Les marchés : Rallye de fin d'année ?

La Bourse de Paris a repris des couleurs aujourd'hui, clôturant en hausse de 0,79% à 8 086 points. L'optimisme né de la nouvelle baisse de taux décidée par la Fed a brièvement soutenu les marchés avant d'être refroidi par les résultats décevants d'Oracle, qui ont ravivé les doutes sur les valorisations stratosphériques du secteur de l'IA.

Malgré cela, Paris s'impose comme la place européenne la plus dynamique du jour, portée par l'élan monétaire américain et une solide résistance des valeurs locales. La décision de la Fed, largement anticipée, a été applaudie hier soir : un nouveau quart de point en moins, des prévisions d'inflation légèrement abaissées (2,5% contre 2,6%), et le retour des rachats de bons du Trésor américain (voir lexique).

Un cocktail qui aurait pu déclencher une euphorie durable si Oracle n'avait pas gâché la fête avec des performances trimestrielles jugées trop faibles. On revient en détail sur le dossier dans cette édition. Lors de sa conférence de presse, Jerome Powell n'a pas versé dans l'enthousiasme excessif, mais il n'a pas non plus adopté de ton menaçant. Le message est clair, personne au sein de la Banque centrale n'envisage de hausse de taux aujourd'hui.

Avec la Fed désormais derrière les investisseurs et une fin d'année traditionnellement porteuse pour les marchés, les conditions semblent réunies pour poursuivre le mouvement haussier. Mais attention... la bulle de l'IA reste la véritable épée de Damoclès pour cette fin d'année et les résultats d'Oracle sont là pour le rappeler.

Les valeurs : Schneider Electric, ADP et Exosens

Schneider Electric Schneider Electric veut regagner la confiance des investisseurs après une année 2025 décevante en Bourse. Malgré son rôle clé dans la croissance des centres de données, un secteur dopé par l'explosion de l'intelligence artificielle, l'entreprise avait récemment déçu par des résultats jugés trop faibles au regard des attentes très élevées du marché.

À l'occasion de sa journée investisseurs, le groupe a présenté aujourd'hui de nouveaux objectifs ambitieux. Il confirme vouloir augmenter son chiffre d'affaires de 7 à 10% par an jusqu'en 2030, une cible qui rassure les bureaux d'études. Schneider prévoit aussi d'améliorer sa rentabilité. Ces annonces ont été bien accueillies, l'action signe l'une des plus fortes hausses du CAC 40 aujourd'hui : +2,42% à 239,15€.

Le groupe a également dévoilé un vaste programme de rachats d'actions pouvant aller jusqu'à 3,5 milliards d'euros, ainsi que la cession de certaines activités. Pour atteindre ses objectifs, Schneider compte sur le dynamisme des data centers, sur ses services numériques et sur les logiciels de gestion de l'énergie, un segment amené à prendre de plus en plus d'importance. En hausse de 2% depuis le 1er janvier, retrouvez ici notre objectif de long terme sur le titre.

ADP Le groupe ADP semble enfin sortir d'une longue période d'incertitude réglementaire. L'exploitant des aéroports de Paris vient de dévoiler sa proposition pour le futur contrat qui encadrera ses tarifs et ses investissements entre 2027 et 2034. Ce document est crucial, car il fixe notamment le taux de rentabilité qui sert de base aux hausses de redevances payées par les compagnies aériennes.

ADP propose un taux de 5,9%, plus élevé que ce qu'attendaient les bureaux d'études, ce qui a immédiatement fait grimper l'action en Bourse : +3,83% ce soir à 130,20€ (+19% en 2025). Pour justifier ce niveau, le groupe prévoit que ses tarifs suivront l'inflation. Il prévoit aussi une croissance modérée du trafic et un vaste programme d'investissements de 8,4 milliards d'euros afin d'absorber jusqu'à 18 millions de passagers supplémentaires.

En parallèle, il vise 130 millions d'euros d'économies annuelles d'ici 2030. Même si les investisseurs ont bien réagi, certaines interrogations demeurent. Les banques saluent une base de travail sérieuse mais soulignent que le régulateur pourrait juger ce niveau de rentabilité trop élevé, comme cela s'était produit en 2020. Les discussions avec l'État, les compagnies aériennes et l'Autorité de régulation des transports vont maintenant commencer, et le résultat final pourrait être moins favorable qu'espéré par ADP. Affaire à suivre !

Exosens Forte volatilité ! Exosens perd 2,07% ce jeudi à 47,30€, après avoir bondi de près de 10% dans la matinée, propulsé par l'annonce d'un contrat tout simplement historique. Le groupe français va fournir 100 000 jumelles de vision nocturne à l'armée allemande, en partenariat avec le chypriote Theon. Le montant total de l'opération est de près d'un milliard d'euros, dont 500 millions pour Exosens, qui équipera les appareils avec ses tubes intensificateurs de lumière. Jamais un contrat de vision nocturne n'avait atteint une telle ampleur.

Pour un secteur tiré par le réarmement européen et les budgets en hausse, c'est un signal extrêmement fort. Les livraisons prévues entre 2027 et 2029 garantissent plusieurs années de revenus assurés. Selon les bureaux d'analyse, le contrat couvre un tiers du chiffre d'affaires du segment sur la période. S'ajoute une commande complémentaire de la Belgique, évaluée entre 20 et 30 millions d'euros.

Dans un marché où chaque pays veut équiper ses soldats de paires de jumelles nocturnes, Exosens consolide sa place de fournisseur stratégique de l'OTAN. La direction confirme en parallèle viser une croissance annuelle de 15 à 20% de ses ventes en 2025. Une trajectoire qui explique pourquoi le titre s'est déjà imposé parmi les grandes success stories françaises de la défense. Depuis le début de l'année, le titre éligible au PEA-PME affiche une hausse de 145%.

Le monde d'après : Oracle décroche !

Nous vous en parlions hier soir, les résultats d'Oracle risquaient d'éclipser la baisse des taux américains. Ça n'a pas loupé ! Le géant américain a brutalement rappelé à Wall Street la bulle de l'IA. Le groupe de Larry Ellison, longtemps porté par l'engouement autour du cloud et de l'intelligence artificielle, a publié des résultats globalement inférieurs aux attentes.

Revenus trop justes, croissance un peu en retrait, dépenses d'investissement en hausse massive... Résultat immédiat, le titre décroche de 14% ce soir à New York, entraînant le Nasdaq dans son sillage (environ -1% pour le moment). Oracle, c'était pourtant l'histoire parfaite. Une division cloud dopée par la demande en IA, un chiffre d'affaires qui s'envole et une action propulsée de 110% entre le 1er janvier et le 10 septembre, avant de chuter de 45%.

Le marché se réveille surtout face au risque caché du boom IA : la dette. Oracle a levé 18 milliards de dollars en obligations, et prépare 38 milliards supplémentaires pour financer ses infrastructures. On l'évoquait hier soir, ses CDS montent et les investisseurs s'inquiètent : la machine IA brûle du cash et exige des data centers qu'il devient difficile de construire dans les temps. Bref, le cocktail est explosif : coûts qui s'envolent, contraintes d'énergie et de puces, concurrence féroce, dépendance à l'endettement et à un super-contrat avec OpenAI... Clairement, Oracle est le maillon fragile d'un secteur qui semblait indestructible il y a encore quelques mois.

Mais attention au faux procès. Derrière la chute du titre, un indicateur fondamental reste exceptionnel. Le carnet de commandes dans l'IA est en effet très bon et supérieur aux attentes. La demande est là, massive, durable. Le problème d'Oracle n'est pas l'avenir, mais le tempo. Dans la transition vers l'IA, les gagnants seront ceux qui arriveront à absorber les investissements sans exploser leur bilan. Pour Oracle, cet accroc est peut-être une alerte salutaire. Car dans le monde d'après, l'IA ne pardonnera pas les approximations financières...

Demain à la Une : Après Oracle, Broadcom !

Plusieurs mises à jour de l'inflation seront publiées demain en France et en Allemagne. Le marché anticipe des résultats stables d'un mois à l'autre, à +0,9% sur un an en France et +2,3% en Allemagne. Surtout, le géant américain des semi-conducteurs Broadcom dévoilera ce soir ses résultats trimestriels, après la clôture. Capitalisé près de 1 850 milliards de dollars, le groupe inquiète moins les investisseurs qu'Oracle. Mais dans la période actuelle, particulièrement sensible pour les valeurs technologiques, le moindre faux pas pourrait être lourdement sanctionné demain...

Le lexique : Les bons du Trésor américain

Les bons du Trésor américain sont des titres de dette à court terme émis par le gouvernement fédéral des États-Unis pour financer ses besoins immédiats. Ils arrivent à échéance en moins d'un an et ne versent pas d'intérêt périodique : ils sont vendus à un prix inférieur à leur valeur nominale, puis remboursés à cette valeur à l'échéance, la différence représentant le rendement pour l'investisseur. Considérés comme l'un des placements les plus sûrs en raison de la garantie de l'État américain, ils bénéficient également d'une très grande liquidité sur les marchés financiers.