Affable et discret, l'ancien directeur général de la Caisse des dépôts a débarqué le 23 décembre à Bercy, où François Bayrou a confié à cet ex-banquier aux affinités à gauche la tâche ardue d'élaborer dans l'urgence un budget de compromis pour 2025.
Mission accomplie, mi-février. Dominant ses interlocuteurs par sa grande taille, il se pose en homme de dialogue, singulièrement avec le Parti socialiste, dont il fut adhérent dans un passé lointain. Mais la partie s'annonce d'emblée plus serrée pour l'effort de plus de 40 milliards d'euros de réduction du déficit public pour 2026, voulu par le Premier ministre. Les oppositions lèvent leurs boucliers.
La suite est connue : François Bayrou décide de demander la confiance de l'Assemblée nationale, lors d'un vote qui devrait sceller sa chute lundi. Depuis, Eric Lombard joue les bons soldats dans les médias, refusant de se placer « dans l'hypothèse d'un échec ».
« Je ne crois pas que les choses soient jouées d'avance », déclare-t-il à l'AFP. Il en veut pour preuve que « c'est sous l'autorité de François Bayrou qu'un budget est passé en 2025 dans une configuration politique identique ». Comme tous les autres ministres, il se prépare néanmoins, en coulisses, à l'après-vote de confiance.
En cas de renversement du gouvernement, il pense être utile pour mener à bien la négociation budgétaire depuis Bercy.
Et depuis quelques jours, son nom circule aussi comme possible prochain Premier ministre, dans l'hypothèse probable où Emmanuel Macron chercherait un profil issu de la coalition gouvernementale, mais capable d'arracher un pacte de non-censure aux socialistes. Une ministre évoque ainsi cette piste, dressant le portrait d'un « négociateur de confiance » avec le PS.
« Seule voie de passage »
Autour du chef de l'Etat, qui l'avait déjà discrètement consulté pour Matignon lors de l'été post-dissolution, on juge que « pour un ministre issu de la société civile, il a plutôt fait ses preuves ». Mais sans y voir pour autant un candidat évident.
Emmanuel Macron a défini l'équation : il faut que le camp gouvernemental « travaille avec les socialistes ».
Or, Eric Lombard le dit aussi avec conviction. « Le PS est la seule voie de passage, ils le savent et on le sait », affirme-t-il à l'AFP.
Il fait aussi entendre une petite musique différente par rapport à François Bayrou. Le Premier ministre a balayé d'un revers de la main le contre-budget présenté par le parti à la rose, qui table sur un déficit à 5% du PIB en 2026, contre 4,6% côté gouvernemental.
Le ministre de l'Economie veut, lui, voir le côté positif : « Je note qu'ils reconnaissent la nécessité de se doter d'une trajectoire de désendettement, chiffrée. C'est un fait politique important ».
Une manière de laisser entendre qu'un compromis est possible.
D'ailleurs, prié de dire s'il a parlé à Olivier Faure depuis l'annonce du vote de confiance, il répond : « Je veille à maintenir un dialogue régulier ».
Les relations avec le Premier secrétaire du PS sont censées être l'un de ses atouts. A sa nomination, Olivier Faure avait dit que cet « homme de gauche » était « un ami dans la vie », tout en redoutant que son poids ne soit « noyé » dans une équipe dominée par le centre et la droite.
« Eric Lombard a quitté le PS il y a vingt ans, mais il sait en parler la langue et a beaucoup de valeurs en commun », glisse un proche du ministre. « Il a une capacité de discussion avec eux ».
Côté socialiste, si on pousse le scénario « Faure à Matignon », on concède mezzo voce que s'il n'aboutissait pas, il faudrait envisager a minima quelqu'un qui ait « des capacités de dialogue ». « Dans ce cadre, Lombard à l'évidence serait compatible », estime un cadre du PS.
Mais à 67 ans, le ministre n'a pas que des partisans. « Je doute que le PS acceptera que celui qui a défendu un effort de 44 milliards aille à Matignon », souffle un conseiller gouvernemental.
Signe qu'une négociation serait difficile, l'intéressé a récemment assuré qu'un retour de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) était « complètement écarté », et s'oppose aussi à la taxation des patrimoines telle que voulue par la gauche.