Victime de son succès. La SCPI Remake Live est sous le feu des projecteurs. Ce véhicule de pierre-papier spécialisé dans l'immobilier professionnel séduit les épargnants, par son modèle sans frais, son approche tactique diversifiée... Et surtout son taux de distribution 2024 dépassant les 7%. L'an passé, la collecte nette a atteint 256 millions d'euros, soit la 4e performance du secteur. Le carton se poursuit début 2025, avec 45 millions d'investissements entre janvier et février.

Parmi les locomotives de cet afflux de capitaux, Remake compte l'assureur vie online du groupe Crédit Agricole : Spirica. En 2024, celui-ci a apporté à la SCPI 100 millions d'euros, notamment via ses contrats Spirit. Cela représente 39% du volume total de souscriptions ! « C'est probablement dû au fait que Spirica propose l'un des tous meilleurs contrats du marché pour les produits de type SCPI », analyse Benoit Cony, directeur des partenariats chez Remake. D'ailleurs, la SCPI représenterait la plus grosse collecte de l'assureur parmi les unités de compte immobilières... Et la deuxième de l'ensemble de son catalogue UC !

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Trop d'emprise

Sauf que pour Spirica, ce n'est pas forcément une bonne nouvelle. Depuis la crise des SCPI, amorcée en 2022, les assureurs surveillent de près le « ratio d'emprise ». Soit la part du capital total d'un produit qu'il détiennent pour leurs clients. Ceci, pour sécuriser l'équilibre de leurs encours. Car quand un client investit sur une SCPI dans un contrat d'assurance vie, c'est la compagnie qui passe commande et reste le détenteur officiel des parts.

Spirica souhaitait ainsi ne pas posséder plus de 20% de Remake Live. Sauf que le chiffre est de près de 25% actuellement (171 millions d'euros). Il a même flirté, selon les informations de Moneyvox, avec les 30% en 2024. Le spécialiste de l'épargne en ligne a donc décidé de réagir. Dès l'automne dernier, les arbitrages vers l'actif ont été interdits. Mais comme cela ne suffit pas, une décision radicale a été prise : à partir du 1er avril, les achats de parts sont suspendus jusqu'à nouvel ordre !

Bonne ou mauvaise nouvelle ?

Forcément, les prévisions annuelles s'en ressentent : on s'orienterait vers une baisse de collecte, entre 150 et 200 millions d'ici décembre. Pour une jeune SCPI en pleine ascension, cela tombe mal. « Qu'un de nos gros apporteurs coupe, c'est toujours un peu frustrant, glisse le professionnel. Le momentum de marché est ultra favorable à l'investissement, comme cela n'a pas été le cas depuis 30 ans. » Plus de liquidités permettraient ainsi d'investir dans plus de biens « de qualité ».

Malgré tout, Benoît Cony assure que la société de gestion est « solide » et n'y voit pas que des inconvénients. « Cette décision nous permet de ne pas non plus grossir trop vite. On le voit, quand un véhicule pèse 3 milliards d'euros, il est plus difficile à manœuvrer. » Fin février, la société civile possédait ainsi 52 immeubles, pour plus de 100 locataires. Sa capitalisation culminait à 690 millions d'euros, encore loin des gros « paquebots » de la pierre-papier. « Maîtriser notre croissance nous permet de nous réorienter selon les opportunités de marché. »

Le rush surprise

Spirica ferme donc les vannes, et ne compte pas les rouvrir tout de suite. Les spécialistes estiment qu'il faudra attendre le 4e trimestre 2025 pour que les souscriptions reprennent. D'autant qu'il y a un imprévu : depuis l'annonce de la suspension, début mars, les épargnants se précipitent pour investir avant la fin du mois. En cinq jours, 6 millions d'euros d'ordres avaient été déposés chez Spirica... Soit 60% de leur moyenne mensuelle sur ce titre !

« C'est beaucoup, car notre SCPI collecte 20 à 25 millions d'euros par mois », s'étonne Benoît Cony. On parle souvent d'effet FOMO, la précipitation pour ne pas manquer la bonne affaire. Avec cette « ruée », le ratio va monter à nouveau... « Si cela devient trop important, ils se réservent le droit de couper avant fin mars », souligne le directeur des partenariats de Remake.

Spirica n'anticipait pas une telle situation, qui risque de repousser d'autant la réouverture aux souscriptions. Se pose une question : pourquoi ne pas avoir retardé un peu l'annonce de la suspension ? Le risque était de devoir traiter de trop nombreux ordres en fin de mois, ce qui aurait pu causer des difficultés de dates de valeur, notamment.

Diversifier

Comment corriger le tir ? La solution sera de diluer la dominance de Spirica, en collectant par d'autres biais. Cela passe par les ventes de parts, qui ont grimpé de 55 à 110 millions d'euros entre 2023 et 2024, et continuent de s'accélérer. Le gestionnaire compte aussi sur ses autres partenaires assureurs. Mais eux aussi tentent de limiter les flux : Suravenir a descendu le plafond d'investissement à 10 000 euros, alors qu'Apicil a un temps suspendu les ventes. « Nous travaillons sur l'ouverture d'autres canaux, le référencement chez de nouveaux assureurs », indique Benoît Cony. L'entreprise reste discrète, mais Moneyvox croit savoir qu'il s'agit d'Abeille, dans le cadre de la création d'un nouveau contrat d'assurance vie, ainsi que de Swiss Life.

Pas de panique !

Cette suspension a pu étonner, voire inquiéter, certains épargnants. Mais Remake appelle à garder confiance ! « La société de gestion va bien, le fonds également. » Bien sûr, Benoît Cony comprend que certains ressentent une « frustration » de ne bientôt plus avoir accès au produit. Mais à ses yeux, ce n'est « pas nécessairement une mauvaise nouvelle. Avec une collecte maîtrisée, on peut se montrer plus sélectif dans nos achats. » Ce qui pourrait, selon lui, protéger la performance.

En tout cas, cette situation, assez inédite, prouve une chose : les SCPI sans frais sont plébiscitées par les investisseurs. « Cela confirme que le modèle sans frais est le mieux adapté à l'assurance vie. » Et ce n'est qu'un début. Selon un acteur de la place, Remake serait en train de préparer, en toute discrétion, une seconde SCPI ! À ce jour surnommée « Live 2 », elle permettrait d'adoucir la croissance de sa grande sœur. Et d'aller chercher de nouvelles performances !

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