jamais le taux !

Dans la place, il se dit que les champions des taux jouent le tout pour le tout pour gagner des clients.

FL: On ne surjoue jamais le taux ! On n'a jamais tiré abusivement sur les plus-values potentielles pour tout distribuer tout de suite. Le rendement que l'on détermine se situe toujours autour de la performance naturelle du portefeuille. On ne gratte pas les fonds de tiroirs pour y parvenir ! Pour vous donner un chiffre, notre portefeuille est en plus-value potentielle de 8 à 10%. C'est une différence avec beaucoup, qui ont un stock global d'obligations en moins-value potentielle. On peut donc s'en servir. C'est pour cela que ça dure, et que ça va durer. Ce n'est pas un travail à l'arraché !

Le cœur de la stratégie d'un actif général, c'est une grande poche obligataire. Quelle est la stratégie de Garance sur ce marché ?

FL : Nous avons toujours privilégié les obligations longues, quand elles rémunèrent bien. Je dis bien quand elles rémunèrent bien ! On a passé la période 2014/2021, la longue traversée du désert des taux d'intérêt, sans acheter une ligne d'emprunt d'État français. Parce que le risque n'était pas rémunéré. C'est depuis cette période que l'on a réduit notre exposition aux obligations France. De 33% en 2011-2012, est passé à 20-22% aujourd'hui. On connaît beaucoup de compétiteurs qui ont acheté des tombereaux de papier à moins de 1%. Nous, on a attendu, attendu et attendu. Par contre, on sait rendre flexible notre approche, rebalancer notre portefeuille avec une grande réactivité. Quand les taux sont remontés, on a pu augmenter la part obligataire du portefeuille de 3 ou 4% en un mois ! On voit rarement cela chez les gros assureurs !

Pouvez-vous nous détailler votre portefeuille obligataire ?

GD : Fin 2024, on était à 70% d'obligations, à 50/50 entre souveraines, notamment des emprunts d'États, et corporate. Cela a ensuite évolué un peu plus vers le souverain.

FL : Elles représentent désormais 40% de l'actif général, contre 30% pour le corporate. Comme je le disais, on a plutôt réduit la France, même si elle reste un point important, en représentant 22% du portefeuille global. C'est assez homogène avec ce que font les grands assureurs. On peut dire qu'on est rentré dans les clous.

GD : C'est important, cette notion de rentrer dans les clous. Avant le début de la hausse des taux, on était bien moins pondéré que les autres assureurs. Ce qui fait qu'on a moins souffert de la remontée des taux. Même si cela a effacé un beau trésor de guerre de plus-value latente.

FL : On a souffert, parce qu'on était très longs en duration. Quand le choc de taux est arrivé, on est passé de 40% de plus-values potentielles obligataires à 0. Par contre, on a préservé le taux à l'achat du portefeuille. Il affiche un rendement à 4,22%. Ça, c'est notre trésor de guerre. Notre centrale d'inertie, qui est quasiment inamovible. Cela se construit doucement, mais cela se détruit également très doucement.

Sur quelles obligations d'État Garance est positionnée ?

FL : On est assez diversifiés sur l'Union européenne. Dans l'ordre, les plus gros poids sont France, Espagne et Italie. Mais au-delà, on a également des obligations Pologne, Roumanie, Hongrie... On a misé également sur des pays « émergents » qui émettaient en Euros, comme le Mexique. Par contre, on ne prend pas d'obligations américaines en dollars, à cause du risque de change.

Vous parlez de corporate. Prenez-vous de gros risques ?

FL : On n'a pas hésités à acheter du corporate « crossover » [NDLR : le second niveau d'obligations d'entreprises, moins sécure que le « Investment grade »]. Y compris le segment BB, le moins bien noté parmi les « crossover ». Car il paye le risque de défaut avec une prime intéressante. Cela ne représente pas un poids stratosphérique, on est prudents, mais cet actif ne nous fait pas peur. Ce sont des classes d'actifs qu'on sait travailler, avec une vraie approche financière. D'ailleurs, je peux le certifier : nous n'avons jamais eu, en 25 ans, de défaut sur nos obligations corporate. Je pense que le marché surestime le risque de crédit. Quand vous faites une sélection correcte, les défauts sont assez rares.

« Attention, on ne prend pas de risques non calculés. Nous avons des process. Nous ne sommes pas des cow-boys ! »

Le fonds Garance est diversifié. Quelle est votre stratégie sur le marché actions ?

GD : On a relevé l'allocation actions sur 2025 à 14% du fonds. On était un tout petit peu en dessous de la moyenne en 2023 et 2024. Du coup, on a eu un résultat un peu moins bon que nos pairs. En revanche, cela nous a permis, sur 2025, de profiter d'opportunités d'achat intéressantes. Comme lors des annonces de Donald Trump, début avril. Grâce au travail d'Indep'AM, on peut avoir une réactivité pour investir que l'on ne trouve pas ailleurs. Les niveaux d'achat sont prédéfinis, mais cela peut aller très vite. Si Frédéric nous dit qu'il a besoin de cash pour profiter d'une opportunité, on peut trouver des solutions en 24h !

FL : Garance nous fixe des fourchettes pour nos investissements. Mais quand on a besoin d'être très mobiles, on peut l'être. Plus les marchés sont volatils, et plus il faut savoir être rapide. Dans une baisse de 30% sur le mois, vous pensez bien que l'on va acheter de l'action ! Lors de l'annonce du programme commercial de Donald Trump, on a monté en trois jours l'exposition actions de 12 à 14%. Oui, 2% du portefeuille en trois jours ! Certains acteurs ne peuvent pas le faire en un an. Mais attention, on ne prend pas de risques non calculés. Nous avons des process. Nous ne sommes pas des cow-boys !

Sur quels actifs misez-vous ?

FL : Il y a une vraie question d'optimisation des frais indirects. On se positionne donc notamment sur une gestion interne, avec des fonds gérés par Indep'AM. Mais aussi des ETF, dont les frais sont limités, par exemple USA ou monde. Depuis deux ou trois ans, on a été plutôt prudents, par rapport aux cibles que fixe la mutuelle. À vrai dire, même si nous sommes bien exposés aux actions, nous ne sommes pas complètement sereins sur ces marchés.

Vous pariez sur quels secteurs, quelles zones géographiques ?

FL : L'an passé, on était bien exposés aux « Etats-Unis ». Début 2025, on a basculé une partie du portefeuille pour revenir sur la zone euro. Récemment, on a misé également sur des marchés dits « émergents ». Il y a des zones en Asie qui ne sont pas chères du tout. Mais également en Amérique Latine. On a travaillé ponctuellement des places comme le Brésil, le Mexique... Par contre, on n'a plus de convictions fortes sur des secteurs. Il est de plus en plus difficile de trouver des actifs pas chers. Quand tous les secteurs sont chers, cela nous alerte : il se passe peut-être quelque chose. Malgré tout, nos gérants actions trouvent encore des valeurs raisonnables à « stock-picker ». Par exemple, un titre comme ASML se négocie à des prix intéressants, comparé à d'autres tech.

Votre discours surprend pour une mutuelle. On croirait entendre un fonds d'investissement !

FL : Nous ne sommes pas les seuls à avoir une filiale de gestion. Mais j'ai parfois eu l'impression que les grands assureurs ne considéraient pas la gestion d'actifs comme un cœur de métier. Que l'important était la collecte, puis de laisser vivre le fonds. De notre côté, on a toujours considéré qu'il y avait de la valeur à créer par la gestion des placements. Cela suppose d'être à la fois stratégique, tactique, flexible...

Comme beaucoup, vous intégrez une ligne « non-côté ». C'est souvent très mystérieux. C'est quoi, votre non-côté ?

GD : Cette poche a été développée à partir de 2016. Elle représente 10% de notre actif général. Il y a pas mal d'immobilier. Comme le siège de la mutuelle, qui paye un loyer. Ou notre futur siège, où l'on va déménager d'ici un an et demi. Nous sommes ensuite positionnés principalement sur des fonds institutionnels. Les approches sont variées : celui qui est investi dans des bureaux affiche bien sûr une moins-value latente assez astronomique. Mais pendant 5 ans, il a servi entre 3 et 4%. Cela compensait un peu ce que l'on ne trouvait pas sur les marchés obligataires. D'autres sont investis dans les résidences seniors, qui livrent 5 à 6% et résistent extrêmement bien aux baisses de l'immobilier. On a également des stratégies en viager qui fonctionnent bien, des positions dans des campus universitaires. Même en intégrant la crise de l'immobilier, on a gardé une performance positive sur ces fonds.

Les investissements sont évidemment facilités par la collecte. Il y a un an, vous proposiez un taux boosté à 6%. Est-ce que vous comptez renouveler l'expérience ?

GD : Dans les conditions actuelles, je ne pense pas. Le boost répondait à l'enjeu de profiter des taux proposés sur les marchés. D'avoir des rentrées de cash à réinvestir pour créer de la performance durable. Un autre objectif, c'était de faire parler de Garance, d'acquérir de nouveaux clients. Cela a marché. [NDLR : En novembre 2024, Guillaume Derien nous indiquait que cela avait permis un surplus de collecte de 130 millions d'euros, dont 40% issus de nouveaux contrats.] Aujourd'hui, on trouve encore sur les marchés des produits supérieurs à 4% sur le long terme. Collecter sur le fonds euros, c'est donc toujours complètement d'actualité.

« On vend une approche, un contact physique. Des commerciaux qui peuvent venir à domicile. Notre réseau commercial est rémunéré par ces frais »

À la différence de beaucoup de vos confrères mutualistes, vous maintenez des frais sur versements (entre 0,5 et 1%). Pourquoi ?

GD : On vend une approche, un contact physique. Des commerciaux qui peuvent venir à domicile. Notre réseau commercial est rémunéré par ces frais, car il offre un avis commercial indépendant : les mêmes frais s'appliquent sur tout. Il ne faut pas oublier que les conseillers en gestion de patrimoine ou les courtiers peuvent facturer jusqu'à 4%. Et ils trouvent des clients !

L'enjeu actuel est de rajeunir la clientèle. Les nouvelles générations, plus digitalisées, n'ont souvent plus besoin de conseiller et comparent les frais !

GD : Nos clients historiques, ce sont des artisans, indépendants, chefs d'entreprises, qui apprécient que quelqu'un se déplace sur leur lieu de travail pour leur expliquer le contrat. Mais vous avez raison, le sujet se pose pour les nouveaux clients. Dans notre stratégie de rajeunissement de notre clientèle, que faire de ces frais ? La question est de trouver une rentabilité du modèle. En tout cas, cela n'a pas été acté que l'on garde ces frais ad vitam aeternam...

FL : Ces frais se justifient, tout de même. Ils sont une manière d'éviter les gens qui viennent faire un coup, comme s'ils faisaient du compte sur livret. Or ce n'est pas la finalité de notre produit. 0,5 ou 1% de frais, à l'échelle de 8 ans, c'est négligeable. Celui qui vient pour arbitrer le Livret A, est-ce un client dont on a besoin ?

Pensez-vous ajouter un jour des contraintes en unités de compte pour accéder à votre fonds euros ?

GD : On peut ouvrir un contrat 100% fonds euros chez Garance, et ce n'est pas dans notre philosophie que cela change. En revanche, nous travaillons sur les UC. Historiquement, on était à 1% d'UC dans nos contrats. Aujourd'hui, on est à 7 ou 8%. On ne pousse pas à la vente, mais on essaye sur toutes les collectes d'aller faire un petit peu plus d'UC. On dispose d'ETF. Mais aussi de fonds Indep'AM avec des frais de gestion extrêmement bas : 0,6%. Ce niveau contribue aux performances de nos gestions pilotées !

Votre portefeuille a un rendement naturel supérieur à 4%. Comme les positions sont longues, cela permet de livrer plus de 3% pendant un moment, non ?

FL : En tout cas, on a de quoi le fabriquer ! Du côté d'Indep'AM, je pense que l'on peut livrer un très bon taux. On a de la réserve en stock. Le tirage de la plus-value potentielle est raisonnable. Donc oui, on a de quoi, dans des conjonctures de marchés normales, rester entre 3 et 3,5% pendant 5 ans et plus.

Rester parmi les meilleurs du marché, c'est envisageable ?

FL : Je le pense sincèrement.

GD : En tout cas, le portefeuille est construit pour.

Le comparatif des meilleures offres d'assurance vie à frais réduits