Compte à rebours
Le Parlement aura 50 jours pour examiner le projet de budget de la Sécurité sociale (PLFSS), dans lequel devrait figurer in fine la suspension de la réforme des retraites, et 70 jours pour le budget de l'Etat (PLF).
Pour le projet de budget de l'Etat, la date butoir pour son adoption devrait être le 23 décembre, selon des sources parlementaires. La date butoir pour l'adoption du projet de budget de la Sécu devrait être autour de début décembre.
Mais ces délais prévus par la Constitution pourraient être bien plus difficiles à tenir en majorité relative, si des milliers d'amendements sont déposés. D'autant qu'il n'y aura pas d'article 49.3 (adoption d'un texte sans vote) pour interrompre les débats, une promesse du Premier ministre.
« On prend le risque que LFI et le RN bordélisent le débat et qu'on dépasse les délais »
« Oui, il y a un risque aujourd'hui, personne ne peut dire l'inverse », s'inquiétait mercredi la députée socialiste Christine Pirès Beaune. « On prend le risque que LFI et le RN bordélisent le débat et qu'on dépasse les délais », pointait une autre socialiste.
Reste à savoir ce que décideront de faire tous les groupes : déposer un grand nombre d'amendements pour défendre leurs positions ou jouer l'obstruction, ou essayer de rationaliser les débats pour aboutir dans les temps à une copie qui leur convient davantage.
« Très difficile d'aboutir dans les temps »
Le président de la commission des Finances, l'Insoumis Eric Coquerel, plaidera pour que tous les groupes soient raisonnables, mais estime « très difficile d'aboutir dans les temps ». « Je rappelle que l'an passé ce n'est pas du tout LFI mais Les Républicains qui avaient déposé le plus d'amendements ».
Problème de voix
En supposant que les débats s'achèvent dans les délais, une question majeure se posera, particulièrement pour le Parti socialiste : qui votera les budgets à la fin ? Le budget de la Sécurité sociale pourrait contenir un amendement de suspension de la réforme des retraites, mais en fonction des débats et des alliances mouvantes, il pourrait aussi contenir d'autres irritants parfois très forts pour la gauche, comme le doublement des franchises médicales.
« Il y a quand même plein de mesures dégueulasses, pour moi c'est hors de question qu'on vote pour », confie une députée socialiste qui « ne voit pas comment ça passe ». Hors PS, les oppositions (RN, UDR, LFI, écologistes, communistes) comptabilisent 265 voix, dépassant de loin les 212 du bloc central. Les voix décisives pourraient donc être celles des socialistes.
« Le budget soumis au vote n'aura rien à voir avec le budget initial »
« On a été assez bêtes de faire plier le gouvernement sur le 49.3 », qui aurait pu permettre de ne pas censurer sans pour autant voter le budget, souligne l'élue PS. « Le budget soumis au vote n'aura rien à voir avec le budget initial », tempère une autre source au sein du parti, qui envisage une copie adoptable.
Une autre hypothèse, concernant la suspension de la réforme des retraites, aurait été de passer par un texte séparé, mais le Premier ministre Sébastien Lecornu a plaidé mercredi devant l'Assemblée pour un amendement du gouvernement au budget de la Sécu.
Autres armes
Si les délais constitutionnels sont dépassés, ou s'il apparait qu'un budget ne pourra être adopté avant le 31 décembre, l'exécutif a plusieurs choix à sa disposition même en l'absence du 49.3. Il peut anticiper avant le 11 décembre, et ne faire voter que la partie « recettes » du budget. Le gouvernement peut théoriquement, en cas de dépassement des délais, faire passer les projets de budgets initiaux par ordonnances.
Le RN et LFI estiment qu'il espère pouvoir faire passer le budget de la Sécu sans l'éventuel amendement suspendant la réforme des retraites.
« On ne va pas faire passer le PLF ou le PLFSS initial par ordonnances. C'est l'autoroute pour la censure derrière », répond un conseiller de l'exécutif, qui rappelle qu'il n'y a aucun précédent sous la Ve République.
Enfin, le gouvernement peut choisir de recourir à une « loi spéciale », qui lui permet de « continuer à percevoir les impôts existants » en attendant le vote d'un réel budget, comme en 2024, après la censure du gouvernement de Michel Barnier. « La loi spéciale est à ce jour le meilleur budget que la France puisse espérer pour 2026 », assure même un député macroniste.