François Bayrou leur a demandé de rediscuter, sans « tabou », de la dernière réforme, sans toucher à l'équilibre financier global, et promis de soumettre au Parlement tout accord, même partiel. Une concession faite en janvier par le Premier ministre pour éviter une censure du budget par les socialistes.
La Cour des comptes est chargée de poser le cadre économique de ce débat sensible : elle remettra son rapport au Premier ministre mercredi matin, puis le présentera aux partenaires sociaux à 10H30. La première réunion de négociations, elle, se tiendra le 27 février, selon plusieurs sources syndicales, soit huit jours plus tard, « parce qu'il n'y a pas de salle libre et assez grande pour recevoir tout le monde avant », persifle un responsable syndical auprès de l'AFP.
Les discussions se poursuivront ensuite les jeudis après-midi, jusqu'à fin mai au moins. L'initiative avait été saluée par les syndicats, qui n'avaient pu infléchir la dernière réforme malgré de très nombreuses manifestations géantes contre une loi qui, notamment, fait passer de 62 à 64 ans l'âge légal de départ. Mais à l'approche des premières discussions, certains points fâchent.
Quel déficit ?
La liste des invités, avec la présence d'une organisation non représentative (Unsa) mais sans Solidaires ou la FSU, côté syndical, et de l'organisation agricole FNSEA mais sans l'UDES (employeurs de l'économie sociale et solidaire), côté patronal, reste décriée.
En outre, les partenaires s'inquiètent du « flou », tant sur la méthode que sur le périmètre, avec des négociations mêlant privé, public, agriculteurs, indépendants... « On mélange tout », s'agace Frédéric Souillot (FO), qui craint qu'à la fin, « on nous dise que le déficit est de 55 milliards d'euros », comme le répète François Bayrou, pour mieux « lorgner une fois de plus sur les réserves de l'Agirc-Arrco (régime de retraites complémentaires) ».
Mais cela ne semble pas être l'option retenue par la Cour des comptes. Son président, Pierre Moscovici, a fait savoir que les chiffres seraient « un peu moins bons que ceux » du Conseil d'orientation des retraites (COR), l'organisme chargé des estimations officielles. Lequel évoque plutôt un déficit de 10 à 15 milliards en 2030, loin du chiffre du Premier ministre, dont la position est minoritaire chez les économistes et experts.
« Le Premier ministre s'est complètement trompé sur l'histoire du déficit caché », tacle Denis Gravouil, secrétaire confédéral de la CGT, interrogé dimanche sur BFMTV. « Le problème n'est pas l'âge de départ, le problème ce sont les recettes », ajoute-t-il, estimant par exemple qu'instaurer « l'égalité des salaires entre les femmes et les hommes (...) rapporterait 6 milliards d'euros aux caisses de retraite ».
Le mirage d'un compromis
Le patronat avance aussi ses propositions (gouvernance, capitalisation, etc.) et refuse mordicus toute mesure qui entraînerait une augmentation de sa contribution. Ainsi, le président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), Amir Reza-Tofighi, a proposé que les salariés travaillent trois jours fériés par an, et mettent le salaire correspondant sur un compte en vue de leur retraite.
Le président du Medef, Patrick Martin, prône la contribution de certains retraités au financement de la protection sociale. « A partir du moment où les retraités sont ceux qui votent le plus et qu'ils sont de plus en plus nombreux, un certain nombre de propositions sont des suicides », remarque toutefois un parlementaire, issu du bloc central.
Dans ce contexte, comment arrive-t-on à des compromis ? « On n'y arrivera pas », prédit M. Souillot. « Les voies de passage sont très étroites », admet la leader de la CFDT, Marylise Léon, dans la Tribune Dimanche. Les débats pourraient se prolonger au-delà des trois mois annoncés, selon le gouvernement. Un possible délai supplémentaire qui fait sourire un syndicaliste : « On a bien compris que les partenaires sociaux avaient en main la durée de vie du gouvernement ».