« L'Etat sollicite des efforts aux assureurs, mais ne leur facilite pas la vie, estime Jérémie Viscuso, directeur Général d'Active Assurances au sein du Groupe Meilleurtaux. Revoir la Loi Hamon, ce serait très bien pour accompagner les demandes de modération tarifaire. » Dans le viseur de l'expert, la liberté offerte aux assurés de choisir leur réparateur automobile, quel que soit le sinistre. Cette disposition du texte de l'ancien candidat à la présidentielle voté en 2014, qui complète la résiliation à tout moment de l'assurance auto après la première année de souscription, contribue à l'inflation régulière des prix.

Collectivement, « les assureurs ne souhaitent pas remettre en cause la liberté de choix du réparateur, tempère auprès de MoneyVox Franck Le Vallois directeur général de France Assureurs. Ils souhaitent mettre un terme à des offres commerciales démentielles. » Il estime en effet, que certaines pratiques ont dénaturé la loi d'origine. En clair, il faut remettre de l'ordre. « Tout le monde prend conscience que l'assurance va augmenter fortement dans les années à venir », expose Christophe Dandois, le fondateur de l'insurtech Leocare.

« Mettre fin à la surfacturation des réparateurs automobiles »

Le sujet est pris au sérieux par la députée de la Nièvre Perrine Goulet. L'élue Modem a déposé une proposition de loi pour « mettre fin à la surfacturation des réparateurs automobiles. » Celle-ci pourrait être votée en janvier et est accueillie favorablement par un secteur qui nie en être à l'origine.

Dans le viseur des élus et des professionnels, les garages qui gonflent artificiellement la note. Les dispositions de la Loi Hamon ont permis une liberté de concurrence entre les acteurs du secteur, note l'élue dans l'exposé des motifs de son texte. Mais, « certains réparateurs offrent des cadeaux avec leur prestation. Cette pratique commerciale engendre une surfacturation auprès des assureurs et, ainsi, une hausse du coût des assurances automobiles auprès des assurés. » Son ambition ? « Que l'assuré conserve sa liberté sans tirer profit de la réparation d'un sinistre », explique Perrine Goulet. La valeur des cadeaux et des offres commerciales serait ainsi encadrée à 5% de la note finale.

« Ce sont des pratiques dignes du Far West. Au final, les assurés paient »

« Playstation, trottinettes électriques, iPad... Limiter l'usage de cadeaux me semble essentiel, confirme Jérémie Viscuso qui dénonce au passage des fraudes en constante hausse avec des dommages parfois surévalués. Selon lui, lors d'un sinistre, les dégâts ne peuvent pas être simplement justifiés par des photos envoyées par l'assuré à son assureur. Le passage de l'expert doit être la norme. »

« Ce sont des pratiques dignes du Far West. Au final, c'est bien la communauté des assurés qui paie, c'est-à-dire vous et moi à travers nos cotisations, les agissements très contestables de quelques réparateurs », souligne Franck Le Vallois.

Fraude à l'assurance auto : « Nous avons affaire à une criminalité organisée qui communique sur les réseaux sociaux »

Pousser les assurés vers les garages agréés

« Je suis contre les cadeaux pour une réparation ! La prise en charge de la franchise et ces travaux sont payés par les assurés qui voient au final leurs primes augmenter. C'est un enjeu majeur de pouvoir d'achat », pointe Christophe Dandois. En effet, la hausse moyenne des primes sera de 7% en 2024.

« Un réseau de garages agréés permet une tarification plus fiable et des notes moins salées pour les assureurs », rappelle aussi Jérémie Viscuso qui souligne que certains font le choix d'être des partenaires de référence des assureurs. Chaque compagnie a sa propre liste que l'on trouve sur le site Internet avec une grille tarifaire correspondante. Chez Leocare, on oriente les clients vers un garage agréé dans 60% des cas. En parallèle, les assureurs développent l'utilisation de pièces de réemploi, ou de seconde main pour des « clients motivés », assure Jérémie Viscuso.

Des Playstation, des iPad et beaucoup de fraudes

Du cadeau à la fraude, il n'y a qu'un pas. Un assureur évoque ce garage qui offre une Switch chaque mois de décembre et change les pare-brises à la chaine, juste avant Noël. Selon les données de l'association professionnelle SRA, les prix des réparations automobiles sont d'ailleurs plus élevés dans les départements où les actes de vandalisme sont les plus nombreux.

L'Agence pour la Lutte contre la Fraude à l'Assurance (Alfa), l'association qui aide les assureurs à lutter contre la criminalité organisée, souligne que « ces données corroborent leurs constatations en termes de fraudes. Nous travaillons sur certains garages ou réseaux de garages pour mieux comprendre leur fonctionnement. Nous avons par exemple remarqué qu'ils communiquent sur les réseaux sociaux pour recruter des clients. Des garages se sont aussi spécialisés dans la réparation des vandalismes. »

Et qui appliqueraient des tarifs de réparations bien plus élevés que la moyenne. « Il nous semble important de renforcer l'information des assurés sur ces pratiques et leurs conséquences, rappelle Maxence Bizien, directeur général d'Alfa. Finalement, le coût de ces fraudes est supporté par tous les assurés qui voient les primes augmenter. » Comme pour les cadeaux et les factures gonflées.