Retraite : les perdants et « gagnants » des hausses finalement prévues pour 2025

1 - Ce qui était prévu avant, sans « gel », report ni recherche d'économies

« En 2025, la revalorisation des pensions s'élèverait à 2,3% en moyenne annuelle en appliquant » la règle de revalorisation habituelle, utilisée l'an passé notamment, « au 1er janvier ». Extrait du rapport provisoire de la commission des comptes de la Sécurité sociale, publié lundi 14 octobre.

En temps normal, la hausse des retraites de base se calcule en faisant la moyenne de l'inflation mensuelle sur douze mois. De novembre 2023 à octobre 2024 en l'occurrence. L'estimation réalisée par MoneyVox avec l'inflation mise à jour confirme cette prévision de 2,3%.

Donc les économies cherchées par le gouvernement partent bien de cette hypothèse-ci : une hausse « théorique » de 2,3% pour toutes les retraites de base en janvier 2025.

Retraite : voici le pourcentage de hausse 2025 (si elle était maintenue en janvier)

2 - Ce que prévoyait initialement le gouvernement pour économiser 4 milliards d'euros

Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025 prévoit à ce stade, à l'article 23, un report de six mois de la revalorisation annuelle. Exit la hausse théorique de 2,3%, pour laisse place à une augmentation globale estimée - de façon provisoire - par Bercy à 1,8% pour la pension de juillet 2025.

L'économie visée ? 3,9 milliards d'euros au total selon l'étude d'impact du projet de loi : « Le décalage de 6 mois de la revalorisation des pensions de retraite de base (...) correspondrait à une économie nette de l'ordre de 2,9 milliards d'euros en 2025 pour la Sécurité sociale. » S'y ajoute « l'effet sur les retraites dans les régimes compensés par l'Etat, notamment sur les retraites des fonctionnaires de l'État », soit un milliard d'euros d'économies en plus.

Mais ce décalage de revalorisation permet aussi des économies durables, car les pensions progressent moins que prévu (1,8% au lieu de 2,3%) en 2025 : « Cet impact se stabiliserait autour de 3 milliards d'euros en 2026 et 2027. »

3 - La nouvelle solution suite au compromis obtenu par les LR

Finalement... La copie est revue et corrigée : « D'abord, une revalorisation pour toutes les retraites dès le 1er janvier, représentant la moitié de l'inflation », explique le chef de file des députés LR, Laurent Wauquiez, qui affirme avoir conclu ce compromis avec le Premier ministre Michel Barnier. « Et un bouclier anti-inflation pour les retraités modestes dont la pension est inférieure au Smic. » Annonce faite par Laurent Wauquiez, donc, au 20h de TF1 lundi 11 novembre.

« Un bouclier anti-inflation pour les retraités modestes dont la pension est inférieure au Smic »

Confirmation le mardi 12 novembre au matin, via le ministre chargé du Budget Laurent Saint-Martin, sur France 2 : « Au 1er janvier, l'ensemble des retraites sera revalorisé à hauteur de 0,9% probablement, c'est-à-dire la moitié de l'inflation - on verra exactement quelle sera l'estimation sur l'inflation. (...) Et au 1er juillet 2025, il y aura un rattrapage pour toutes les retraites qui sont en dessous du niveau du Smic pour qu'il n'y ait pas justement de perte de pouvoir d'achat. »

Retraites de base : ce que prévoit finalement le gouvernement Barnier pour les hausses 2025

4 - Côté perdants. Quelle augmentation pour une pension moyenne en 2025 ?

Première simulation pour Patricia, qui touche une retraite « moyenne », selon la dernière étude de la Drees : 1 662 euros net. Une retraite tout compris : la pension de base, versée par votre Carsat ou Cnav si vous avez fait votre carrière dans le privé + la complémentaire Agirc-Arrco. En moyenne, la complémentaire représente un peu moins du tiers de la pension globale. Schématiquement, disons que Patricia touche une complémentaire de 554 euros, en net, après CSG et CRDS, et une pension de base de 1 108 euros.

La hausse 2025 avec ce nouveau compromis. Sa complémentaire a déjà été revalorisée en novembre, sur le dernier versement reçu, le 4 novembre dernier. La prochaine hausse de l'Agirc-Arrco n'interviendra qu'en novembre 2025, dans un an. Sa retraite globale dépassant le niveau du Smic, Patricia ne touchera que la hausse annoncée à 0,9%, soit « la moitié de l'inflation ». Résultat : 1 118 euros, soit 10 euros de plus par mois. 120 euros sur l'année.

Y perdez-vous par rapport au gel de 6 mois ? Sur l'ensemble de l'année 2025, cela revient au même que la hausse de 1,8% prévue initialement en juillet : 10 euros par mois en plus pendant toute l'année... au lieu de 20 euros par mois sur le second semestre. En revanche, Patricia y perdra à long terme : fin 2025 sa pension de base sera de 1 118 euros au lieu de 1 128 euros avec le seul gel de 6 mois. Pire : la future revalorisation 2026 (et les suivantes) ne compensera pas la hausse rognée en 2025. Par exemple, si la hausse 2026 est de 1%, sa pension passe à 1 129 euros en 2026, alors qu'elle aurait été de 1 139 euros avec un simple report plutôt qu'avec une hausse rognée de moitié. En clair : ce compromis est le plus défavorable des scénarios, à terme, pour une retraite moyenne ou un foyer retraité plus aisé.

Ce compromis est le plus défavorable des scénarios, à terme, pour une retraite moyenne ou un foyer retraité plus aisé

Ce que vous auriez dû toucher initialement. Si la hausse théorique de 2,3% était appliquée, Patricia toucherait un peu plus de 1 133 euros net par mois en 2025 : 25 euros de plus par mois, soit 300 euros sur l'année.

5 - Côté « gagnants ». Quelles hausses en 2025 pour une petite retraite ?

Qui seront les « petites retraites » profitant du « bouclier anti-inflation » ? Matignon doit préciser ce seuil situé au « niveau du Smic ». Prenons le montant désormais symbolique d'une petite retraite de 1 200 euros, en net, pour Philippe. Pour les retraites modestes, la part de l'Agirc-Arrco est plus faible. En 2024, Philippe touche 850 euros de sa Carsat et 350 euros de l'Agirc-Arrco.

La hausse 2025 avec ce nouveau compromis. La retraite de base de Philippe grimpe de 0,9% en janvier, à près de 858 euros. Quasi 8 euros de mieux. Puis sa pension progressera encore en juillet, de 0,9% à nouveau si les prévisions d'inflation du gouvernement se confirment. Résultat, 865 euros à partir de juillet (1). Quasi 8 euros de mieux, à nouveau, soit 15 euros par rapport à 2024 et 180 euros en tout sur l'année 2025, grâce au rattrapage annoncé du manque à gagner sur le début d'année (42 euros).

Est-ce vraiment mieux que le gel de 6 mois ? Si sa pension avait été gelée au premier semestre, elle serait restée à 850 euros puis aurait grimpé à 865 euros à partir de juillet. Soit 15 euros de mieux mais sur un semestre seulement, donc 90 euros sur l'année. Le compromis est favorable aux « petites retraites » sur l'année 2025 et à la différence de l'exemple de Patricia, Philippe n'aura aucun manque à gagner durable en 2026 et les années suivantes.

Ce que vous auriez dû toucher initialement. Il n'empêche. Sans cette quête d'économies, toutes les retraites de base auraient dû progresser de 2,3% dès janvier. Celle de Philippe aurait dû passer à près de 870 euros. De ce point de vue, mêmes les petites retraites sont perdantes.

(1) Toutes les simulations sont arrondies.