Que ce soit le budget 2025 ou le budget de la Sécurité sociale pour l'année à venir, le flou politique est le même : à l'Assemblée nationale, les votes sur les amendements sont parfois imprévisibles voire déroutants et les votes sur les textes remaniés se font parfois faits - voire souvent - contre l'avis du gouvernement.
Pour le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), qui porte ce gel temporaire des pensions de base, le flou est réel concernant les retraites, alors que le texte passe au Sénat. Pas de 49-3 à ce stade. Mais en vertu de l'article 47-1 de la Constitution, permettant de limiter la longueur des débats parlementaires, c'est le texte initial, agrémenté de quelques amendements triés sur le volet par le gouvernement qui part au Sénat. L'article 23, relatif au report de la revalorisation des pensions, n'a pas été étudié par les députés.
1 - Gel de 6 mois : ce que prévoit le texte initial
Toutes les retraites de base, celles versées par la Cnav, la Carsat, notamment, pour les ex salariés du privé, la retraite de base des fonctionnaires (SRE), les régimes spéciaux, ou encore des complémentaires liées telles que l'Ircantec, doivent voir leur revalorisation annuelle non pas « gelée » sur un an mais reculée de six mois. À partir de la pension de juillet au lieu de janvier.
Dans les faits, ce décalage est défavorable non seulement pour le délai d'un semestre mais aussi financièrement parlant pour les pensions de base. Car, mathématiquement, la revalorisation aurait dû être de 2,3% en janvier 2025 selon la formule de calcul habituelle. La même formule appliquée en juillet aboutira très probablement à une hausse de 1,8% (estimation de Bercy) voire moins.
Retraite : voici le pourcentage de hausse 2025 (si elle était maintenue en janvier)
2 - Petites retraites : ce que le gouvernement s'est dit prêt à changer
Dans le projet de loi, tout le monde est concerné par ce report, à l'exception du minimum vieillesse (Aspa) qui lui doit bien est revalorisé en janvier 2025 selon le rythme habituel. Mais...
« Nous regardons avec les parlementaires (...) comment ajuster cet effort et mieux protéger les plus petites retraites ? », a déclaré le Premier ministre Michel Barnier dans un long entretien publié le 20 octobre dans le Journal du dimanche. Puis, Bercy a confirmé et précisé : « Je suis prêt à ce qu'on ait une ouverture sur les petites retraites », a affirmé le ministre en charge du Budget, Laurent Saint-Martin, lundi 21 octobre sur RMC/BFMTV. « Est-ce que c'est 1 200 euros, 1 400 euros ? Il faudra trouver le bon curseur mais moi je veux qu'on protège les petites retraites », a-t-il assuré.
3 - Ce que veulent changer les oppositions
Tout : supprimer ce report et, dans l'idéal, abroger la réforme des retraites. Mais le bras de fer parlementaire étant bien complexe, les oppositions se replient aussi sur des amendements visant à assouplir le gel de six mois. Une ribambelle de 106 amendements ont ainsi été déposés par l'ensemble des groupes de députés au « fameux » article 23 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, celui qui porte ce report d'un semestre pour la revalorisation annuelle des pensions de base.
Pêle-mêle, les différents groupes de gauche, le RN mais aussi certains députés du « bloc central » et LR ont cherché à limiter l'impact négatif de ce gel de six mois. Mais aucun amendement n'a été discuté en séance publique car les débats se sont arrêtés mardi soir à l'article 18. Loin des 106 amendements de l'article 23.
Un vote symbolique. Une série de trois amendements relatifs à la retraite ont été adoptés en séance publique à l'Assemblée nationale contre l'avis du gouvernement mais ce vote restera symbolique : ces trois amendements, socialiste, insoumis et communiste, - adoptés par 178 voix contre 76 - modifient une annexe du texte, le principe étant d'intégrer l'abrogation de la réforme à la trajectoire financière des régimes de retraite de base. Zéro suspense sur ce point : cet amendement ne sera pas retenu par le gouvernement. La victoire était purement symbolique.
4 - Que contient le projet de loi transmis au Sénat ?
Sur les retraites, rien n'a changé. Mis à part le vote symbolique évoqué ci-dessus, l'article 23 centré sur le report de la revalorisation n'a pas pu être débattu par les députés, faute de temps et de débats traînant en longueur.
« La discussion est en cours » sur les petites retraites
Matignon a choisi une série d'amendements dans le texte de PLFSS que le gouvernement vient de déposer au Sénat. Mais aucune évolution sur les retraites. Aucune nouveauté à l'article 23, qui est identique à la version déposée en octobre à l'Assemblée nationale.
Quel arbitrage sur les petites retraites ? Quel seuil ? 1 200 euros ? « La discussion est en cours, il n'est pas encore possible de répondre », répond Matignon.
5 - À ce stade, qui vera sa retraite revalorisée en 2025, et quand ?
Dans la version actuelle du PLFSS et en suivant les annonces gouvernementales, voici le calendrier que l'on peut anticiper en 2025 pour les régimes de retraite de base :
- Aspa (minimum vieillesse) : hausse en janvier 2025 (de 2,3% ?)
- Petites retraites : hausse en janvier 2025... appliquée de façon rétroactive en juillet, via un rattrapage de l'absence de hausse sur les six premiers mois de 2025. Une hausse en deux temps, en janvier puis en juillet, est techniquement impossible selon la Cnav. Et une hausse avec des taux différenciée n'est pas envisagée à ce stade. La hausse sera de 1,8% ou moins, comme pour les autres retraités.
- Retraites de base (Carsat, Cnav, SRE, etc.) : hausse sur la pension de juillet 2025, probablement de +1,8% ou légèrement moins selon l'évolution de l'inflation.