« 4 ans et c'est toujours en cours ». Une procédure trop « dématérialisée » et « très technocratique ». Un héritage qui patine à cause d'un « désaccord sur la vente d'un bien immobilier ». Ou à cause de la « contestation du testament par certains héritiers ». Extraits des nombreux récits reçus par la rédaction suite à notre appel à témoignages. L'illustration d'épisodes parfois traumatisants car mêlant questions financières et familiales.

Comme l'an passé, sur les droits de succession, nous avons sélectionné 10 questions de lectrices et lecteurs, ou reformulé certains problématiques récurrentes, puis interrogé la profession « pivot » des donations et héritages : le notaire. Les réponses, avec l'aide précieuse de Nathalie Couzigou-Suhas, notaire à Paris et chargée d'enseignement à l'École nationale de la magistrature.

1 - Au moment de la succession, comment les enfants peuvent-ils facilement se mettre d'accord sur le prix de vente de l'ex-résidence principale ?

« Quand les enfants ne sont pas d'accord, c'est bien souvent que l'un d'entre eux veut garder la maison et se la voir attribuer mais n'a pas toujours les moyens de désintéresser ses frères et sœurs », réagit la notaire parisienne. « À la louche, dans 80% des cas, le nœud du conflit se situe là. Si les héritiers se battent pour l'évaluation, c'est que l'un veut récupérer le bien en mettant le prix le plus bas possible. »

« Si les héritiers se battent pour l'évaluation, c'est que l'un veut récupérer le bien en mettant le prix le plus bas possible »

Or, Me Couzigou-Suhas insiste sur l'intérêt pour les familles de se reposer sur un tiers professionnel : « Nous, en tant que notaire, nous avons accès à toutes les bases de données. On connaît la valeur des biens immobiliers. De façon pragmatique, je leur dis “Allez voir deux agences immobilières. Choisissez chacun une agence.” Il faut alors prendre le prix moyen ressorti des agences. C'est la meilleure manière de trouver rapidement un compromis dès lors que l'évaluation a été faite loyalement. »

« Cela peut être dramatique. J'ai parfois des successions qui traînent devant les tribunaux pendant 10, 12 voire 15 ans ! »

2 - À quel point un « héritier non coopératif » peut retarder le dénouement d'une succession ?

« Cela peut être dramatique. J'ai parfois des successions qui traînent devant les tribunaux pendant 10, 12 voire 15 ans ! Néanmoins, il existe des outils pour débloquer ce type de situation et les notaires ont alerté les pouvoirs publics sur ces délais. »

« Si la situation reste figée, il faut saisir le tribunal pour que cela ne traîne pas »

Comment remédier à une situation durablement bloquée ? « Mon conseil en cas de succession bloquée : demander une médiation en Chambre des notaires mais, rapidement, si la situation reste figée, il faut saisir le tribunal pour que cela ne traîne pas. En tout état de cause, pour saisir le tribunal, il est indispensable de prouver que des tentatives amiables ont été faites. »

Comment fonctionne la médiation notariale ? Elle « peut se faire en Chambre des notaires [il existe aussi un site dédié, mediation.notaires.fr, pour trouver un centre de médiation, NDLR]. Vous avez alors en face de vous un notaire “neuf” par rapport à l'affaire : il ne s'agit pas du notaire réglant la succession. »

3 - « Est-ce que dans le cas particulier d'un don manuel de sommes d'argent limité à 31 865 €, ce don rogne aussi l'abattement de 100 000 € si le donateur décède durant les 15 années après avoir réalisé le don ? »

« Non. Cela ne rogne pas l'abattement car c'est une exonération distincte », répond la notaire à cette question posée par « Attentif ».

Reste une subtilité d'importance : « Ce don d'argent ne rogne pas l'abattement de 100 000 euros... si vous déclarez bien ce don d'argent au titre de l'exonération de don familial de 31 865 euros. » D'où l'importance de la déclaration des donations et dons manuels.

Droits de succession : « Si un parent me donne moins de 31 865 euros, je rogne l'abattement de 100 000 euros ? »

Exonérations et abattements cumulables pour les donations en famille
Qui reçoit l'argent ?Combien ?Quand ?Déclaration nécessaire ?
Présent d'usage
Tous (quel que soit
le lien de parenté)
Sans limite précise
mais d'un montant raisonnable1
Pour un événement ponctuel
(anniversaire, Noël, mariage, naissance, etc.)
Exonération pour dons d'argent en famille
Enfant, petit-enfant,
arrière-petit-enfant2
31 865 €
par bénéficiaire3
Plafond valable sur 15 ans
Abattements de droits de donation

Époux ou
partenaire de Pacs

80 724 €Plafond valable sur 15 ans
Enfant100 000 €
pour chaque enfant
Petit-enfant31 865 €
pour chaque petit-enfant
Arrière-petit-enfant5 310 €
par bénéficiaire
Frère ou sœur15 932 €
par bénéficiaire
Neveu ou nièce7 967 €
par bénéficiaire

1 Montant devant rester infime vis-à-vis des revenus ou du patrimoine de la personne qui donne.
2 Voire neveu ou nièce en l'absence de descendant.
3 Sous conditions : donateur de moins de 80 ans, et bénéficiaire majeur ou mineur émancipé.

4 - Impôts, notaire, banques... « À qui paie-t-on des frais lors d'une succession ? »

« Tout le monde se sert lors d'une succession », s'est emporté une lectrice, en faisant référence à l'agence immobilière, l'État, le notaire, les avocats...

De fait, le recours au notaire est bel et bien un passage quasi obligé. Seule exception : la succession d'une personne sans bien immobilier, sans donation récente entre époux, et avec des liquidités financières ne dépassant pas 5 910 euros, puisqu'un acte de notoriété est obligatoire si ce seuil est dépassé.

Pour le reste, tout dépend des cas, et de la présence d'immobilier dans le patrimoine. Les droits de succession à régler à l'État notamment restent largement minoritaires dans le lot des héritages en France.

Quant aux avocats, ils « vous seront indispensables pour saisir le tribunal en cas de situation conflictuelle entre les héritiers, après qu'il aura été tenté des accords amiables », explique Nathalie Couzigou-Suhas : « Quant à leur tarification, en cas de procès, les avocats tarifient en honoraires libres : il faut leur demander en amont le montant de leur rémunération. »

SONDAGE. Le calcul des droits de succession est très souvent incompréhensible pour les héritiers

5 - Quels sont les frais que je vais payer au notaire pour toucher la succession ?

« Pour une succession, trois actes principaux sont à prévoir », poursuit la notaire parisienne. Le premier : l'acte de notoriété, qui « liste les héritiers légaux et les héritiers par testament ». Puis l'attestation de propriété immobilière en cas de bien immobilier dans la succession. Et enfin la « déclaration fiscale de succession, détaillant l'actif et le passif au jour du décès ».

EN DÉTAILS. « Quels sont les frais que je vais payer au notaire pour toucher la succession ? »

6 - Est-ce vrai que le notaire peut aussi ponctionner des frais de succession sur l'assurance vie ?

« Nous sommes le plus souvent obligés de les rappeler dans la succession », explique la notaire. « Déjà car il peut y avoir des droits de succession à payer au-delà d'un abattement de 152 500 euros par bénéficiaire pour les versements effectués avant 70 ans. Pour les versements effectués après le 70 ans du défunt, il y a des droits de succession à payer par tous les bénéficiaires après un abattement unique et global de 30 500 euros. Si nous devons les déclarer et prendre cette responsabilité, le notaire a droit à des émoluments fixés par décret. »

Ne pas rappeler l'assurance vie dans la succession pourrait en outre avoir des conséquences : « Si on ne le sait pas [qu'il y avait une assurance vie], il pourrait y avoir un redressement fiscal. »

Assurance vie : récupérer le capital après un décès... c'est vraiment si simple ?

7 - Depuis la mi-novembre 2025, les frais ponctionnés par les banques sur les successions sont bien plus strictement encadrés. Étaient-ils si conséquents ?

« Certaines banques demandent des frais bancaires exorbitants simplement pour clore un compte », a réagi un lecteur anonyme suite à notre appel à témoignages. Sans oublier le scandale ayant éclaté voici quelques années suite aux frais touchés pour clore le livret A d'un enfant décédé d'un cancer...

« Quand les comptes sont au nom du défunt, on les rapatrie chez nous et dans les comptes de la Caisse des dépôts et consignations », explique Nathalie Couzigou-Suhas. « Parfois il y a grand étonnement : par exemple il pouvait y avoir 15 000 euros sur les comptes bancaires et il ne reste que 14 500 euros à partager », entre temps, la banque ayant ponctionné ses frais. Désormais, les petites successions (moins de 5 909 euros) sont exonérées de frais bancaires, et ils sont plafonnés à 1% au-delà.

Héritage : tout ce qui change pour les frais bancaires de succession

« Pour l'immobilier, ceux qui donnent se réservent le plus souvent l'usufruit, c'est-à-dire le droit de rester dans les lieux donnés ou encore de les louer et de percevoir le loyer sa vie durant. Au décès quand l'usufruit s'éteint, il n'y a plus de droit de succession à payer »
8 - Pourquoi une donation prépare-t-elle la succession ?

« Il faut voir qu'une donation est beaucoup plus intéressante pour les enfants. Quand c'est un bien immobilier, ceux qui donnent se réservent le plus souvent l'usufruit, c'est-à-dire le droit de rester dans les lieux donnés ou encore de les louer et de percevoir le loyer sa vie durant. Au décès quand l'usufruit s'éteint, il n'y a plus de droit de succession à payer. Et la valeur du bien prise en compte pour les taxes fiscales de donation dans ce cas est plus avantageuse pour les droits de donation qu'en cas de succession. Par exemple, si la personne qui donne (donateur ou donatrice) a 62 ans au jour de la donation, la valeur taxable est de 60% de la valeur du bien au moment de la donation [dans le cadre du démembrement de propriété, NDLR] au lieu de 100% de la valeur au jour du décès. »

Nathalie Couzigou-Suhas pointe un autre avantage concret : « Les parents peuvent choisir de payer les droits de donation, sans frais supplémentaires. Or, si l'on attend le décès, les droits à payer par les enfants non seulement sont plus lourds qu'en cas de donation mais ils viennent encore réduire la succession. »

La notaire conclut toutefois par une mise en garde visant les parents souhaitant donner à leurs enfants : « Il ne faut pas donner à tort et à travers car vous aurez peut-être besoin de l'argent plus tard », en anticipant les besoins en cas de perte d'autonomie.

Impôts : ce pactole que vous pouvez donner à vos enfants sans rien payer

9 - « Je suis veuf et sans descendance. Trouvez-vous normal que ma future succession, en faveur de mes neveux soit taxée à 55% ? N'y a-t-il pas d'abattement revu à la hausse en cas d'absence de descendance ? »

« Non malheureusement, l'abattement sera effectivement limité dans ce cas de figure », à moins de 8 000 euros. « Après, si ce lecteur [“Bristol”, qui a posé cette question à la fin octobre, NDLR] a moins de 80 ans et ses neveux plus de 18 ans, il peut leur faire des dons de sommes d'argent, en veillant toutefois à ne pas trop se démunir : en l'absence de descendance, il peut bénéficier de l'exonération de dons familiaux de sommes d'argent jusqu'à 31 865 euros ; par ailleurs , jusqu'au 31 décembre 2026, il peut transmettre à son neveu jusqu'à 100 000 euros exonéré pour lui permettre d'acquérir un bien dans le neuf pour y habiter ou l'affecter à l'habitation principale d'un locataire pendant au moins 5 ans. Sinon, le seul abattement entre oncle / tante et neveu et nièce est peu élevé : il est de 7967 euros et après ce seuil, il opère une taxation de 55% sur les biens et sommes reçues. »

La seule exception serait que les héritiers de « Bristol » ne se retrouvent « en représentation » : quand les parents des neveux sont décédés, les neveux bénéficient alors de l'abattement de 15 932 euros par bénéficiaire (et des taux de 35% puis 45%) dévolu en temps normal aux frères et sœurs, par représentation.

Droits de succession : abattements et taux d'imposition
Lien de parentéAbattementBarème après abattement
Entre époux ou pacsésExonération
Enfant100 000 €Barème des droits en ligne directe
Frère ou sœur15 392 €35% jusqu'à 24 430 € de part taxable
45% au-delà
Neveu ou nièce7 967 €55%
Petit-enfant1 594 €Barème des droits en ligne directe
Autre héritier ou légataire
(dont parents au-delà du 4ème degré)
1 594 €60%

A savoir : en cas d'héritage « par représentation », les barèmes et abattements sont plus avantageux.

Impôts sur l'héritage : le vrai du faux avec 5 cas pratiques de succession

« Ce qui est donné n'est plus à taxer ! »

10 - « J'ai déjà donné la nue-propriété d'appartements à mes enfants il y a 8 ans. J'ai utilisé la somme à laquelle on a droit tous les 15 ans. Si je décède ou mon épouse ou les deux, cette somme est-elle réintégrée dans la succession globale ? »

« Non. Les gens confondent. C'est une erreur très répandue : ce qui est donné n'est plus à taxer ! » coupe la notaire parisienne en réponse à notre lecteur, Krik. « En revanche, oui, l'abattement ne s'est pas encore reconstitué à 100 000 euros : il sera pleinement reconstitué dans 7 ans, 8 ans s'étant déjà passé depuis la donation. »

En clair : oui cette donation est prise en compte dans le calcul de l'abattement restant... mais vous ne payerez pas de droits de succession rétroactivement sur ce don. Uniquement sur le patrimoine restant à transmettre, après application de l'abattement restant (voir le tableau ci-dessus). En outre, si l'un des deux époux décède, la part revenant à l'autre époux sera exonérée de droits de succession. Fiscalement parlant, le fait de donner la nue-propriété à ses enfants ne peut pas être défavorable. Et cette décision sera même « favorable » aux enfants si les décès interviennent au-delà du délai de 15 ans.

Héritage, donation... Voici 10 autres questions épineuses sur les droits de succession