Malgré le poids des droits de douane américains et une instabilité politique, avec un troisième Premier ministre nommé en un an, la France verrait sa croissance annuelle dépasser la prévision initiale (+0,6%) de l'Institut national de la statistique et celle du gouvernement sortant (+0,7%), après +1,1% en 2024.

Mais elle ne peut se prévaloir d'une embellie constatée ailleurs en Europe, notamment en Allemagne, un pays qui émergerait de deux années de récession, tandis que l'Espagne continue d'afficher sa robustesse, et dans une moindre mesure l'Italie aussi.

« Cette croissance est due à quelques poches d'activité particulièrement dynamiques : l'agriculture, le tourisme, les transactions immobilières et, bien sûr, l'aéronautique », a expliqué Dorian Roucher, chef du département de la conjoncture, en présentant à la presse la note de conjoncture de l'Insee.

« Pour le reste, l'économie française se distingue de ses voisines européennes par un singulier manque de confiance », a-t-il ajouté: l'investissement redémarre moins vite, les industriels perdent davantage de parts de marché et le climat des affaires demeure morose.

A la veille d'une possible dégradation de la note souveraine française par l'agence de notation Fitch, l'institut statistique n'exclut pas « un regain d'attentisme », alors que le pays est une nouvelle fois livré au casse-tête politique de faire adopter un budget pour 2026 et confronté au défi de redresser des finances publiques très dégradées.

Taux d'épargne record

Depuis le début de la crise politique, les ménages traînent un pessimisme qui freine leur consommation, malgré une inflation plus faible que dans les autres pays européens. La hausse des prix est attendue à 1% en moyenne annuelle grâce à un repli des tarifs de l'électricité et une guerre commerciale dans les télécoms.

« La confiance des ménages qui se redressait tendanciellement jusqu'à l'été 2024 recule presque continûment depuis », souligne la note de conjoncture. « Leurs gains de pouvoir d'achat ont été plus importants qu'ailleurs en Europe, mais leurs achats y sont moins dynamiques et le taux d'épargne bat chaque trimestre un nouveau record à la hausse. »

Pilier traditionnel de la croissance française, la consommation des ménages ralentirait à +0,5% en 2025 (contre +0,8% pour le pouvoir d'achat), après +1,0% en 2024, selon l'Insee.

Le taux d'épargne grimperait de 18,2% l'an dernier à 18,5%, un record en 45 ans (hors crise sanitaire). Et ce, malgré un reflux à 17,8% en fin d'année du fait d'un impôt sur le revenu plus dynamique.

Quant aux craintes concernant le chômage, elles sont au plus haut depuis dix ans (hors crise sanitaire) malgré un marché de l'emploi plutôt résistant. Le taux de chômage ne remonterait que légèrement à 7,6%.

« Moteurs pas pérennes »

Du côté des investissements, ceux des ménages sortiraient du rouge (+0,8% après -5,6%), laissant entrevoir une embellie pour le secteur de la construction de logements neufs, jusqu'ici très dégradé, à la faveur d'une baisse des taux d'intérêt.

L'investissement des entreprises refluerait moins fortement (-0,9% après -2,4%) mais resterait soumis « à des vents de sens contraires », note l'Insee.

« Au total, les moteurs de l'économie française en 2025 ne semblent pas pérennes », estime l'institut statistique.

L'économie française devrait surtout bénéficier d'une reconstitution des stocks dans le secteur aéronautique avec la fin de contraintes d'approvisionnement, laissant augurer des exportations énergiques dans ce secteur en fin d'année.

Au total, la demande intérieure contribuerait à hauteur de 0,4 point à la hausse du PIB (après +0,6 point) mais le commerce extérieur la pénaliserait à hauteur de 0,5 point dans un contexte de renchérissement de l'euro qui nuit à la compétitivité des entreprises européennes.

« Si (l')incertitude perdurait, elle fragiliserait la faible activité mais, à l'inverse, un rétablissement rapide de la confiance pourrait débloquer enfin les comportements d'achat », indique l'Insee.

Par trimestre, la croissance atteindrait 0,3% au troisième et 0,2% au quatrième. Les vagues de chaleur estivales n'auraient pas d'impact négatif, la production céréalière ayant rebondi après une mauvaise année 2024.