Dans sa quête des 40 milliards d'économies qu'il compte trouver pour le budget 2026, le gouvernement pourrait opter, en partie du moins, pour une année blanche. C'est « une piste sur la table », a confirmé dimanche le ministre du Commerce extérieur Laurent Saint-Martin sur France inter, qui consiste à reconduire à l'identique certaines dépenses de l'Etat, sans tenir compte de l'inflation.

Cette piste aurait le mérite, selon le ministre, de « freiner et de refroidir la dépense publique ». Ses défenseurs, à l'instar du Haut-commissaire à la stratégie et au plan, Clément Beaune, dimanche au Grand Jury RTL/M6/Le Figaro/Public Sénat, louent la « simplicité », « l'automaticité », et « le rendement très important » d'une telle mesure du point de vue comptable sur les économies budgétaires.

Mais alors que les ministres de Bercy ont repris mercredi les consultations politiques sur le budget - dans un contexte de divisions à l'Assemblée nationale et après un budget 2025 qui avait mis des mois à être adopté - à la France insoumise comme au Rassemblement national, l'idée d'une année blanche est fustigée.

« Aucun arbitrage » de pris

Le député insoumis de Seine-Saint-Denis Eric Coquerel a déploré dimanche sur LCI « une très mauvaise solution » qui pourrait engendrer « des effets récessifs (...) surtout pour les plus défavorisés ».

Au Rassemblement national, le député Jean-Philippe Tanguy assimilait mercredi l'idée au « néant de la politique ». Son collègue Sébastien Chenu voit quant à lui dans « une année blanche » « rien d'autre qu'un impôt déguisé », qu'il compte « empêcher » lors des débats à venir, a-t-il indiqué au Journal du Dimanche.

Même chez Les Républicains, pourtant membres du gouvernement de François Bayrou, la mesure laisse sceptique : c'est « l'inverse de la bonne stratégie », a estimé dimanche le vice-président délégué de LR, François-Xavier Bellamy, sur Europe 1.

Une épine de plus dans le pied du gouvernement qui repose sur une coalition à l'équilibre précaire et des dissensions déjà marquées au sein de la majorité : mercredi dans Les Echos, la présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet estimait que la majorité ne pouvait pas « exclure d'emblée toute hausse d'impôts » pour le budget, à rebours des discours du gouvernement. Le même jour, le chef des LR à l'Assemblée Laurent Wauquiez brandissait la menace : « aucune augmentation d'impôt, sinon on ne vote pas le budget ».

Concernant l'année blanche, « aujourd'hui, l'arbitrage sur le principe n'est pas encore pris », tempère-t-on au sein d'un cabinet de Bercy. Surtout, la « fourchette » d'économies « dépendra vraiment du périmètre » choisi dans l'hypothèse où François Bayrou retiendrait l'option de l'année blanche, explique cette même source à l'AFP.

Fusil à un coup

Car les chiffres qui circulent varient : l'Institut des politiques publiques (IPP) a estimé fin juin qu'une année blanche engendrerait un gain budgétaire de 5,7 milliards d'euros. Un chiffre repris samedi par le patron du Medef Patrick Martin, pour qui cette mesure serait donc « un pis aller », sans grande portée étant donné l'ampleur des économies à trouver. Et « ça ne doit pas être l'écran de fumée (cachant) une non-décision sur les dépenses structurelles de l'Etat, des collectivités locales et des régimes sociaux » a-t-il ajouté, dans une interview diffusée sur Boursorama.

Clément Beaune mettait dimanche en avant d'autres chiffres circulant dans la presse, « 15 à 20 milliards d'euros », ce qui représente à peu près 1% des dépenses publiques (environ 1 670 milliards d'euros en 2024). Mais y compris au sein du gouvernement, la piste d'une année blanche trouve ses limites : « C'est un one shot », a expliqué Laurent Saint-Martin sur France inter, « ça ne résout pas durablement l'équilibre de nos finances ». En 2024, le déficit public a atteint 5,8% du PIB. Le gouvernement affiche l'objectif de le ramener sous la barre des 3% d'ici 2029.