Défiscalisation totale des heures supplémentaires
Au cœur d'un débat marqué par les recherches d'économies budgétaires et de nouveaux gains fiscaux, voici un vote qui détonne et étonne : faire sauter le plafond actuel (7 500 euros) de défiscalisation des heures supplémentaires et rétablir en outre l'exonération de cotisations sociales. En clair : rétablir la défiscalisation des « heures sup' » version « gouvernement Sarkozy ».
Cet amendement porté par Fabien Di Filippo (LR) et le retour à des heures supplémentaires totalement défiscalisées coûterait selon le rapporteur général du budget Charles de Courson « de l'ordre de 3,2 milliards d'euros ».
Si cette mesure a été votée mercredi 23 octobre en séance publique, et si elle pourrait séduire le Sénat où la droite a la majorité, ce projet de loi de finances est si périlleux et incertain, avec une forte probabilité de 49.3, que le choix des amendements reviendra probablement in fine au gouvernement. Or le ministre chargé du Budget Laurent Saint-Martin n'est pas favorable à cette mesure : « Il ne faut pas que le travail échappe de façon trop importante à la cotisation et à l'impôt. Il importe (...) d'éviter que les revalorisations salariales passent à la trappe au profit de ce type d'exonération. C'est une question de dosage : le plafond avait été relevé pendant la crise sanitaire, à 7 500 euros par an, et je pense qu'il n'est pas nécessaire de le supprimer. »
Pensions alimentaires : une inversion de la logique fiscale
« Actuellement, le conjoint qui verse la pension alimentaire peut la déduire de ses revenus, réduisant ainsi son impôt, tandis que celui qui la reçoit doit l'ajouter à ses revenus imposables » : une injustice à réparer pour le groupe socialiste à l'initiative de cet amendement. Objectif : défiscaliser pour ceux ou celles qui reçoivent la pension, et supprimer la déduction pour ceux ou celles qui la versent.
« Un foyer sur quatre ne compte qu'un seul parent. Dans 82% des cas, ce sont des mères seules avec leurs enfants. Dans une majorité des cas, cela fait suite à une séparation ou un divorce. Ces mères assument la charge principale de leurs enfants (...) la pension moyenne qu'elles reçoivent, c'est environ 190 euros par mois par enfant, alors que les dépenses qu'elles vont faire pour ce même enfant, c'est environ 750 euros par mois », a exposé Cyrielle Chatelain, présidente du groupe écologiste et social. « C'est une manière de soutenir ces mères seules avec leurs enfants qui dans 32% des cas aujourd'hui, vivent sous le seuil de pauvreté. »
L'Assemblée a donc voté cette mesure contre l'avis du gouvernement et contre l'avis du rapporteur général Charles de Courson, qui a souligné que les foyers monoparentaux dans des situations précaires ne sont pas imposables. Ce qui rendrait selon lui cette mesure inopérante. Le ministre du Budget Laurent Saint-Martin a lui souligné que les personnes ayant la garde de l'enfant bénéficient déjà du quotient familial.
Retour de la demi-part des veuves
« La suppression de la demi-part fiscale pour les veufs et veuves en 2014 a été perçue comme une injustice majeure par les personnes âgées, qui ont vu leurs revenus fortement impactés », explique Daniel Grenon, député non inscrit de l'Yonne. « Bien que la demi-part ait été partiellement rétablie pour les veuves d'anciens combattants, cette mesure reste insuffisante car elle ne concerne qu'un nombre restreint de bénéficiaires. Dans un souci de justice sociale, cet amendement vise à un rétablissement de la demi-part fiscale pour tous les veufs et veuves ayant eu un enfant, afin d'atténuer les difficultés financières qu'ils rencontrent. »
Cet amendement, tout comme l'amendement similaire des députés Horizons Anne Le Hénanff, Nathalie Colin-Oesterlé et Didier Lemaire, fait sauter la contrainte d'âge (plus de 74 ans) instaurée dans le budget 2023 sur la demi-part fiscale. Le gouvernement n'est pas favorable à cette mesure en raison de son coût budgétaire.
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Immobilier locatif : un abattement relevé pour le micro-foncier
« N'attendez donc pas de moi que je m'engage à approuver le passage de 30 à 50% : c'est non ! » s'est exclamé Laurent Saint-Martin mercredi à l'Assemblée nationale, en réponse au socialiste Inaki Echaniz. C'est pourtant bien les amendements de Inaki Echaniz et de Annaïg Le Meur (Renaissance) l'abattement à 50% qui ont été adoptés mercredi par l'Assemblée.
L'objet des amendements votés, donc : « Rehausser le taux d'abattement du régime microfoncier qui permet aujourd'hui à un propriétaire mettant son bien immobilier en location (nue), de bénéficier d'un abattement de 30% jusqu'à 15 000 euros. » Une mesure visant à restaurer une équité fiscale entre la location longue durée et la location meublée de courte durée. Notamment pour éviter de rendre la location via des plateformes comme Airbnb trop favorable.
Ce vote était étonnant car quelques instants plus tôt, en séance publique, le ministre du Budget Laurent Saint-Martin avait fait un pas en se disant favorable à une autre série d'amendements allant dans le même sens mais de façon moins tranchée : « J'ai commencé par être défavorable à vos amendements et à en demander le retrait. Puis vous m'avez fait changer d'avis et j'ai donné un avis de sagesse sur l'amendement relevant le taux d'abattement de 30 à 40% – pas de 40 à 50%. » Suspense, donc : le gouvernement pourrait-il accepter de porter cet abattement à 40% lors de la suite de cette navette budgétaire ?
Hausse d'impôts : la contribution des très hauts revenus rendue pérenne
La fameuse « contribution différentielle » pour les hauts revenus, visant ceux qui paient déjà la contribution exceptionnelle, est censée être limitée à 3 ans dans l'idée du gouvernement. Son objectif : instaurer ce taux minimal d'imposition moyen de 20% pour les revenus de 2024 à 2026, donc pour l'impôt 2025, 2026 et 2027. Mais l'Assemblée a voté mardi 22 octobre pour la rendre pérenne, à l'initiative de la gauche et du MoDem, membre de la coalition gouvernementale.
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Et aussi...
- Extension du dispositif Loc'Avantages ;
- Suppression d'un avantage fiscal pour les conseillers régionaux ;
- Lutte contre les « culbutes spéculatives » sur le marché immobilier ;
- Adaptation du pacte Dutreil ;
- Retour à la version initiale de l'exit tax, instaurée sous Nicolas Sarkozy.
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Ce qui n'a pas été voté
- Hausse de la flat tax sur les intérêts et gains des placements ? Rejetée.
- Transformation du plan épargne retraite ? Un amendement retiré, un autre rejeté.