L'industrie de l'alcool, du tabac, des jeux d'argent, des armes, du cannabis ou encore des divertissements pour adultes, sont autant d'activités controversées qui vont à l'encontre des critères extra-financiers, aussi appelés critères ESG « environnement, social et gouvernance »), plébiscités aujourd'hui par les adeptes de l'investissement socialement responsable (ISR).
Pourtant, à l'heure du ralentissement économique actuel, les « sin stocks » (« actions du péché »), perçues comme moralement incorrectes par certains épargnants, offrent souvent l'avantage de voir leur activité et leur marge bénéficiaire bien résister lors des périodes de crise économique.
Le cas de l'industrie de l'armement
Parmi toutes ces sociétés, les acteurs du monde de l'armement ont actuellement le vent en poupe auprès des investisseurs. En effet, au-delà de la guerre en Ukraine et des tensions géopolitiques au Proche-Orient, ces acteurs devraient bénéficier à plein de l'augmentation des budgets militaires des pays européens qui souhaitent désormais renforcer leur autonomie sur le plan militaire vis-à-vis des Etats-Unis.
En effet, en ce début d'année 2025, Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, a proposé un plan nommé « Rearm Europe » qui pourrait conduire les États membres de mobiliser jusqu'à 800 milliards d'euros pour financer une augmentation de leurs dépenses de défense dans les années à venir.
Dans ce contexte, « les valeurs liées à la thématique de la défense ont surperformé l'ensemble de la cote européenne en 2024 et cette tendance s'est poursuivie début 2025 », indique Damien Mariette, gérant thématique chez CPR AM.
Du reste, les bonnes performances boursières ne se limitent pas à la seule industrie de l'armement. En effet, d'après une étude réalisée par la London Business School, si la thématique du « vice » est très rémunératrice en Bourse, c'est notamment en raison du secteur du tabac et de l'alcool.
La thématique porteuse du tabac et de l'alcool
Une récente note de recherche, publiée par la banque Crédit Suisse, a montré que, sur une période de 120 ans (1900-2020), un investissement d'un dollar dans le secteur du tabac aux États-Unis se serait transformé en un capital de plus de 8 millions de dollars, plus d'un siècle plus tard.
Concrètement, cela correspond à un rendement annualisé de 14,2%, contre 9,6% pour le marché boursier américain, au cours de la même période. Du reste, il s'agit de la meilleure performance boursière, tous secteurs confondus ; la deuxième place étant occupée par l'industrie des boissons alcoolisées.
Il faut dire que « les revenus des entreprises positionnées sur ces deux secteurs sont relativement stables, ce qui leur permet de verser des dividendes élevés et réguliers à leurs actionnaires, même en cas de ralentissement économique », selon Dorian Abadie, analyste OPCVM & Bourse chez Meilleurtaux.
Des valorisations attractives
Pour l'expliquer, les auteurs de ce rapport mettent en avant non seulement la demande solide dont bénéficient ces entreprises, quel que soit le cycle économique, mais surtout leur capacité à pouvoir imposer des augmentations de prix de vente auprès de leurs clients. C'est ce que les Anglo-saxons appellent le « pricing power ».
Généralement, les sociétés cotées, disposant de cette faculté à pourvoir augmenter leurs tarifs, affichent des niveaux de valorisation élevées car elles sont davantage recherchées par les investisseurs, en raison de cet avantage concurrentiel.
Néanmoins, pour les valeurs du « vice », ce phénomène semble moins marqué. Ainsi, d'après David Blitz, directeur de la recherche quantitative chez Robeco, cela s'expliquerait notamment par le fait que « ces titres sont exclus des investisseurs appliquant des critères ESG dans la gestion de leur portefeuille ».
Comment investir dans le vice
Pour des raisons morales sans doute, il n'existe pas à proprement parler d'indices boursiers composés exclusivement de valeurs du « vice ». Cependant, il est toujours possible d'investir dans les secteurs du tabac, de l'alcool ou encore de l'armement à travers des ETF (« Exchange Traded Fund ») spécialisés sur ces thématiques.
Ces fonds se négocient en Bourse, comme une action, et permettent d'investir à moindre, tout en diversifiant le risque, à travers plusieurs dizaines de titres. Les épargnants désireux d'élargir leur univers d'investissement peuvent également opter pour des ETF davantage diversifiés.
Parmi eux, on peut citer l'ETF iShares Stoxx 600 Food & Beverage (« nourriture et boissons »), dont le portefeuille contient notamment des actions du brasseur belge AB InBev et du groupe français Pernod Ricard ou encore l'ETF AdvisorShares Vice qui investit notamment dans des entreprises du secteur de l'alcool et du tabac, cotées principalement aux États-Unis.