Faut-il opter pour l'individualisation des frais de chauffage en copropriété ? La question divise les copropriétaires et les locataires, remarque David Rodrigues, juriste au sein de la CLCV, qui est revenu sur le sujet lors d'un webinar. « Certains trouvent que c'était un dispositif extrêmement intéressant pour permettre de faire des économies d'énergie, d'autres estiment au contraire qu'il est assez inéquitable. Comme souvent, la vérité est entre les deux. »

La question est importante alors que les charges de copropriété ont bondi ces dernières années. Entre 2022 et 2023, les augmentations représentaient même 75 euros par lot pour les copropriétés en chauffage individuel, et 275 euros pour les copropriétés en chauffage collectif. Pour ces dernières, le poste « énergie/chauffage » représente d'ailleurs 31% de la facture.

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Qu'est-ce que ça change ?

Concrètement, l'individualisation des frais de chauffage doit permettre de déterminer la consommation de chaque logement et d'adapter la facture en conséquence. Pour cela, deux équipements sont les plus fréquemment installés : les compteurs d'énergie thermique (CET) ou les répartiteurs de frais de chauffage.

Pourquoi ? « Les pouvoirs publics voulaient prendre en compte. La problématique des transferts de calories. L'exemple type, on le connaît tous, c'est l'appartement qui est entouré à droite et à gauche, au-dessus en dessous, et qui est donc chauffé indirectement par les autres logements sans allumer son propre chauffage », explique David Rodrigues.

Avantages et inconvénients

Les partisans de l'individualisation mettent en avant l'autorégulation grâce à la prise de conscience de sa propre énergie. Autre argument : « Les principaux intéressés vont mettre en avant l'équité du dispositif. C'est un discours qu'on entend souvent : je ne paye que ma propre consommation », indique David Rodrigues.

Pour certains des réfractaires, « ce dispositif s'inscrit à rebours de l'intérêt collectif et du principe de solidarité. (...) une répartition des frais de chauffage qui prend en compte la consommation réelle des occupants tend à être défavorable aux personnes qui restent à leur domicile, qui sont le plus souvent des personnes en situation de fragilité », comme l'indique une mission flsah de l'Assemblée nationale sur le sujet qui avait rendu ses conclusions fin 2021.

Une obligation ?

Dans les faits, c'est une obligation pour de nombreuses copropriétés, à partir du moment où elles ont un chauffage collectif, sauf en cas d'impossibilité technique ou de coût excessif. Actuellement, c'est le cas pour les immeubles de logement ou mixtes, sauf si leur consommation d'énergie est inférieure à 80 KWh par m2 de surface habitable, par an. Toutes les copropriétés concernées ne sont pas dans les règles. Selon la mission flash de l'Assemblée nationale, seulement 30% à 35% d'entre elles seraient aujourd'hui équipés d'appareils permettant l'individualisation.

En cas de contrôle, le syndicat des copropriétaires représenté par le syndic doit pouvoir justifier du respect de cette obligation ou de son impossibilité. A défaut, il risque une mise en demeure de s'y conformer puis une amende annuelle de 1 500 euros par logement.

Quand est-ce que c'est rentable ?

Comment calculer les éventuelles économies réalisées ? La réglementation propose une méthode de calcul pour déterminer si les coûts de l'installation ne sont pas excessifs par rapport aux économies réalisées. Le coût global du projet est évalué sur 10 ans : l'installation, la location, l'entretien et la relève des compteurs ou des répartiteurs ainsi que l'installation des robinets thermostatiques lorsqu'ils ne sont pas présents et l'entretien du matériel. A ces coûts, sont retranchés les gains possibles. Selon une étude de l'Ademe faite sur 4 000 logements, la consommation d'énergie se réduit de 15% en moyenne grâce à l'individualisation de chauffage, avec des médianes entre 9 et 20% d'économie.

Cela peut même aller plus loin. Par exemple, l'Alec de Montpellier présente le cas d'un immeuble de 4 bâtiments et 165 logements qui a sauté le pas en 2009. A la fin de la première saison de chauffe qui a suivi l'installation des répartiteurs, la baisse globale de consommation était d'environ 28% par rapport à la saison de chauffe précédente. Autre cas plus récent, une copropriété de Rennes qui a constaté 35% d'économie après avoir individualisé les frais de chauffage, mais aussi procédé au changement de quelques fenêtres et installer des robinets thermostatiques, comme le rapporte Mysweetimmo.

Attention toutefois, « c'est très difficile de déterminer un gain économique parce qu'il y a un aspect comportemental. Il y a l'effet rebond : un copropriétaire qui avait auparavant une très mauvaise performance énergétique et qui ne se chauffait pas ou très peu et portait 3 pulls aura peut-être envie d'avoir chaud chez lui et va donc allumer le chauffage pour bénéficier d'un confort thermique, ce qui peut se traduire par une neutralisation en quelque sorte des gains économiques, mais par un réel confort thermique », prévenait David Rodrigues à l'occasion de la conférence de la CLCV.

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