Selon Bercy, ce report a été décidé il y a près d'un mois, et non en réaction à une polémique montante, à droite et à l'extrême droite, demandant l'annulation pure et simple de cette obligation.

"Le gouvernement n'a pas attendu les cris d'orfraie de Marine Le Pen pour agir", a assuré sur Bluesky Roland Lescure, évoquant une annonce du Premier ministre à ce sujet lors du congrès des maires.

Le 20 novembre, en clôture du Congrès de l'Association des maires de France, le Premier ministre Sébastien Lecornu s'était exprimé sur le décret 2023-295 qui concerne les bâtiments tertiaires.

Accueilli par des applaudissements, il s'était engagé à reporter à 2030 au lieu de 2027 cette obligation pour "nous adapter à la réalité du mandat municipal, c'est-à-dire 2026-2032" et ne pas contraindre des équipes municipales nouvellement élues à se pencher sur la mise en conformité des bâtiments municipaux.

Cette prise de parole faisait suite au lancement d'une consultation publique le 13 novembre ayant pour projet de reporter à 2030 deux décrets – celui sur les thermostats connectés et programmables et celui sur l'automatisation du chauffage et de la climatisation des bâtiments accueillant du public.

Cette consultation, close jeudi, a recueilli 41 contributions selon sa page, hébergée sur le site internet du ministère de la Transition écologique.

L'installation de thermostats programmables dans les bâtiments publics et privés, permettant un pilotage du chauffage pièce par pièce, figurait dans le plan sobriété lancé en 2022 en pleine crise énergétique.

Malgré la suppression de la prime coup de pouce en 2024, qui était temporaire, "les ménages peuvent toujours bénéficier d'une aide à l'installation d'un thermostat" qui "équivaut à 10-20 euros par radiateur", explique le ministère de l'Economie.

Ce matériel, dont environ 27 millions de foyers restent à équiper, permet jusqu'à 15% d'économies de chauffage, selon des données de l'Ademe publiées en 2022.

Le prix d'un thermostat programmable varie de 60 à 250 euros auxquels il faut ajouter un coût d'installation de 150 à 300 euros, d'après la même source.

"Ce texte est une transposition stricte d'une directive européenne qui prévoit cette obligation. Ce décalage (de 2027 à 2030) vise à laisser plus de souplesse aux ménages et aux professionnels pour s'équiper", a expliqué Roland Lescure sur Bluesky, rappelant que ce dispositif "sert à mieux contrôler les dépenses de chauffage et donc améliorer le pouvoir d'achat et les prix de la facture des Français".

« Éviter le gaspillage énergétique »

La polémique a enflé dans la journée de jeudi, après les prises de parole de Marine Le Pen et de Bruno Retailleau, réagissant à une chronique virulente de l'éditorialiste économique François Lenglet sur le sujet diffusée mercredi sur RTL.

"Le Premier ministre doit annuler le décret 2023/444 du 7 juin 2023 imposant l'installation d'un thermostat programmable ou connecté sur chaque chauffage et dans chaque pièce de tous les bâtiments publics comme privés dès janvier 2027 !", a écrit jeudi matin sur X la leader d'extrême droite Marine Le Pen.

""Il y aura bientôt des contrôles sur l'épaisseur des pulls", avait déjà raillé la veille, le président de LR Bruno Retailleau.

Le fait que le ministre de l'Économie indique jeudi à la mi-journée que l'obligation était "en cours de report à 2030" a été perçu comme une victoire par le RN. "Action de Marine Le Pen => réaction du gouvernement", a écrit sur X Jean-Philippe Tanguy, député RN de la Somme.

A contrario, pour les acteurs de la performance énergétique, de filière électrique et du bâtiment, le report "constituerait un recul environnemental majeur", ont-ils déploré dans un communiqué de presse datant du 24 novembre, critiquant une annonce "en catimini".

"Leur généralisation doit permettre d'économiser 3 millions de tonnes de CO2 par an, un gisement mobilisable à court terme, essentiel dans le cadre de notre stratégie de décarbonation dans un contexte où la France doit réduire rapidement ses émissions", rappellent les professionnels de la filière.