Si un compromis a pu être trouvé mardi à l'Assemblée sur le budget de la Sécurité sociale, l'adoption de celui de l'Etat pour 2026 dans les délais constitutionnels s'annonce plus difficile encore. Les discussions sur ce texte, déjà clivant, s'annoncent d'autant plus ardues qu'il va falloir compenser les concessions ayant permis d'arracher le vote des députés mardi.

En effet, le gouvernement compte toujours limiter le déficit public à 5% du produit intérieur brut (PIB) en 2026. Il faut donc trouver 4,5 milliards d'euros supplémentaires pour compenser la contribution que l'Etat va verser à la Sécu pour qu'elle contienne son propre déficit.

« La barre est haute » mais « je reste convaincu qu'une adoption du budget avant la fin de l'année est possible » à condition que « chacun y mette du sien », a estimé jeudi le ministre de l'Economie et des Finances, Roland Lescure, lors d'une rencontre organisée par l'Association des journalistes économiques et financiers (Ajef).

Sans majorité pour ce texte au Parlement avant le 31 décembre, le gouvernement, qui semble toujours exclure de recourir à l'article 49.3 de la Constitution, devrait faire passer, comme l'année dernière, une « loi spéciale ». Ce qui permet seulement de percevoir les impôts existants et gèle les dépenses publiques au même montant qu'en 2025.

Selon les calculs de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), ce régime exceptionnel appliqué à l'ensemble de l'année 2026 ferait perdre 6,5 milliards d'euros de recettes à l'Etat. Les dépenses publiques seraient elles réduites de trois milliards et le déficit public pourrait s'établir à 5,5% du PIB, après 5,4% attendus par le gouvernement en 2025. Le scénario serait évidemment moins sombre si les discussions budgétaires aboutissaient finalement en début d'année 2026.

« Dédramatiser » la loi spéciale

Pour Stéphane Colliac, économiste de BNP Paribas, la perspective d'une « loi spéciale » doit être « dédramatisée ». « Il n'y a pas de problème à prolonger le budget de 2025 en 2026 pour une période de temps assez limitée », explique-t-il. Selon lui, il vaut mieux prendre « un peu plus de temps pour aboutir à un résultat et à un vote ».

En cas d'accord sur ce budget avec un déficit public à 5% du PIB, « on reste dans les clous pour aboutir à 3% de déficit à la fin de la décennie », l'objectif que s'est fixé la France pour respecter ses engagements européens.

Malgré ce « chaos politique et budgétaire », la France est « plutôt dans une dynamique un peu plus positive pour 2026 », juge Charlotte de Montpellier, économiste de la banque ING. « Ménages et entreprises commencent à s'habituer à cette instabilité », résume-t-elle.

« Pour l'instantnon seulement ça tient, mais ça croît », a déclaré M. Lescure jeudi. Après un début d'année poussif, la consommation des ménages, traditionnel moteur de l'économie française, est repartie à la hausse depuis le printemps. Côté entreprises, l'activité résiste et les dirigeants semblent plus optimistes sur leurs perspectives.

Dans ce contexte, la Banque de France compte relever ses prévisions de croissance lors de leur prochaine actualisation, le 19 décembre, a annoncé son gouverneur, François Villeroy de Galhau, mercredi sur Europe 1.

L'institution tablait jusqu'ici sur une progression du PIB tricolore de 0,7% en 2025 et 0,9% en 2026. L'Insee et le gouvernement ont déjà relevé leur prévision de croissance à 0,8% pour 2025.

« A mon avis, la croissance cette année n'aurait pas été de 0,8% mais de 1,1% s'il n'y avait pas eu cette incertitude politique, qui a quand même un coût », a cependant estimé auprès de l'AFP Maxime Darmet, économiste d'Allianz Trade.