À ce stade, la suppression de l'abattement fiscal de 10% sur les pensions de retraite n'est qu'une suggestion, « à titre personnel », du président du Conseil d'orientation des retraites Gilbert Cette, reprise avec entrain par le président du Medef Patrick Martin. Mais en à peine quelques jours, cette suggestion s'est imposée au cœur du début budgétaire naissant. Les discussions sont en effet en cours au ministère de l'Economie et des Finances pour relancer la navette parlementaire du projet de loi de finances pour 2025. Et la quête d'économies n'a pas disparu.

Retraites : suppression de l'abattement de 10% sur la déclaration d'impôts, voici les perdants

Supprimer cet avantage fiscal bénéficiant à tous les retraités permettrait au fisc d'économiser 4,54 milliards d'euros. Forcément, tous les retraités payant déjà l'impôt sur le revenu seraient perdants : cette mesure serait bel et bien synonyme de hausse d'impôt pour tous les retraités imposables. Les seuls retraités n'y perdant pas sont les foyers non imposables.

Et encore. Certains foyers actuellement non imposables et dont le revenu fiscal de référence (RFR) tourne aujourd'hui autour de 17 000 euros risqueraient de devenir imposables. Concrètement, combien payeriez-vous en plus ? MoneyVox a fait chauffer la calculette.

Combien d'impôt en plus en cas de suppression de l'abattement fiscal de 10% des retraités ?
Foyer fiscalRevenus annuels déclarésImpôt actuelImpôt après suppression de l'abattement
Retraité seul14 400 €
(soit 1 200 € par mois)
Retraité seul18 500 €
(soit 1 542 € par mois)
0 €272 € environ
Retraité seul19 944 €
(soit 1 662 € par mois)
190 €510 € environ
Retraité seul24 000 €
(soit 2 000 € par mois)
774 €1 155 € environ
Couple de retraités19 944 € chacun
(soit 1 662 € par mois chacun)
682 €1 320 € environ

Source : simulateur officiel sur impots.gouv.fr + simulations MoneyVox avec des RFR équivalents aux revenus annuels déclarés pour mesurer l'impact de la suppression de l'abattement.
Précision : situations simplifiées. Sans aucune autre déduction ni abattement fiscal.

320 euros de hausse d'impôt pour une retraite « moyenne »

Ces simulations, qui complètent les estimations plus globales réalisées avec une autre méthodologie par l'économiste de l'OFCE Pierre Madec, montrent que la disparition de cet avantage fiscal contraindrait les retraités à payer plusieurs centaines d'euros d'impôt par an en plus.

Y compris pour des retraités touchant la pension moyenne (1 662 euros net mensuel, base + complémentaire, selon la Drees) : 320 euros d'impôt supplémentaires dans ce cas ! Et un taux de prélèvement à la source qui bondirait de 1% à 2,3%, le prélèvement mensuel passant à environ 36 euros par mois contre 17 euros actuellement pour ce retraité « moyen ».

Précision : le complexe mécanisme fiscal de la décote permet de modérer l'impôt des foyers modestes. En touchant à l'abattement de 10% pour les retraités, les foyers bénéficiaires en profiteraient beaucoup moins, raison pour laquelle la hausse d'impôt paraît aussi importante les concernant.

Qui sont les retraités non imposables risquant de devenir imposables ?

Prenons le cas du retraité célibataire touchant 1 542 euros par mois, déclarant donc 18 500 euros par an. Aujourd'hui, il ne paie pas d'impôt sur le revenu. Il profite pleinement du mécanisme de la décote, qui annule son impôt « théorique ». Mais il est « à la lisière » de l'entrée dans le barème. En supprimant l'abattement fiscal de 10% sur les pensions, ce retraité vivant seul payerait 272 euros d'impôt sur le revenu.

À l'image de cet exemple théorique, ce sont tous les retraités dont le « revenu fiscal » (plus précisément le revenu net imposable, notion proche du RFR) est légèrement inférieur à 17 144 euros (pour une personne seule, 28 438 euros pour un couple) qui risquent de commencer à payer l'impôt sur le revenu en cas de suppression de l'abattement. Aujourd'hui, ces foyers ne paient pas l'impôt. Sans l'abattement, ils le payeraient.

L'effet pervers de la décote (voir l'encadré ci-dessus) et la bascule de nombreux foyers dans l'impôt sur le revenu laissent à penser que, si jamais cet abattement était supprimé, le gouvernement devrait probablement atténuer ces effets de bord.

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