Les marchés : Lecornu fait trembler le CAC

La Bourse de Paris marque un net coup d'arrêt. Après une semaine euphorique, le CAC 40 décroche de 1,36% et retombe à 7 972 points (jusqu'à -2,1% ce matin). En cause, la démission surprise du Premier ministre Sébastien Lecornu, à peine 14 heures après avoir présenté son équipe gouvernementale. Ce départ inattendu a ravivé le spectre de l'instabilité politique en France, refroidissant brutalement l'appétit des investisseurs.

Face à ce spectacle consternant, la réaction des marchés a été immédiate. Les banques françaises accusent le coup, entraînant dans leur sillage l'ensemble du marché. Côté obligations, le taux d'emprunt de référence de la France a bondi au-dessus de celui de l'Italie, un symbole rare de perte de confiance. L'écart continue de se creuser avec l'Allemagne, référence européenne en matière de stabilité. Le spread (voir lexique) atteint désormais 88 points, au plus haut depuis janvier.

Les investisseurs redoutent un effet domino sur la politique budgétaire et économique française. Dans ce climat d'incertitude, les valeurs refuges reprennent la main. L'or grimpe, porté par la demande accrue des banques centrales et la crainte d'une perte de crédibilité monétaire. Même les cryptomonnaies, pourtant chahutées ces derniers mois, profitent du regain de nervosité et apparaissent à nouveau comme une couverture face à l'instabilité politique et aux dérives budgétaires.

À Wall Street, l'ambiance est bien différente. Les indices américains évoluent dans le vert, toujours soutenus par l'essor des valeurs technologiques et les espoirs de baisse prochaine des taux. Les récents signes d'un ralentissement du marché du travail nourrissent ce scénario. Même la fermeture partielle des administrations fédérales depuis six jours n'entrave pas l'élan du marché américain.

Les valeurs : les bancaires, Stellantis et SEB

Les bancaires. La démission de Sébastien Lecornu a fait vaciller les actions françaises ce lundi. En première ligne, les banques, dont les cours ont brutalement décroché à la Bourse de Paris. Société générale (-4,23%), Crédit agricole (-3,43%) et BNP Paribas (-3,21%) signent les plus fortes baisses de l'indice. Elles ont toutefois limité la casse cet après-midi, après une chute matinale de plus de 6% pour Sogé.

Les banques réagissent toujours plus fortement que les autres secteurs aux chocs politiques. L'activité bancaire, étroitement liée à la santé économique du pays, pourrait souffrir d'un ralentissement de la croissance et d'une demande de crédit en berne. Autre motif d'inquiétude : les tensions sur la dette française. Le taux de l'OAT à dix ans est monté à 3,61%, renchérissant le coût de refinancement des établissements bancaires.

Les banques restent néanmoins solides. Leur exposition à la dette souveraine française est aujourd'hui limitée à 4% de leurs actifs, et leurs résultats demeurent robustes après une année de forte rentabilité. Depuis janvier, Société générale s'envole toujours de 105% en Bourse, BNP Paribas de 40% et Crédit agricole de 31%. Pour le moment, les investisseurs semblent profiter de la crise politique pour prendre quelques bénéfices. Un repli de circonstance donc, plus qu'un véritable signe de fragilité du secteur.

Stellantis. En gain de 3,48% à 9,32 euros, Stellantis est le seul véritable rescapé du CAC ce soir. Jeudi dernier, nous vous parlions de son bond de plus de 8%, après des ventes en hausse aux États-Unis. Ce lundi, le constructeur auto fait à nouveau parler de lui, car il s'apprête à renforcer massivement sa présence outre-Atlantique.

Selon Bloomberg, Stellantis prévoit en effet d'investir aux États-Unis dix milliards de dollars, dont cinq milliards supplémentaires pourraient être annoncés dans les prochaines semaines. Ces fonds serviront à moderniser ou rouvrir des usines, notamment dans l'Illinois et le Michigan, et à relancer la production de nouveaux modèles.

Ébranlé l'an dernier par une chute de ses ventes locales, Stellantis cherche à reprendre pied sur son marché nord-américain, crucial pour sa rentabilité. Le groupe, qui révise actuellement sa stratégie à moyen terme, doit en dévoiler les grandes lignes lors de sa prochaine Journée Investisseurs. Son directeur général, Antonio Filosa, conduit une réévaluation complète des investissements futurs, signe que la reconquête américaine est désormais au cœur de la feuille de route. Depuis le début de l'année, le titre cède plus de 26%.

SEB. Le groupe Seb s'effondre en Bourse, chutant de 21,42% à 51,9 euros, pour une baisse de près de 40% depuis le début de l'année, après avoir une nouvelle fois abaissé ses objectifs 2025. Le fabricant de petit électroménager (Tefal, Moulinex, Krups...) vise désormais un résultat opérationnel compris entre 550 et 600 millions d'euros, contre 700 à 750 millions auparavant, et des ventes au mieux stables.

Seb justifie cette révision par une demande plus faible qu'anticipé en Europe, un ralentissement aux États-Unis et un attentisme des distributeurs, malgré de bonnes performances en Asie et en Amérique du Sud. Le groupe reconnaît que le mois de septembre, pourtant crucial avant la haute saison, s'est révélé décevant, l'obligeant à adopter une approche plus prudente.

Cette annonce marque la deuxième alerte en deux mois, après un premier avertissement lié aux droits de douane américains. Pour les bureaux d'études, cette nouvelle coupe dans les objectifs souligne la difficulté du groupe à redresser la barre, alors que la seconde moitié de l'année représente traditionnellement 70% du bénéfice annuel. Seb publiera ses chiffres du troisième trimestre le 23 octobre, une date désormais très attendue par ses actionnaires.

Le monde d'après : deal hors norme

La fièvre de l'intelligence artificielle continue d'animer Wall Street. OpenAI (Chat GPT) a annoncé ce lundi une commande colossale de processeurs graphiques auprès d'AMD, pour une capacité équivalente à 6 gigawatts, soit la puissance de quatre réacteurs nucléaires de dernière génération. Ces puces équiperont les futurs data centers d'OpenAI à partir de 2026.

Si le montant du contrat n'a pas été dévoilé, Bloomberg évoque des dizaines, voire des centaines de milliards de dollars. Une telle commande repositionne clairement AMD comme un rival crédible de Nvidia, jusque-là largement dominant sur le marché des puces d'IA. L'accord va plus loin qu'un simple partenariat technologique. OpenAI deviendra également actionnaire d'AMD, via des instruments dérivés lui donnant droit jusqu'à 160 millions d'actions, soit plus de 34 milliards de dollars au cours actuel.

En Bourse, la réaction ne s'est pas fait attendre, le titre AMD s'envole de plus de 30% à l'ouverture, soutenu par cette annonce historique. Pour AMD, c'est une double victoire : un contrat massif et une légitimation dans la course mondiale à la puissance de calcul.

Mais derrière ces chiffres vertigineux, certains bureaux d'analyse commencent à s'interroger sur les liens de plus en plus concentrés entre les géants de l'IA. Après les 100 milliards de dollars investis par Nvidia dans OpenAI, dont une partie revient ensuite à Nvidia via ses ventes de puces, ce nouveau contrat alimente le débat sur une bulle d'autofinancement dans la tech. L'IA continue d'attirer des capitaux colossaux.

L'agenda du lundi : une semaine étonnante

Cette semaine devrait être dominée par la crise politique en France. Le CAC 40 et les autres indices européens vont continuer de réagir à ses développements, d'autant que l'actualité économique américaine s'annonce limitée. Le shutdown entraîne, en effet, la fermeture de plusieurs administrations chargées de publier les statistiques officielles. Une semaine donc assez singulière s'ouvre sur les marchés... Deux rendez-vous sont néanmoins attendus jeudi : LVMH publiera ses résultats du troisième trimestre, tandis que la BCE dévoilera le compte rendu de sa dernière réunion de politique monétaire.

Demain à la une : les niveaux à suivre

Aucune publication majeure n'est attendue demain. Comme aujourd'hui, les marchés devront se passer des volumes chinois (jours fériés). Après la forte volatilité de ce lundi, quels sont les niveaux à surveiller sur le CAC 40 ? À court terme, les acheteurs devraient viser en priorité les 8 000 et 8 050 points par extension. Et les vendeurs, les 7 925 et 7 865 points. Clairement, les développements politiques devraient être déterminants pour le CAC dans les prochains jours.

Le lexique : le spread

Le spread France-Allemagne désigne l'écart de rendement entre les obligations d'État françaises (OAT) et allemandes (Bund) de même maturité, généralement à 10 ans. Il mesure la prime de risque exigée par les investisseurs pour détenir de la dette française plutôt que la référence allemande, considérée comme la plus sûre de la zone euro. Un écart de 80 points de base constitue un seuil critique, étroitement surveillé par les investisseurs.