Les marchés : des actus fortes malgré Thanksgiving
Le CAC 40 termine la séance à l'équilibre : +0,04% à 8 099 points. Une séance de surplace, typique d'un marché sans sa boussole américaine, Wall Street étant fermée pour Thanksgiving. Quelques poids lourds du CAC ont tout de même tenté d'animer les échanges, dont Pernod Ricard (+2%), BNP Paribas (+1,4%) et Renault (+1,2%). Mais les reculs d'Hermès (-1,8%) et Kering (-0,9%) ont suffi à étouffer tout véritable mouvement.
À la veille d'un week-end prolongé pour les opérateurs américains, les marchés US ont toutefois donné hier un dernier coup d'accélérateur. Wall Street a, en effet, signé une quatrième séance de hausse consécutive, soutenue par la conviction grandissante qu'une nouvelle baisse de taux de la Fed pourrait être annoncée le 10 décembre. En clair, tant que ce scénario demeure crédible, le marché reste orienté à la hausse. Ce sentiment a été renforcé par la publication du Livre Beige hier soir, un rapport de la Fed diffusé huit fois par an qui résume l'état de l'économie américaine.
Le document met en avant une prudence croissante des employeurs américains, moins enclins à embaucher, un signe d'accalmie sur le marché du travail. Or, une économie qui ralentit sans se contracter trop vite constitue précisément le contexte recherché par la Fed pour justifier une baisse des taux. Nous vous en parlions hier, les marchés attribuent désormais une probabilité de 85% à une baisse de 0,25% en décembre. De quoi maintenir un certain optimisme... même pendant la pause de Thanksgiving.
Les valeurs : Trigano, Rémy Cointreau et Transgene
Trigano. Le spécialiste des camping-cars a publié des résultats annuels en ligne avec ce que le marché attendait. L'activité a reculé cette année, notamment parce que le groupe a eu du mal à vendre ses véhicules et a dû faire des promotions pour réduire ses stocks. Cela a fait baisser ses marges et ses profits, qui chutent nettement par rapport à l'an dernier. En revanche, la bonne surprise vient de sa génération de trésorerie de 523 millions d'euros, bien meilleure qu'attendu, justement grâce à la diminution des stocks en promotion.
La société affiche désormais une situation financière solide avec une trésorerie en nette amélioration à 279 millions d'euros. Pour 2026, Trigano ne donne pas d'objectifs précis, mais prévoit une forte reprise de ses ventes et de ses résultats, portée par un carnet de commandes bien rempli et le succès annoncé de plusieurs de ses modèles.
Les bureaux d'analyse s'attendent à un retour de la croissance l'an prochain, avec une rentabilité en hausse et une valorisation boursière jugée encore attractive. Ces perspectives optimistes ont fait bondir le titre en Bourse : +15,97% à 171,40 euros, en tête du SBF 120 ce jeudi (+38% en 2025).
Rémy Cointreau. Ce n'est pas intuitif ! Rémy Cointreau, connu pour ses cognacs et liqueurs, a publié des résultats en nette baisse pour la première moitié de son exercice 2025-2026. Les ventes souffrent d'un marché difficile en Chine et d'une reprise trop lente aux États-Unis. Le bénéfice comme la marge ont reculé, mais ces résultats étaient déjà attendus par le marché. Malgré cette mauvaise publication, l'action monte en Bourse !
Les investisseurs réagissent surtout aux premières déclarations du nouveau directeur général, Franck Marilly. Il affirme vouloir relancer la croissance dès le second semestre et dit avoir identifié plusieurs pistes pour rendre l'entreprise plus performante. Il mise notamment sur la force des marques du groupe, une meilleure organisation et des innovations répondant aux attentes des consommateurs. Pour l'heure, ces annonces restent encore floues et la visibilité du marché des spiritueux demeure limitée. Mais ce regain de confiance semble suffire pour rassurer les marchés et soutenir le titre. L'action gagne 2,62% à 39,12 euros et entraîne son concurrent Pernod Ricard (+1,99% à 77,76 euros), en tête du CAC 40. Depuis le début de l'année, Rémy Cointreau cède toutefois 32% à la Bourse de Paris.
Transgene. Coup dur pour la biotech française. Son action plonge aujourd'hui de 20,59% à 1,08 euro. Transgene vient de lever 105 millions d'euros pour financer ses futurs projets. Pour y parvenir, elle a émis un très grand nombre de nouvelles actions à un prix inférieur à celui du marché, ce qui réduit automatiquement la valeur de celles déjà émises.
Derrière cette chute, l'entreprise éligible au PEA-PME assure qu'elle a désormais assez d'argent pour se développer sereinement pendant plusieurs années et accélérer ses recherches, notamment contre certains cancers. Les grands actionnaires historiques ont remis de l'argent au pot pour soutenir le projet, mais la dilution des actions sera lourde. Et il faudra du temps pour que la confiance revienne... Depuis le début de l'année, l'action progresse tout de même de 60%.
Le monde d'après : dopez votre portefeuille
C'est une première mondiale et un sacré pari pour Wall Street. Enhanced est l'organisateur des très controversés Enhanced Games : des compétitions sportives où l'usage du dopage est officiellement autorisé, et même encouragé. Le groupe s'apprête à faire son entrée au Nasdaq via une fusion avec une SPAC (voir lexique). L'objectif affiché est de lever 200 millions de dollars et d'atteindre une valorisation d'1,2 milliard. Fondée en 2023, Enhanced assume vouloir « remettre en question les normes sportives traditionnelles ». C'est le moins que l'on puisse dire !
Le groupe veut permettre aux athlètes de concourir boostés, dans le cadre des lois américaines. Les premiers Enhanced Games, prévus en 2026 à Las Vegas, proposeront trois disciplines (natation, athlétisme et haltérophilie) et des primes inédites : 250 000 dollars par victoire, jusqu'à 1 million en cas de record du monde. Plusieurs athlètes confirmés ont déjà annoncé leur participation, attirés par la promesse de gains faramineux plutôt que par les valeurs olympiques. On est loin de l'esprit Coubertin.
Clairement, ça n'amuse pas le monde du sport. Les fédérations et autorités antidopage dénoncent une « négation totale de l'esprit sportif » et menacent notamment les athlètes français de sanctions disciplinaires s'ils participent à ces jeux. Sur les marchés, ce dossier soulève un débat plus large : dans le monde d'après, où la frontière entre innovation, provocation et quête de profits se brouille, Enhanced teste les limites de ce que la Bourse est prête à cautionner. Une SPAC, du dopage, Las Vegas et un milliard de valorisation : la finance ne pouvait rêver d'un cocktail plus explosif !
Demain à la Une : inflation et le pont de Thanksgiving
Comme ce jeudi, une petite séance nous attend demain. Wall Street ne rouvrira ses portes que pour une demi-journée, et la plupart des opérateurs américains devraient faire le pont de Thanksgiving. En Europe, les investisseurs suivront cependant les derniers chiffres d'inflation français et allemands, ainsi que la révision du PIB du troisième trimestre de la France.
Plus largement, les prochaines séances devraient surtout être animées par les spéculations autour de la réunion de la Fed des 9 et 10 décembre prochains, dont on vous parle souvent, et par les négociations de paix autour du conflit russo-ukrainien. On en reparle demain soir !
Le lexique : SPAC
Une SPAC, ou « Special Purpose Acquisition Company », est une société créée sans activité commerciale. Elle entre en Bourse simplement pour collecter de l'argent auprès d'investisseurs, avec une promesse : utiliser ces fonds pour acheter plus tard une entreprise déjà existante. Lorsqu'une SPAC trouve une société à racheter, celle-ci rejoint automatiquement la Bourse sans avoir à suivre tout le processus long et coûteux d'une introduction classique.
C'est donc un moyen plus rapide pour une entreprise de devenir cotée, et pour les investisseurs, une façon de parier sur la qualité future de la société qui sera choisie. Cependant, comme aucune entreprise n'est connue au moment de l'investissement, cette pratique comporte une grande part d'incertitude. Pendant la période du Covid, de nombreuses SPAC lancées dans l'euphorie de 2020-2021 se sont soldées par de lourds échecs, soit parce qu'elles n'ont jamais trouvé de société à acquérir, soit parce que la valeur des entreprises issues de ces fusions a ensuite fortement chuté.






















