La part des dépenses d'assurance maladie dans le produit intérieur brut « s'est accrue, s'élevant à 8,9%, en 2025, contre 8,2%, avant la crise sanitaire », rappelle la Cour dans une note de synthèse sur les dépenses d'assurance maladie.

Cette « situation inédite » n'est « plus soutenable », a indiqué devant la presse Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes. Une telle progression « s'accompagne d'une dégradation du solde des trois banches de la Sécurité sociale (maladie, accidents du travail et maladies professionnelles, autonomie) qui financent l'Objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) », déplore la Cour des comptes.

Le déficit cumulé annuel de ces trois branches « doublerait presque de 2024 (11,8 milliards d'euros) à 2028 (20,1 milliards d'euros) » et cela conduirait « à la reconstitution d'une dette sociale en trois ans de plus de 70 milliards » de 2025 à 2028, souligne encore l'institution.

Parmi ces trois pistes « d'amélioration de l'efficacité des dépenses », la Cour des comptes identifie « en première intention », la lutte, « à renforcer », contre « les fraudes à l'assurance maladie et les remboursements indus de dépenses de santé ».

628 millions de fraudes détectées

« Bien qu'en progression, les résultats obtenus (628 millions de fraudes détectées et stoppées en 2024) demeurent nettement en deçà des estimations de fraudes (jusqu'à 4,5 milliards d'euros) », met encore en exergue la Cour des comptes, qui fixe un objectif de 1,5 milliard de fraudes détectées et stoppées en 2029.

Les moyens supplémentaires « accordés aux caisses d'assurance maladie, en personnels, en prérogatives juridiques et en moyens informatiques, sont autant de leviers pour mieux prévenir les fraudes et effectuer les remboursements des indus », analyse la Cour des comptes. « Les contrôles sont à systématiser et les paiements sont à suspendre en cas de doute », insiste encore l'institution.

D'une manière générale, la nécessaire maîtrise des dépenses de santé « peut être faite dans le respect des principes de base de la Sécurité sociale », a estimé M. Moscovici. « La ligne de crête est étroite », mais « il est possible » de faire des économies « sans dégrader la qualité du service » et même en « l'améliorant », a-t-il dit.

La Cour des comptes estime également possible de trouver 5,3 milliards d'euros en « poursuivant la baisse des prix » des médicaments et autres produits de santé, notamment en « renforçant l'évaluation médico-économique », pour fixer le bon prix aux médicaments en fonction de leurs bénéfices attendus.

Dans le domaine des anti-cancéreux innovants en particulier, dont les prix peuvent être élevés « il est nécessaire (...) de prévoir systématiquement des études pour mesurer leurs résultats et pouvoir renégocier en conséquence » leur prix selon leur efficacité, souligne la Cour.

Regrouper les petits hôpitaux

La Cour des comptes appelle à « restructurer les services hospitaliers qui ne présentent pas de garanties suffisantes de qualité et de sécurité des soins », pour un gain attendu de 0,8 à 1,2 milliard d'euros. « L'activité des services de médecine et de chirurgie de nombreux petits hôpitaux publics est faible », regrette la Cour, qui conseille le regroupement de petits hôpitaux autour de Groupement hospitaliers de territoire.

La Cour lorgne aussi sur les complémentaires santé, estimant qu'il serait possible d'économiser « 1 à 1,5 milliard d'euros » en « rééquilibrant la prise en charge des dépenses de santé », en clair en augmentant leur participation au financement de certains soins, et en diminuant celle de l'Assurance maladie.

Moins rembourser les cures thermales

Les complémentaires santé « pourraient jouer un rôle accru » dans le remboursement des soins « sur les soins courants, les soins paramédicaux ou la prévention », écrit-elle.

Au risque de provoquer la colère des médecins et paramédicaux libéraux, la Cour recommande aussi de « limiter l'ampleur des revalorisations » tarifaires négociées avec l'Assurance maladie, tout comme « les mesures salariales » dans les hôpitaux et les établissements médicaux sociaux (Ehpad).

Elle propose également de moins rembourser les cures thermales et de supprimer la participation de l'assurance maladie aux frais de transport et d'hébergement de longue durée.