Qu'y a-t-il de plus mythique qu'un lingot d'or ? Dans les films et séries, ou même les bandes dessinées, cet objet symbolique a fait briller les yeux de nombreuses générations. Mais en réalité, combien d'entre nous en ont déjà eu entre les mains ? Très peu, y compris chez Moneyvox !

Il faut dire que son prix est exorbitant. En 1972, il fallait déjà 2 000 dollars pour acquérir une « barre » d'un kilo. Puis plus de 8 000 dans les années 80-2000. Depuis 2007, le kilo de métal jaune a explosé : 20, 30, 50, et désormais près de 100 000 dollars ! Un tarif prohibitif qui en a longtemps fait un bien inaccessible, réservé à des clients fortunés de grandes banques d'affaires.

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Peu à peu, le marché s'est ouvert aux particuliers. On a vu apparaître au sein d'officines spécialisées les « lingotins », dont les plus petits ne pèsent... qu'un gramme. Si l'on ajoute le négoce de pièces (Louis, Napoléon...) et bien sûr des bijoux, l'achat « physique » s'est largement démocratisé... De nos jours, des sites web proposent même le métal précieux sous tous les formats et tous les poids !

« Selon son profil, l'or peut représenter un choix intéressant, de bon père de famille »

Prestige et sécurité

Pourquoi achète-t-on ce matériau précieux ? Au-delà de la dimension plaisir, de plus en plus de clients le voient comme un placement. Pièces et lingots sont ainsi catégorisés comme « or d'investissement ». Et ils sont plébiscités, car le métal jaune a suivi historiquement une pente ascendante. Il revêt d'ailleurs un caractère de « refuge » dans les périodes d'inflation, récession et chute des marchés.

« Selon son profil, l'or peut représenter un choix intéressant, de bon père de famille », juge Alain Carbonne, professeur d'économie et ancien membre de la Direction générale du Trésor. Depuis novembre 2015, les « papas » ne le regrettent pas : le cours a été multiplié par 3 ! Les records historiques étant battus mois après mois en 2025, nombreux sont les particuliers à désormais vouloir prendre « le train en marche ».

Faut-il se précipiter dans les échoppes ? Pas forcément ! À côté de l'or physique « traditionnel », une offre plus récente est venue bousculer le marché depuis 2007 : les fonds indiciels, ou « or papier ». Deux faux jumeaux : les ETF (Exchange Traded Funds), et les ETC (Exchange Traded Commodities) visent à reproduire avec le plus de précision possible les cours d'un indice ou d'une valeur.

En Europe, les ETF sont interdits pour les matières premières. Il reste aux investisseurs les ETC Gold « physically backed » (adossés physiquement). À la différence des « non backed », ces fonds ont l'obligation de détenir en garantie le stock d'or correspondant à leur capitalisation. Leur existence est une petite révolution : comme si l'on achetait son propre lingot, les ETC permettent de miser le montant de son choix, et de bénéficier des mouvements réels du cours.

Les lingots, entre ombre et lumière

Comment choisir entre « barres et pièces » et ETC ? Entre « papier » et « physique » ? Le débat est ouvert, et des arguments tout à fait valables s'opposent. Selon les profils, les cas, le montant investi ou même la sensibilité personnelle, les deux choix peuvent s'entendre !

D'un côté, on trouve les partisans du « sonnant et trébuchant ». « C'est la composante ancestrale », sourit l'économiste Jean-Michel Beacco, professeur en finances à Paris Dauphine et président du département Sciences économiques, gestion, finance de l'école des Ponts. « On va y trouver tous les militants de la possession d'or, y compris pour de mauvaises raisons : le cacher. » Comme on le voit au cinéma, le lingot est apprécié par les réseaux criminels et autres mafias.

Mais pas seulement ! « Il y a évidemment une partie licite, comme les achats des banques centrales. Elles utilisent l'or comme actif de réserve. »

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Un kilo dans une tasse

L'or « en dur » est recherché par les personnes les plus aisées. « De nombreux clients des banques suisses ont recours au stockage physique », glisse le professeur Alain Carbonne. C'est la même chose au Luxembourg, à Monaco... Parmi les explications, ce spécialiste des échanges mondiaux détaille le grand avantage du métal jaune : sa densité « 19,3 fois supérieure à l'eau. Il prend donc très peu de place ! »

Pour faire simple, une brique d'un litre de lait remplie d'or pèserait 19,3 kilos... ce qui représente 1,9 million de dollars. Un kilo d'or, négociable autour de 90 000 euros, tiendrait donc dans une tasse à expresso ! Un volume minuscule pour une valeur maximale : l'équation semble parfaite.

D'autant qu'une fois en sa possession, ce « café d'or » est une garantie de valeur. « Une fois qu'on l'a, on l'a », signale Jean-Michel Beacco. Cet élément parle évidemment aux plus anciens d'entre nous, ayant connu les crises majeures. « Les acheteurs d'or physique sont notamment des personnes âgées », justifie Philippe Crevel, économiste et directeur du Cercle de l'épargne, think tank dédié aux sujets financiers. « Ils ne possèdent pas forcément des lingots, mais des lingotins, des pièces. Quelque chose que les grands-parents pourront offrir à leurs petits-enfants. »

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Les jeunes préfèrent le papier

On pourrait alors penser que le « physique » remporte d'emblée le match. Pourtant, Philippe Crevel signale que les nouvelles générations privilégient les titres boursiers. Lui-même recommande les ETC, qui sont à ses yeux « plus simples et plus clairs ». « Ils vont suivre fidèlement les cours. On peut facilement acheter et vendre, les opérations sont quasi immédiates. »

Les professeurs Alain Carbonne et Jean-Michel Beacco sont du même avis : ce sont des produits financiers « négociables et vendables à tout moment », avec une liquidité « très importante, sans contrainte particulière ».

Un autre élément en faveur des fonds indiciels, ce sont les « frais limités », rappelle Philippe Crevel. « En général, en gestion d'actifs les commissions représentent à peu près 1%, détaille Alain Carbonne. Mais avec les trackers, c'est beaucoup moins. C'est de la gestion passive, qui demande moins de travail. » Un exemple : l'ETC Amundi Physical Gold, paquebot du marché pesant 7 milliards d'euros, facture ses services 0,12% annuel. « Avec un coût aussi minime, pourquoi s'embêter ? » C'est vrai, pourquoi ?

« C'est le risque de base. Il y aura des fonds qui monteront moins que la valorisation physique ! »

Très pratiques, les ETC ont tout pour plaire. Sauf qu'ils ont leurs défauts. Le plus important pour les fonds indiciels, c'est le « tracking error ». Ce terme désigne l'erreur de suivi du cours. On ne l'imagine pas, mais ces titres ne suivent pas toujours au millimètre les courbes. Des décalages qui ne sont pas neutres.

Dans la dernière synthèse de gestion de son « Physical gold », Amundi indique 0,58% de tracking error en 3 ans. 0,58% d'écart avec le cours, c'est plus de 500 dollars de marge d'erreur pour un kilo d'or. Mieux vaut ne pas avoir besoin de vendre quand les courbes s'écartent ! « C'est le risque de base, certifie Jean-Michel Beacco. Il y aura des fonds qui monteront moins que la valorisation physique ! »

Les risques financiers

Comment l'expliquer ? Il y a des éléments techniques et informatiques, mais également une réalité physique : les gérants d'ETC ne stockent pas l'or dans un immense coffre. « Le plus souvent, ils achètent des futures, mais ne vont jamais jusqu'à la livraison », note l'expert.

Les « futures », ou contrats à terme, sont des commandes fermes de matières premières à un cours donné, dont la réception est programmée pour plus tard. Avec ces titres, un trader est « officiellement » propriétaire du produit. Mais il ne le conserve presque jamais : ces « bons de commande » sont échangés en permanence, pour jouer sur les différences de cours. Un future étant déterminé à un prix donné, il ne suit plus les variations du marché. Et même quelques points de base d'écart peuvent tout changer.

Un autre élément, c'est que les frais sont imputés sur la performance. Cela veut dire qu'année après année, la valeur du titre ne suivra pas totalement la courbe. Enfin, un dernier point de vigilance sur les ETC, c'est qu'ils restent des fonds portés par des établissements financiers. Lors de crises majeures, on a vu des maisons réputées robustes s'effondrer. Et dans ce cas, les titres peuvent être emportés par la tempête : l'or papier ne vaudrait alors plus... que du papier !

« L'inconvénient de l'or, c'est qu'il faut le faire garder, avoir un coffre en banque. Sinon, votre cambrioleur préféré peut faire une bonne affaire ! »

C'est ce qui explique que nos aînés préfèrent posséder leur lingot. Après tout, il ne s'évapore pas ! Mais ce serait oublier qu'il a aussi ses désavantages. Avec un sujet majeur : le stockage. Si possible, en sécurité. « L'inconvénient de l'or, c'est qu'il faut le faire garder, avoir un coffre en banque », argumente Philippe Crevel. Il déconseille fortement le coffre-fort à la maison. « Sinon, votre cambrioleur préféré peut faire une bonne affaire ! »

D'autant que les compagnies d'assurance refusent de garantir les métaux précieux au-dessus d'un certain plafond. « La détention est une contrainte réelle, rebondit Alain Carbonne. Car on ne va pas cacher l'or dans son placard ! » Pour lui aussi, la place d'un lingot est en banque. « Elles mettent en place les sécurités nécessaires, offrent des assurances. » « Le coffre devient alors un vrai frais de gestion », pointe Philippe Crevel.

Pas si cher, le coffre !

Combien coûte une « box » en chambre forte ? Nous avons sollicité des établissements français, en France et en Suisse. Surprise : les tarifs sont plus raisonnables que ce que l'on pourrait penser. Par exemple, pour une taille de 31 litres et une garantie de 35 000 euros, la Société Générale demande 135 euros à l'année. Le coût monte à 508 euros pour garantir 1 million d'euros. Les prix sont équivalents chez BNP Paribas, et à peine plus élevés en Suisse. Et 31 litres, cela laisse de la marge : la petite densité de l'or fait qu'on pourrait donc y placer plus de 50 millions d'euros de métal jaune !

Imaginons que l'on choisit de placer et garantir un million d'euros. La location du coffre représente alors 0,05% de frais. C'est moins que les fonds indiciels. Les choses s'inversent pour les patrimoines plus petits : une garantie de 100 000 euros de métal précieux est facturé 317 euros, soit 0,31% de la valeur du capital chaque année. On dépasse alors largement les frais annuels d'« Amundi Gold ». Moralité : le coffre n'est compétitif que pour les gros patrimoines... « Mais cela reste des coûts pas délirants », relativise Alain Carbonne. Car pour ce prix, l'or reste alors « au chaud », assuré contre le cambriolage !

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Moindre liquidité

L'or physique a un autre désavantage : il est moins facile à vendre. Si l'Autorité des marchés financiers rappelle qu'il ne faut l'acheter qu'avec des fonds dont on n'a « pas besoin dans un futur proche », c'est que se délester d'un morceau d'or ou même d'une pièce n'est pas très pratique. « Quand vous avez un lingot, il faut le récupérer, trouver un acheteur, le vendre précise Jean-Michel Beacco. Il y a moins de liquidité. »

Et à la différence d'un produit indiciel, la négociation se fait de gré à gré, se situant souvent en dessous du cours réel. À noter : au-delà de sa pureté, la valeur d'un lingot est déterminée par son état et la précision de son poids. La prudence est de mise : à force d'être touché, déplacé, il peut se dégrader, voire perdre quelques précieuses poussières... « S'il est abîmé, on aura des pertes », tranche le professeur de Paris Dauphine.

Le match des taxes

Comme nous, vous peinez à trancher ? Il reste un dernier élément qui peut vous aider : la fiscalité. Trois éléments sont à prendre en compte : la vente, les plus-values et le cadre des donations et successions. Et là, tout va dépendre de la situation !

En ce qui concerne la cession, le combat est déséquilibré. Pour les ETC, l'État ne prévoit pas de prélèvement sur le capital. L'or d'investissement ne peut rivaliser : toute transaction de lingots et pièces est en principe soumise à la Taxe sur les métaux précieux (TMP). Son montant a de quoi refroidir : 11,5% pour le vendeur. De quoi plomber fortement son placement !

KO debout, le lingot ? Pas si vite ! Conscient que la TMP pénalisait fortement les possesseurs d'or, l'État propose depuis dix ans une alternative : le contribuable peut opter pour la taxe sur les plus-values (TPV) des biens meubles. Attention : ce choix n'est possible que si la personne peut justifier de l'origine de son or (avec une facture, par exemple).

Si l'on choisit la TPV, il faudra reverser aux Finances publiques 36,2% de ses gains, s'il y en a. Ce taux est dégressif : à partir de la 3ème année de détention, il va être réduit de 5% tous les 12 mois. On atteint donc 21,72% au bout de 10 ans, et 0 à partir de la 22e année ! On est donc taxé seulement en cas de gain : c'est beaucoup plus intéressant que les 11,5% de la TMP !

En face, comme tous les titres boursiers, les ETC sont soumis à la flat-tax, ou PFU. La plus-value sera amputée de 30%. Si l'on compare les taux, l'abattement de la TPV progressif sur l'or physique est plus intéressant que la flat-tax... à partir de la 6e année.

Le dernier élément, c'est la transmission. Qu'il s'agisse de dons ou de succession, le match est nul. Or physique et papier bénéficient des mêmes régimes d'abattement sur les dons intrafamiliaux et les droits de succession. Il n'y aura par exemple aucun impact fiscal jusqu'à 100 000 euros entre parent et enfant.

Le verdict ?

Comme on peut le constater, il semble impossible de désigner un vainqueur. Le « réel » semble adapté aux personnes plus âgées. Plus « sûr », il offre également une fiscalité avantageuse sur le long terme. De leur côté, les « titres » plairont sans doute plus aux jeunes. Ils sont bien plus faciles à échanger avec une taxation plus intéressante à court terme, et ne nécessitent pas de contraintes de stockage.

Au final, Moneyvox vous suggère donc de... ne pas choisir. En mixant lingots et ETC, on profite des différents avantages en se couvrant contre les inconvénients. Mais, quel que soit son choix, le résultat est le même : on possèdera de l'or ! Avec, comme au cinéma, le petit sourire en coin et les yeux qui brillent.

Comment suivre le (vrai) cours de l'or en temps réel ?