« La France perd avec Claude Bébéar un visionnaire qui a fait d'Axa un géant mondial. Son audace inspire encore l'économie française », a réagi mardi le ministre de l'Economie Roland Lescure.

Le président du conseil d'administration d'Axa, Antoine Gosset-Grainville, a, lui, salué son « esprit de conquête [qui] est à l'origine d'une des plus grandes réussites économiques des 50 dernières années, transformant en moins d'une génération une petite mutuelle normande en un géant mondial de l'assurance ».

Assureur atypique

Claude Bébéar a longtemps été considéré par ses pairs comme le « meilleur dans sa profession ». C'était un assureur atypique, né en 1935 à Issac en Dordogne dans une famille modeste d'instituteurs laïcs et socialistes. Son nom aurait été « fabriqué » par des religieuses de Périgueux qui en recueillant un enfant abandonné - son arrière-grand-père - l'aurait déclaré à l'état civil sous le patronyme de « bébé-areu » (onomatopées enfantines).

Jeune, Claude rêve de devenir chirurgien. Mais son père a d'autres ambitions pour lui : il fera Polytechnique. Entré quatrième à la prestigieuse école, le jeune homme en ressortira 204e, ayant sacrifié ses heures d'études au rugby, une de ses passions.

En 1958, Claude Bébéar rejoint les Anciennes Mutuelles à Rouen, une petite compagnie d'assurance normande dirigée par André Sahut d'Izarn, monarchiste catholique qui lui apprend le métier. En 1974, à la faveur d'une grève, il prend la place du directeur général, adoptant une politique révolutionnaire pour l'époque : horaires personnalisés, 32 jours de congés payés, crédit vacances et préretraite en douceur. Parallèlement, il pose les premières pierres du futur empire, achetant la Mutuelle des prêtres Saint-Christophe et la Mutuelle parisienne de garantie, réunies sous l'enseigne des Mutuelles unies.

En 1982, le « chasseur de fauves », une autre de ses passions, mène bataille contre Bouygues pour faire tomber dans son escarcelle le groupe Drouot, une fois et demie plus gros que les Mutuelles unies. Le groupe est renommé Axa en 1985, un nom choisi par ordinateur qui doit commencer par la lettre A et prononçable dans toutes les langues.

Fondateur de l'Institut Montaigne

Abandonnant une stratégie de diversification - il avait acquis le groupe de presse Cino del Duca et le fourreur Révillon -, Axa accélère l'allure, rachetant tour à tour la Providence et le Secours en 1986, la Compagnie du Midi et sa filiale Les Assurances du groupe de Paris (AGP), avant de ramasser en 1991 la société américaine d'assurance-vie Equitable, en difficulté.

Insatiable, Claude Bébéar part alors à la conquête du monde, en Australie (National Mutual), en Grande-Bretagne (Guardian Royal Exchange) et au Japon (Nippon Dantai), mais aussi en Malaisie, en Belgique et au Canada.

Si le prédateur réprouve les animaux « qui tuent par plaisir à la manière des dépeceurs d'entreprises », il frappe un grand coup en 1996, plantant ses griffes dans l'UAP, numéro un français de l'assurance.

Considéré comme l'un des patrons les plus influents du CAC 40, il fonde le Cercle Entreprises et Cité, aux côtés d'amis libéraux, et l'Institut Montaigne, un cercle de réflexion d'inspiration libérale, dont il devient ensuite président d'honneur.

« Parrain du capitalisme français

Dans la presse, Claude Bébéar est présenté comme l'un des principaux acteurs de l'éviction du PDG de Vivendi Jean-Marie Messier en 2002, ou de l'élection de Laurence Parisot à la tête du Medef en 2005. Une influence dans le grand patronat qui a contribué à son surnom de « parrain du capitalisme français ».

Hostile au monde financier - analystes, agences de notation, hedge funds -, il rêve en 1999 d'un mariage à trois entre la BNP, Paribas et la Société générale.

En 2000, il confie la présidence du directoire d'Axa à Henri de Castries et devient président du conseil de surveillance, jusqu'en 2008, puis président d'honneur d'Axa jusqu'à son décès.

Catholique pratiquant, père de trois enfants, dont deux adoptés, Claude Bébéar était, selon Le Canard enchaîné, un des financeurs de la Manif pour tous, mouvement opposé au mariage pour les couples homosexuels, autorisé en 2013. En 2017, il avait soutenu le candidat Emmanuel Macron à l'élection présidentielle dans une tribune publiée dans Les Echos.