De ce pari de la gauche à un certain flou assumé dans ses propositions, voici les jalons posés par le Premier ministre pour franchir cette étape budgétaire déterminante. Contrairement à son prédécesseur Michel Barnier, qui avait choisi de composer avec le Rassemblement national, François Bayrou s'est tourné d'emblée vers les socialistes.

« La bonne foi et la bonne volonté ont été au rendez-vous », a salué le Premier ministre lundi, même s'il a admis qu'« aucun d'entre nous ne trouve (le budget) parfait ». Bien que fermement dans l'opposition, le parti à la rose obtient des concessions, de l'abandon de la suppression de 4 000 postes d'enseignants à une rallonge financière pour les hôpitaux. François Bayrou essaie en même temps de ne pas trop heurter la droite, même si elle participe à son gouvernement et ne le censurera pas.

Il délègue les concertations à son ministre de l'Économie, Éric Lombard, un banquier à la fibre rocardienne qui devient l'homme « clé » du dispositif. Le ministre reçoit à Bercy, avec sa collègue du Budget Amélie de Montchalin, les groupes politiques y compris le Rassemblement national. Même le député de la France insoumise Éric Coquerel vient discuter en tant que président de la commission des Finances.

Renégocier la réforme des retraites

« Ami » personnel du patron du PS Olivier Faure, il parvient surtout à tisser un lien de « confiance » avec les socialistes. Sans leurs voix, une motion de censure ne peut pas aboutir.

En parallèle des discussions politiques, François Bayrou s'efforce de ranimer la « démocratie sociale » pour renégocier la réforme très contestée de 2023 sur les retraites. Il reçoit à Matignon les partenaires sociaux et promet une remise en chantier sans « tabou », pas même l'âge de départ, mais sans suspendre la loi phare du chef de l'État, accusé à l'inverse de contourner les corps intermédiaires et d'oublier la gauche.

L'idée d'une augmentation du Smic vient semer le trouble à la fin des discussions. La ministre du Travail et de la Santé Catherine Vautrin la renvoie à « une conférence sociale plus large », après le conclave sur les retraites.

Le coût d'une censure

François Bayrou bénéficie paradoxalement de la censure de son prédécesseur Michel Barnier, tombé à la mi-décembre sur le budget de la sécurité sociale. Les entreprises, les collectivités redoutent de voir la période d'incertitudes se poursuivre.

Doter le pays d'un budget « sera un signal de responsabilité, de stabilité », souligne François Bayrou. Selon lui, la censure de décembre a coûté 12 milliards d'euros à l'économie française, quand les concessions accordées notamment au PS pendant la discussion budgétaire sont chiffrées à environ 5 milliards.

Sans beaucoup d'objets concrets et avec quelques ballons d'essai, François Bayrou joue la prudence et entretient un flou synonyme de flexibilité. Ainsi la proposition de Catherine Vautrin de travailler 7 heures de plus par an pour financer la protection sociale finit par diviser le camp présidentiel. Tout comme l'avis « personnel » de la ministre du Travail Astrid Panosyan-Bouvet en faveur d'une contribution des retraités. Les deux suggestions seront écartées.

Mais François Bayrou manque de trébucher sur la dernière ligne droite des discussions avec le PS quand il évoque un « sentiment de submersion » migratoire, terme de référence de l'extrême droite qui fait alors hurler toute la gauche et fracture son camp. « C'est se tirer une balle dans le pied », s'inquiète une députée macroniste.

Même si ce n'est pas son interlocutrice privilégiée, le Premier ministre met les formes avec Marine Le Pen, qu'il reçoit en premier parmi les représentants des groupes parlementaires. Après son décès, il qualifie Jean-Marie Le Pen de « figure de la vie politique » et de « combattant », suscitant une polémique et les critiques sur un message jugé trop positif. Marine Le Pen a salué depuis chez François Bayrou un « homme de principes ».