Le temps se couvre au-dessus du Livret d'épargne populaire. Selon les données publiées jeudi par la Caisse des dépôts (CDC), le LEP, réservé aux ménages modestes, a connu, comme le Livret A, son pire mois d'avril depuis 2009 : une décollecte qui frise les 2 milliards d'euros.
« En avril 2024, il avait déjà enregistré une décollecte de 270 millions d'euros. Ces sorties s'expliquent par les vérifications annuelles des conditions d'éligibilité effectuées par les banques : elles doivent clôturer les LEP des épargnants dont le revenu fiscal de référence dépasse le plafond autorisé. Les revenus pris en compte pour 2025 sont ceux de 2023, année marquée par de fortes revalorisations salariales, notamment du SMIC », souligne l'économiste Philippe Crevel.
« La banque a remplacé mon LEP par un livret d'épargne qui ne rapporte rien. Pourquoi ? »
« Les ménages modestes réagissent rapidement aux variations de taux »
Sur les quatre premiers mois de l'année, les retraits ont été supérieurs aux versements de 1,37 milliard d'euros, contre une collecte positive de 3,99 milliards sur la même période en 2024. Désormais, l'encours total du LEP est de 80,8 milliards d'euros.
« Les ménages modestes réagissent rapidement aux variations de taux, passé de 4% à 3,5% le 1er février dernier », rappelle Philippe Crevel.
Un taux de 2,2% voire 2,5% en août
Autre mauvaise nouvelle à venir : une amplification redoutée de la décollecte du LEP cet été. En effet, son taux de rémunération risque de chuter de 3,5% actuellement, à 2,2% à compter du 1er août. En effet, c'est à cette date que sa rémunération est réévaluée, ainsi qu'au 1er février, tout comme le Livret A et le LDDS.
« Toutefois, ces dernières années, le gouvernement n'a pas toujours appliqué strictement la formule, préférant maintenir un avantage pour l'épargne populaire. Un taux de 2,5% paraît ainsi plus probable », anticipe Philippe Crevel. Dans tous les cas, cette rémunération sera toujours plus élevée que celle du Livret A, qui pourrait passer de 2,4% aujourd'hui à 1,7% voire même 1,6%.
Cette baisse d'intérêt pour le LEP intervient dans un contexte où celui-ci reste encore trop méconnu, alors qu'il est bien plus rémunérateur que le Livret A. « 40% des Français éligibles n'en disposent pas, alors qu'ils disposent d'un Livret A », a rappelé la semaine dernière le député Horizons François Jolivet, co-rapporteur d'un rapport appelant à réformer l'épargne réglementée. En effet, sur les 19,5 millions de particuliers concernés, seuls un peu plus de 12 millions ont un LEP.
Le parlementaire met en cause le rôle des banques. « Ça signifie donc que les banques jouent un rôle de conseil pas complètement performant, puisqu'elles ne dirigent pas l'épargne des Français les plus modestes vers les meilleurs placements réglementaires, alors qu'elles assument une mission d'intérêt général. »