L'essentiel
- Des experts de la Banque de France enseignent, en classe, aux enfants l'importance d'une gestion financière responsable et la prévention contre les cyberarnaques.
- Selon une étude, seuls 18% des élèves discutent fréquemment d'argent à l'école et plus de la moitié des 8-14 ans ne comprennent pas ce sujet.
- Les enseignants soulignent l'importance de discuter de sujets financiers dès le plus jeune âge, car les enfants sont souvent confrontés à ces questions via jeux vidéo ou achats en ligne.
« Pourquoi est-ce important d'avoir plus de ressources que de dépenses ? », demande Karine Lautredoux, habituellement chargée de dossiers de surendettement à la Banque de France, à la trentaine d'enfants de 10 à 11 ans qui l'entourent dans une classe de CM2 de l'école élémentaire des Vieilles Vignes, à la Ferté-Alais (Essonne).
« C'est en mettant en place le passeport financier pour les classes de 4ème qu'on s'est aperçu que rien n'est prévu pour les plus jeunes »
Les réponses fusent : « pour pouvoir acheter quelque chose de plus cher », ou « au cas où on a un souci ». Quel genre de souci ? « Comme si on perd son travail, ou si la maison brûle », avance timidement une fillette. « C'est en mettant en place le passeport financier pour les classes de 4ème qu'on s'est aperçu que rien n'est prévu pour les plus jeunes », retrace Isabelle Le Houezec, qui intervient aux côtés de Karine Lautredoux.
« Or il y a une demande, car les enfants sont rapidement confrontés à ces questions », souligne Isabelle Le Houezec. Par le biais de jeux vidéos ou d'applications par exemple, qui intègrent souvent des dimensions économiques ou des achats, mais aussi dans la vie de tous les jours, le plus souvent par leurs parents.
« Amazon plutôt que le magasin »
Seuls 18% des élèves abordent fréquemment le sujet à l'école, d'après une étude de l'institut Harris Interactive pour le compte de la Fédération bancaire française (FBF) parue lundi, et plus de la moitié des enfants de 8 à 14 ans confesse « ne pas y comprendre grand chose ».
« Avec la carte bancaire, le sans contact et le numérique, on n'a plus vraiment ce geste de compter, de rendre la monnaie », estime Aurélie Gomes, leur enseignante à l'école des Vieilles Vignes de la Ferté-Alais, pour qui « le numérique change forcément le rapport à l'argent ». D'où la nécessité de « leur expliquer comment ça marche, de rendre ça tangible ». « Pour beaucoup, la référence de l'achat c'est déjà plus Amazon que le magasin », note l'enseignante.
Selon l'étude réalisée pour la FBF, 83% des élèves sont présents sur des jeux en ligne ou des réseaux sociaux, et à l'âge de 10 ans, la moitié des enfants interrogés ont déjà réalisé une transaction sur internet. Un tiers de ces derniers estime avoir déjà fait l'objet d'une tentative d'arnaque. Et parmi ce tiers-là, 9% indiquent que la mésaventure s'est soldée par une perte d'argent.
En prenant des exemples pratiques - « quelqu'un me demande mes informations », « je reçois un SMS d'un numéro inconnu » - Isabelle Le Houezec explique aux enfants comment se prémunir du phishing.
« Délicatesse »
« Mon père il a eu ça ! », se souvient Tiago au premier rang : « son banquier lui a demandé quelque chose, et en fait ce n'était pas lui mais un autre monsieur qui lui a volé des sous ». Un tel atelier dispensé dans le cadre de l'éducation scolaire, c'est une façon de réagir contre le développement des arnaques et menaces cyber, qui touchent particulièrement les plus jeunes, les 18-24 ans étant la catégorie la plus à risque, expliquent les formatrices. Et de s'assurer que tous les élèves reçoivent les bases d'une éducation financière bien en amont de leurs premiers salaires.
« C'est important de connaître l'argent pour ne pas finir embêté »
« On essaie d'aborder ces sujets avec délicatesse parce qu'il y en a chez qui ça peut être compliqué à la maison », souffle Aurélie Gomes, en allusion notamment à des situations familiales où les parents sont peu à l'aise avec les questions financières ou la technologie.
Les élèves sont réceptifs, et à la fin de la journée, la quasi-totalité estime avoir appris des choses utiles pour plus tard. « C'est important de connaître l'argent pour ne pas finir embêté », s'exclame un des enfants, « ou endetté d'ailleurs ».