Hugues Aubry, Membre du comité exécutif Generali France
Hugues Aubry
Membre du comité exécutif Generali France
En charge du marché de l'épargne et de la gestion de patrimoine (Photo © Hervé Thouroude)
Les fonds eurocroissance, ou « croissance », ont 10 ans. Ils ont beaucoup évolué depuis 2014, en particulier en 2019 à l'occasion de la loi Pacte. Désormais, comment décririez-vous leur fonctionnement ?

Hugues Aubry : « Au lendemain de la loi Pacte, le mécanisme de ces fonds s'est singulièrement simplifié. La loi nous permet de lisser les performances à la hausse comme à la baisse. Schématiquement, c'est comme si je gérais un fonds d'investissement traditionnel mais, à chaque fois que je dépasse un seuil à la hausse, je mets des réserves de côté et, inversement, à chaque fois que je franchis un seuil à la baisse, je réapprovisionne. »

« C'est un produit à mi-chemin entre l'unité de compte pure et le fonds en euros »

« C'est un produit à mi-chemin entre l'unité de compte (UC) pure et le fonds en euros. Sur la durée, c'est un fonds rassurant et performant. En 2022, lorsque la bourse de Paris a perdu plus de 10%, nous avons pu limiter les pertes sur nos fonds croissance avec une performance de 0,05%. Évidemment, en contrepartie, si demain les marchés gagnaient 10%, la performance ne serait pas aussi élevée, mais certainement meilleure que celle des fonds en euros. In fine, ce mécanisme spécifique permet de proposer un fonds très peu volatil qui capitalise progressivement. »

Précision. L'appellation « fonds croissance » désigne un support de type eurocroissance mais pour lequel la garantie à l'échéance (au bout de 8 ou 10 ans, par exemple) n'est pas à 100%. Le plus souvent, les fonds croissance vous garantissent de retrouver 80% de votre épargne à l'échéance. Cela offre plus de souplesse à l'assureur dans sa gestion financière. Et laisse ainsi espérer des rendements supérieurs.

Assurance vie : ce placement méconnu censé rapporter plus que votre fonds euros

Dix ans après leur création, ces fonds eurocroissance ont-ils trouvé leur place ? Et est-ce plus facile de les vendre depuis la simplification de la loi Pacte ?

H.A. : « Tout dépend de la stratégie et du modèle de distribution de chaque assureur. Ce qui nous caractérise est notre position de leadership sur le marché de la « tiers-distribution » [les conseillers en gestion de patrimoine, les courtiers web, les banques en ligne, etc., NDLR]. Depuis 2019, nous avons très largement fait évoluer notre mix entre fonds en euros et UC, et aujourd'hui - que ce soit sur la collecte ou sur notre stock de provisions mathématiques - nous sommes en vitesse de croisière à 50/50 [entre UC et fonds en euros]. Pour autant, l'allocation stratégique que nous recommandons au sein d'un portefeuille est de type : un tiers de fonds en euros, un tiers d'UC classiques et un tiers de supports alternatifs à faible volatilité. Dans cette configuration, le fonds croissance a toute sa place et s'insère parfaitement dans cette troisième catégorie de supports. Cela permet de diversifier son allocation avec un fonds qui se différencie du fonds en euros, en lissant la performance et le risque dans le temps. »

« L'allocation stratégique que nous recommandons au sein d'un portefeuille est de type : un tiers de fonds en euros, un tiers d'UC classiques et un tiers de supports alternatifs à faible volatilité »

Les fonds eurocroissance de l'assurance vie : comment fonctionnent-ils ? Quelle fiscalité ?

Que comptez-vous dans ce « tiers de supports à faible volatilité » ? Des fonds croissance, donc, et sinon ? Des produits structurés ? Des SCPI ?

H.A. : « Exactement. Des actifs réels ! C'est-à-dire des fonds immobiliers, qui ont moins la cote actuellement, des fonds infrastructures, des fonds de private equity... mais également des produits structurés dont le mécanisme se rapproche des fonds croissance. »

« Le fonds croissance permet d'espérer 1% de rendement de plus que le fonds en euros », chaque année

Vous faites vous-même un parallèle entre eurocroissance et produits structurés. Du point de vue de l'épargnant, la promesse est très proche : une prise de risque limitée, ou du moins des matelas pour limiter le risque, de l'argent à immobiliser pendant plusieurs années, et une performance atteignable à condition d'être patient. Pourquoi l'eurocroissance n'a pas autant de succès que les produits structurés, dans l'assurance vie ?

H.A. : « Je pense que l'analogie est la bonne. Le fonds croissance est “le produit structuré des assureurs”. Ce produit permet en effet de lisser la performance, avec des mécanismes de protection, et de desserrer l'étau à 8 ans en termes de garantie ou de protection du capital. Au niveau des performances, nous considérons que le fonds croissance permet d'espérer 100 points de base [soit +1% de rendement par an, NDLR] de plus que le https ://www.moneyvox.fr/assurance-vie/fonds-en-euros/. Mais la comparaison s'arrête là. Car la palette des produits structurés est infinie. L'ingénierie financière est beaucoup plus étoffée que ce que l'on peut faire sur le fonds croissance. Ce sont deux outils complémentaires pour étoffer et diversifier la palette des supports. »

« Le fonds croissance est le produit structuré des assureurs »

Cela a été dit et répété : l'eurocroissance a été lancé au pire moment, quand les taux étaient très bas... Maintenant que les taux sont remontés, est-ce intéressant d'investir dans ces fonds dans le contexte actuel ?

H.A. : « Je ne dirais pas que cela a été lancé au mauvais moment. Car quand on regarde l'historique des performances, nous n'avons pas à rougir. Effectivement, la collecte accélère quand le niveau de taux est plus haut. Aujourd'hui, nous sommes plutôt dans une logique où le risque est la baisse des taux. Dans le cadre d'une bonne diversification, je pense que le fonds croissance est un bon produit. Et cela l'était déjà au moment de son lancement. Nous ne nous attendons pas à un engouement massif des épargnants sur ce type de support, mais avec un encours de plus de 700 millions d'euros investis sur nos fonds croissance, nous considérons que c'est un vrai succès. »

L'absence d'historique de rendements nettement favorable à l'eurocroissance, dans un match face au fonds euros, est-elle préjudiciable ?

H.A. : « Si l'on considérait que c'est préjudiciable, on arrêterait. L'avoir simplifié via la loi Pacte a été une excellente idée et, en cela, ce fonds constitue selon nous une valeur d'avenir. Il fait son “petit bonhomme de chemin” conformément à son positionnement rendement/risque. Je n'ai pas de problème d'après-vente sur ce produit. C'était une bonne idée de le lancer à l'origine, puis de le relancer au moment de la loi Pacte. A noter que nous proposons aujourd'hui un fonds croissance solidaire labellisé Finansol, une première sur le marché de l'assurance vie. »

À ce stade, à l'approche de la mi-décembre, pensez-vous que le rendement moyen des fonds en euros sera stable en 2024 ? Ou en très légère baisse ?

H.A. : « J'aurais plutôt tendance à dire “légère baisse”. Quand les taux sont montés brutalement, notamment compte tenu de l'inflation, nous nous sommes adaptés. Je pense désormais cohérent d'entamer une légère baisse pour le fonds en euros. L'intensité de cette baisse reste à décider pour chacun des assureurs : le rendement moyen était de 2,6% l'an passé. Historiquement, lors du cycle précédent, la baisse annuelle était de l'ordre de 10 à 15 points de base sur le rendement moyen. »

Baisse ou stabilité en 2024 pour le fonds en euros ? « J'aurais plutôt tendance à dire légère baisse »

Le Livret A va très probablement baisser à 2,5% en février 2025. L'annonce aura lieu mi-janvier. Serait-ce stratégique pour l'assurance vie de communiquer sur ces rendements très légèrement supérieurs à cette barre symbolique de 2,5% ?

H.A. : « La vraie compétition ne se joue pas face au Livret A. Elle se joue plutôt entre l'épargne bancaire à court terme et l'épargne long terme “assurance vie”. Cette année, le Livret A affichait encore un taux de 3%, pourtant l'assurance vie n'en a clairement pas pâti au niveau de la collecte. Au contraire, 2024 devrait être une année record pour l'épargne assurantielle. »

Chez Generali, depuis 2019, vous assumez une stratégie rompant avec la course aux meilleurs taux sur les fonds en euros. Afin de désacraliser ce fonds à capital garanti. Ce sera encore le cas en 2024 ?

H.A. : « Notre stratégie reste la même depuis 2019. Cette année, en termes de collecte, nous sommes à 50-50 entre fonds en euros et UC. Sur notre encours d'environ 80 milliards d'euros, nous sommes quasiment à 50% d'UC. Les clients viennent chez Generali pour gérer de l'épargne à moyen-long terme et donc trouver de la diversification au travers du fonds euros mais aussi et surtout des UC. »

« En pourcentage, l'assurance vie en ligne représente plus de 20% de nos encours en épargne »

Que représente l'assurance vie en ligne à l'échelle de Generali ?

H.A. : « C'est un des principaux moteurs de Generali Patrimoine qui représente cette année 1,9 milliard d'euros de collecte brute et environ 17 milliards d'euros d'encours. En pourcentage, ce marché représente donc plus de 20% de nos encours en épargne. Les banques en ligne et distributeurs en ligne sont des partenaires extrêmement importants pour nous. Et ils se développent très bien, y compris les acteurs plus “modestes” en taille d'encours. Ces distributeurs en ligne sont en outre parfaitement alignés avec l'idée d'une gestion de l'épargne à moyen-long terme et donc de la diversification au travers des UC. Nous avons été précurseurs sur le marché de l'assurance vie en ligne il y a près de 25 ans et nous entendons poursuivre nos investissements sur ce segment d'activité. La digitalisation des parcours est une valeur d'avenir pour les segments en ligne mais aussi pour les segments physiques. On voit là toute la dimension stratégique de ces partenariats. »