« Partout en Europe - et jusqu'au Japon - les obligations longues sont sous pression, ravivant le souvenir douloureux de la crise de la dette de 2011 », souligne John Plassard, responsable de la stratégie d'investissement chez Cité Gestion Private Bank.

Au Japon, jamais les investisseurs n'auront réclamé une telle rémunération pour détenir de la dette nippone : le rendement de l'emprunt japonais à échéance 30 ans a touché un record à 3,288%. « Les investisseurs s'inquiètent de l'instabilité politique après qu'un acteur clé, soutien du Premier ministre japonais Ishiba, a annoncé qu'il démissionnerait de son poste de secrétaire général du Parti libéral-démocrate si Ishiba acceptait certaines conditions », commente Patrick Munnelly, stratégiste de Tickmill Group.

Aux Etats-Unis, le rendement de l'emprunt américain à 30 ans flirtait avec le seuil psychologique de 5%.

En Europe, le rendement du gilt britannique, à 30 ans également, « est monté à un plus haut depuis 1998, et en France, le rendement du 30 ans (OAT) a bondi à 4,5% pour la première fois depuis 2009 », mardi à la clôture du marché obligataire, relève Ipek Ozkardeskaya, analyste de Swissquote Bank.

La dette publique inquiète

Ce mouvement de vente est « alimenté par plusieurs facteurs : inquiétudes liées à l'envolée de la dette souveraine (des Etats), obstacles politiques à l'assainissement budgétaire - la France en étant un exemple frappant -, et pressions inflationnistes structurellement plus fortes après les perturbations liées au Covid et la guerre commerciale en cours », explique l'analyste de Swissquote Bank.

En France, le Premier ministre François Bayrou se soumettra lundi à un vote de confiance devant les députés, qui semble toutefois perdu d'avance. L'instabilité politique risque de laisser le pays dépourvu de budget pour 2026 pendant plusieurs mois, alors que la dette publique représente près de 114% de son PIB, la troisième plus importante de la zone euro derrière la Grèce et l'Italie.

« La vulnérabilité de la dette publique mondiale de long terme est attribuée à l'ampleur des dépenses publiques, qui nécessite une augmentation des émissions obligataires pour être financées, ainsi qu'à un déficit général de confiance envers la dette souveraine », explique Patrick Munnelly.

Or, des rendements plus élevés renchérissent le coût du crédit pour les Etats, mais aussi pour les entreprises, ce qui pèse sur les actions. En Europe, les actions rebondissaient après des pertes la veille : vers 13H35 heure de Paris, la Bourse de Paris gagnait 0,90%, Londres 0,52% Francfort 0,71% et Milan 0,19%.

« Les marchés asiatiques n'ont pas été épargnés : les actions chinoises et indiennes ont fléchi malgré une amélioration des relations diplomatiques après le sommet de Shanghai », a noté Ipek Ozkardeskaya. En Asie, Hong Kong a cédé 0,60%, Shenzhen 0,65% et Shanghai 1,16%. Tokyo a lâché 0,88%.

« Quand actions et obligations subissent des sorties massives, le capital se dirige vers les actifs alternatifs et l'or bat des records », commente Ipek Ozkardeskaya. Ainsi, l'or a touché un nouveau record mercredi, à 3.546,96 dollars l'once (31,1 g) et s'échangeait à 3.545,32 dollars (+0,34%) vers 13H35 heure de Paris.

L'euro à la traîne

Sur le marché des devises, le dollar était stable (-0,03%) face à la monnaie unique européenne, à 1,1643 dollar. « L'euro a été freiné ces derniers jours en partie à cause du risque politique en France et de la sous-performance qui en a résulté pour les obligations françaises à long terme », explique Fawad Razaqzada, analyste de marché chez City Index.

« Après la baisse de mardi, la paire euro-dollar tentait de se stabiliser alors que les investisseurs attendaient la publication de données économiques américaines clés cette semaine », a-t-il poursuivi. Le marché attend notamment le dernier rapport « Jolts » (Job Openings and Labor Turnover Survey) du département du Travail américain.