Question de Krik, le 24 octobre 2025 :

« Bonjour. J'ai déjà donné la nue-propriété d'appartements à mes enfants il y a 8 ans. J'ai utilisé la somme à laquelle on a droit tous les 15 ans. Si je décède, ou mon épouse, ou les deux... cette somme est-elle réintégrée dans la succession globale ? Cordialement. »

Bonjour Krik et merci pour votre question. Tout d'abord, même si vous, Krik, vous semblez parfaitement l'avoir compris, précisons pour l'ensemble des lecteurs le principe de la donation de la nue-propriété à vos enfants. Cela signifie qu'ils sont nus-propriétaires, partiellement ou entièrement, de vos appartements. Des biens immobiliers dont vous semblez avoir gardé l'usufruit : vous les gérez, vous les louez (c'est une déduction à la lecture de votre question), mais ces appartements leur appartiennent.

On parle de « démembrement » : vous pouvez ainsi « donner la nue-propriété (propriété grevée d'usufruit) à un enfant et vous réserver l'usufruit (il garde ainsi le droit d'habiter le bien donné ou de le louer) », pour citer le Conseil supérieur du notariat.

« Une donation est beaucoup plus intéressante pour les enfants »

Pourquoi donner la nue-propriété est une stratégie successorale intéressante ?

Dans une optique successorale, et si vous avez un patrimoine immobilier conséquent, ce qui semble être le cas pour ce lecteur, Krik, alors cette donation ne peut pas être une mauvaise opération explique la notaire parisienne Nathalie Couzigou-Suhas : « Il faut voir qu'une donation est beaucoup plus intéressante pour les enfants. Quand c'est un bien immobilier, ceux qui donnent se réservent le plus souvent l'usufruit, c'est-à-dire le droit de rester dans les lieux donnés ou encore de les louer et de percevoir le loyer sa vie durant. Au décès quand l'usufruit s'éteint, il n'y a plus de droit de succession à payer [si la donation a été effectuée plus de 15 ans en amont, NDLR]. Et la valeur du bien prise en compte pour les taxes fiscales de donation dans ce cas est plus avantageuse pour les droits de donation qu'en cas de succession. Par exemple, si la personne qui donne (donateur ou donatrice) a 62 ans au jour de la donation, la valeur taxable est de 60% de la valeur du bien au moment de la donation [dans le cadre du démembrement de propriété, voir le tableau ci-dessous, NDLR] au lieu de 100% de la valeur au jour du décès. »

Âge de l'usufruitier au moment de la donation
Moins de...

Valeur de la nue-propriété retenue pour le calcul des droits de donation

21 ans révolus

10 %

31 ans révolus

20 %

41 ans révolus

30 %

51 ans révolus

40 %

61 ans révolus

50 %

71 ans révolus

60 %

81 ans révolus

70 %

91 ans révolus

80 %

Plus de 91 ans révolus

90 %

Source : article 669 du Code général des impôts

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Comment la donation de la nue-propriété sera-t-elle intégrée dans la succession ?

Suite à ce long préambule, revenons à la question centrale de Krik : « Si je décède, ou mon épouse, ou les deux... cette somme [sous-entendue la somme donnée, NDLR] est-elle réintégrée dans la succession globale ? »

« Non. Les gens confondent. C'est une erreur très répandue : ce qui est donné n'est plus à taxer ! » coupe la notaire Me Couzigou-Suhas. Son propos est ainsi d'insister sur le fait que le fisc ne revient pas sur une donation réalisée par le passé pour faire payer des droits de succession à vos enfants. En ce sens, « ce qui est donné n'est plus à taxer » : si la donation avait due être fiscalisée, elle l'aurait été au moment de la donation.

« L'abattement ne s'est pas encore reconstitué à 100 000 euros »

« En revanche, oui, l'abattement ne s'est pas encore reconstitué à 100 000 euros », poursuit la notaire. Donc, oui, en cas de décès intervenant dans les 15 années suivant la donation, la somme donnée est prise en compte dans le calcul de l'abattement restant, et joue ainsi un rôle sur les droits de succession que le Trésor public va ponctionner sur l'héritage revenant à vos enfants, conformément au barème ci-dessous.

Cet abattement de 100 000 euros sur les droits de succession pour chaque enfant « sera pleinement reconstitué dans 7 ans, 8 ans s'étant déjà passé depuis la donation ». En cas de décès plus de 15 ans après la donation, alors chaque enfant bénéficiera à nouveau d'un abattement de 100 000 euros, et ce même s'il possède déjà la nue-propriété des appartements donnés.

Droits de succession : abattements et taux d'imposition
Lien de parentéAbattementBarème après abattement
Entre époux ou pacsésExonération
Enfant100 000 €Barème des droits en ligne directe
Frère ou sœur15 392 €35% jusqu'à 24 430 € de part taxable
45% au-delà
Neveu ou nièce7 967 €55%
Petit-enfant1 594 €Barème des droits en ligne directe
Autre héritier ou légataire
(dont parents au-delà du 4ème degré)
1 594 €60%

A savoir : en cas d'héritage « par représentation », les barèmes et abattements sont plus avantageux.

Rappel : pas de droits de succession entre conjoints survivants

« Si je décède, ou mon épouse, ou les deux », précise Krik... Sans entrer dans son cas particulier, puisque nous ne savons pas s'il existe un testament ou non, notamment, un rappel d'importance : si l'un des deux époux décède, la part revenant à l'autre époux sera exonérée de droits de succession. Si l'un ou l'autre décède, la majeure partie du patrimoine revient à l'autre conjoint, et ce sans aucuns frais de succession.

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