Patrick Vajda, Président d'honneur de l'Afcam
Patrick Vajda
Président d'honneur de l'Afcam
Association française du corps arbitral multisports
Pourquoi êtes-vous agacé d'entendre parler de niche fiscale des arbitres ?

Patrick Vajda : « L'État nous dit tous les ans depuis 2006 qu'un ministère perd de l'argent : le ministère des Affaires sociales, qui ne touche pas les cotisations sociales des arbitres. Il faut systématiquement compenser cette absence de cotisations entre ministères des Sports et Affaires sociales. »

« Un arbitre qui touche moins de 6 000 euros par an, autrement dit 98% des arbitres, ne déclare pas »

Vous évoquez là l'exonération de cotisations sociales. L'avantage porte sur deux plans : cotisations sociales et impôt sur le revenu.

P. V. : « Cet avantage est plafonné à 14,5% du PASS [plafond annuel de la Sécurité sociale], soit un peu plus de 6 500 euros [6 829,50 euros en 2025] : ainsi un arbitre qui touche moins de 6 500 euros par an, autrement dit 98% des arbitres, ne doit pas déclarer ces indemnités. »

C'est quoi ce régime fiscal très particulier des arbitres sportifs ?

« Sur les 240 000 arbitres français, 40 000 y sont de leur poche et ne sont pas du tout défrayés ! »

Combien gagne un arbitre, en moyenne ?

P. V. : « La moyenne annuelle de la rémunération est de 450 euros mais derrière cette moyenne les situations sont extrêmement variables. Sur les 240 000 arbitres français, 40 000 y vont de leur poche et ne sont pas du tout défrayés ! 40 000 autres ont uniquement des remboursements de frais sur factures. Nous sommes donc à 80 000 arbitres sans aucune indemnité, aucune rémunération. Pour les 160 000 qui touchent des indemnités d'arbitrage, elles vont de 5 euros par “jour arbitre” [soit moins de 500 euros par an, ce qui correspond à deux matchs arbitrés par week-end, le samedi et le dimanche, pendant toute l'année, NDLR] à 130 000 euros annuels pour un arbitre professionnel, qui sont eux des salariés normaux payant leurs impôts. On dénombre 350 véritables arbitres professionnels. Et uniquement quelques milliers d'arbitres dont la rémunération se chiffre en milliers d'euros par an. »

« Parler d'avantage fiscal, ce n'est ne pas connaître la situation des arbitres »

Pour les arbitres touchant une petite indemnité, celle-ci constitue-t-elle véritablement une rémunération ou une indemnité de défraiement ?

P. V. : « Les situations sont extrêmement variables. Mais prenons un exemple : les arbitres de hockey sur glace ont des tenues et des patins à plusieurs centaines d'euros, qu'ils se financent généralement eux-mêmes. Plus généralement, certains arbitres ont des déplacements prévus au dernier moment, pour cause de remplacement, ou encore à des horaires complexes, de sorte que cela leur fait perdre 1 ou 2 jours de travail non pris en compte. Dans ces conditions, parler d'avantage fiscal, ce n'est ne pas connaître la situation des arbitres. »

« Les arbitres professionnels sont eux des salariés normaux payant leurs impôts »

Le gouvernement cherche effectivement à faire des économies en taillant dans les plus de 470 niches fiscales, en insistant sur la possibilité d'économiser 8 milliards d'euros en rognant 10% de ces niches fiscales. Mais à ce stade rien n'indique que l'exonération des arbitres soit visée...

P. V. : « Au moment du vote du budget 2025 au Sénat, le groupe majoritaire a tenté d'intégrer un amendement demandant l'annulation de l'avantage fiscal des arbitres. Ce genre de manœuvre, on l'a tous les ans. Avec des relents de “ces gens-là trichent et bénéficient d'avantages fiscaux”. Ça me remue les tripes. Et tous les ans, les médias listent les niches fiscales les plus inadmissibles de la Terre, or nous sommes presque toujours cités. Sans expliquer pourquoi, historiquement, cette exonération fiscale et sociale existe. Ce n'est pas une niche ! Pour toucher 400 euros par an, il y a un boulot énorme ! »

C'est notamment le terme de « niche fiscale » que vous critiquez...

P. V. : « Quand j'entends niche fiscale, je pense optimisation fiscale. Que l'on parle de niche fiscale pour un avantage lié à de l'investissement immobilier, avec des gens qui choisissent d'investir pour défiscaliser, je comprends. Mais l'exonération des arbitres, ce n'est pas de la défiscalisation ! C'est le soutien d'un rôle peu rémunéré, voire non indemnisé, pour plus de 95% des arbitres. »

« C'est le soutien d'un rôle peu rémunéré, voire non indemnisé, pour plus de 95% des arbitres »

Dans l'annexe du budget 2025 qui liste l'ensemble des avantages surnommés « niches fiscales », Bercy estime à 7 millions d'euros le « coût budgétaire » de l'exonération fiscale, sans compter l'exonération de cotisations sociales. Sans le remettre en cause, s'il s'agissait de faire évoluer ce soutien au corps arbitral, quelle solution verriez-vous ?

P. V. : « J'ai dit à l'État, aux gouvernements successifs, que j'étais tout à fait d'accord avec l'idée de demander aux arbitres de déclarer leurs revenus et prestations, ce qui permettrait d'avoir une estimation annuelle précise non pas pour les taxer mais pour avoir une connaissance réelle de ces chiffres parfois galvaudés. Surtout qu'il existe déjà un système très simple : chaque arbitre déclare sa prestation dans une application après chaque match. Ce système existe. Le ministère des Sports a dit très bien... mais la mise en place du système vaut 600 000 à 700 000 euros. Résultat : personne ne l'a mis en place. »