« Renoncer à l'article 49.3 » qui permet au gouvernement de faire adopter des textes sans vote, « ne doit pas nous faire renoncer à ce que la France ait un budget au 31 décembre », a affirmé le Premier ministre lors d'une prise de parole sur le perron de Matignon.

« Dès lors que le gouvernement ne peut plus être en situation d'interrompre les débats, il n'y a donc plus aucun prétexte pour que ces débats (parlementaires) ne démarrent pas la semaine prochaine », a-t-il lancé à l'adresse des oppositions. « Il faut que chaque député puisse avoir du pouvoir » et « puisse prendre ses responsabilités ».

Il a précisé qu'il prononcerait bien un discours de politique générale après avoir présenté « dans les prochains jours » son gouvernement. La présidente de l'Assemblée national Yaël Braun-Pivet a salué sur X « cet acte de confiance envers la représentation nationale » et appelé chaque parlementaire « au débat apaisé et constructif ».

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Comment vont réagir les oppositions ? Le chef de file des députés socialistes Boris Vallaud n'a pas semblé juger suffisant, le renoncement au 49.3, qui est pourtant une promesse de son parti si la gauche était nommée à Matignon. Le gouvernement dispose d'autres outils constitutionnels pour « caporaliser » le Parlement, a-t-il affirmé, en regrettant que Sébastien Lecornu ne propose « aucun » compromis.

« Raide » de censurer

La décision du Premier ministre, présentée par ce dernier comme une « rupture », pourrait néanmoins infléchir le calendrier d'une éventuelle censure. Le patron du Parti communiste Fabien Roussel trouverait ainsi « raide » de censurer d'emblée un gouvernement qui renonce à utiliser le 49.3 alors que c'est une proposition « défendue » par la gauche et qui « rend la balle » au Parlement.

Eric Coquerel, rapporteur LFI du budget à l'Assemblée nationale, où la gauche vient de perdre des postes dans les instances au profit du RN et de la droite et du centre, a estimé que cette « alliance macronistes/RN à l'Assemblée » va « se poursuivre pendant le budget » et qu'il « faut censurer tout ça ».

Si le nouveau locataire de Matignon ne parvient pas à dissuader le PS d'une censure, promise déjà par tous les autres partis de gauche, son sort se retrouverait entre les mains de l'extrême droite. Le RN détient le plus gros groupe à l'Assemblée nationale, où Sébastien Lecornu, comme ses prédécesseurs, reste privé de majorité.

Marine Le Pen, la cheffe de file des députés RN, est arrivée à Matignon sans Jordan Bardella. Olivier Faure, premier secrétaire du PS, est attendu à 10H30 avant Les Ecologistes et le PCF. LFI a de son côté toujours refusé de rencontrer Sébastien Lecornu. Jeudi, les responsables socialistes ont battu le pavé avec les syndicats pour tenter de peser sur le budget, en réclamant une nouvelle fois davantage de « justice sociale ». Les défilés ont été plus clairsemés que ceux du 18 septembre.

« En deça »

Pendant cette journée de mobilisation, Sébastien Lecornu a suggéré de nouvelles mesures en faveur des salariés (défiscalisation et allègement des charges sociales sur les heures supplémentaires, rétablissement de certaines dispositions de la prime Macron...), après avoir promis de reprendre une disposition pour les femmes issue du conclave sur les retraites.

Mais il a écarté leurs principales revendications : la taxe Zucman sur les hauts patrimoines, le rétablissement de l'Impôt sur la fortune (ISF) ou la suspension de la réforme des retraites. « C'est très en deçà de ce que nous attendons », a réagi jeudi le patron du PS Olivier Faure, qui souhaite encore « donner sa chance » au Premier ministre vendredi.

Echaudés par l'échec du conclave sur les retraites, après que son lancement avait permis à l'ex-Premier ministre François Bayrou d'obtenir la neutralité du PS, les socialistes attendent un « changement majeur d'orientation » du futur gouvernement. Sébastien Lecornu ne veut pas non plus perdre la droite dans sa fragile coalition gouvernementale.

Mais le patron des Républicains et ministre démissionnaire de l'Intérieur Bruno Retailleau, qui a échangé longuement jeudi avec lui, a prévenu qu'« à ce stade, la participation de la droite au gouvernement n'est pas acquise du tout ». Si le compromis n'est pas possible avec les socialistes, le Premier ministre se tournera-t-il vers le RN comme Michel Barnier à la fin de l'année dernière ?

A l'Elysée, on considère que le RN se range désormais comme LFI du côté du « dégagisme » et qu'il est hors de question de rechercher des accords avec lui, selon un proche du président. Le parti d'extrême droite reste flou sur ses intentions, indiquant qu'il ne prendra position qu'après la déclaration de politique générale que Sébastien Lecornu.