Le Sénat dominé par la droite, mais qui n'a pas le dernier mot au sein du Parlement, devrait enterrer provisoirement dès mardi soir la suspension de la réforme des retraites, principale condition mise par les socialistes pour ne pas censurer les textes budgétaires.

Mais « on va y arriver », a assuré Sébastien Lecornu dans une allocution surprise, lundi dans la cour de Matignon, dont n'avaient pas été avertis les présidents des deux chambres Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher.

Et ce malgré le rejet du projet de budget de l'Etat en première lecture vendredi par la quasi-unanimité des députés.

Le Premier ministre propose une nouvelle méthode : l'organisation de débats suivis de votes au Parlement sur plusieurs « priorités absolues » à commencer par la défense mercredi prochain, puis le narcotrafic, selon le ministère des Relations avec le Parlement.

Sébastien Lecornu a aussi évoqué des débats sur l'agriculture et sur l'énergie, soit autant de thèmes chers à la droite.

Le patron du Parti socialiste garde aussi espoir d'un compromis budgétaire avant la fin de l'année.

« Nous avons besoin de faire avancer le pays », a-t-il plaidé mardi sur franceinfo, refusant un « échec collectif » et regrettant que la France insoumise et le Rassemblement national cherchent à « faire dérailler le train ».

Deux formations dont Sébastien Lecornu a dénoncé lui aussi le « cynisme » et la volonté de « blocage ».

- « Franc jeu » -

Tel un « éclaireur », le Premier ministre entend « aiguiller » les débats avec des « leviers » pour que « chaque camp se positionne », dont le sien de la droite et du centre, qui n'a pas voté le budget de l'Etat en première lecture, explique un proche.

Sébastien Lecornu « veut jouer franc jeu : il y a des enjeux plus importants, internationaux et régaliens, que telle ou telle taxe », et donc « mieux vaut un mauvais budget que pas de budget », complète-t-il.

Mais la droite semble avoir abandonné tout espoir d'une percée sur le budget. Le patron des Républicains Bruno Retailleau préfère « une loi spéciale » pour pallier l'absence de budget et assurer la continuité de l'Etat dans les premiers mois de 2026.

Le locataire de Matignon n'en est pas à sa première méthode. Il a d'abord renoncé à utiliser l'article 49.3 de la Constitution pour redonner entièrement la main au Parlement.

Puis fin octobre, considérant que « le changement culturel n'intervient pas aussi vite » qu'il l'avait « imaginé », il avait invité ses ministres à recevoir les groupes parlementaires pour arrêter « les grands principes de l'atterrissage » des textes.

- « Godille » -

Autant de manières de procéder qui interrogent ses soutiens.

Le président de la commission des Affaires sociales de l'Assemblée nationale Frédéric Valletoux (groupe Horizons) fustige dans L'Opinion un gouvernement qui « se contente de faire les additions des mesures votées, comme s'il allait rejeter par avance la faute de l'échec des discussions sur le Parlement ».

Or le gouvernement « ne peut pas se défausser et se placer uniquement en spectateur », étant donné que les parlementaires « travaillent sur la base de propositions qui viennent » de lui, souligne-t-il.

Un cadre du bloc central pense qu'en réalité le Premier ministre « godille en fonction des événements matin, midi et soir ».

Les examens des budgets de l'Etat et de la Sécurité sociale se poursuivent cette semaine au Sénat mais les perspectives de compromis sont faibles. Le premier a été rejeté par l'Assemblée vendredi soir et la chambre haute est en train de détricoter celui de la Sécurité sociale.

Mais si le projet de budget de la Sécu, avec la suspension de la réforme des retraites, « réussit à passer le cap de l'Assemblée » lors d'une deuxième lecture, « c'est évident que ça enclenche du positif pour la suite », reconnaît ce cadre.

« Cela ancre l'idée que les socialistes auront obtenu ce qui était le point majeur pour eux », avec l'idée qu'ils pourraient ensuite valider le budget de l'Etat.

Reste que « c'est difficilement prévisible parce qu'on n'a pas de visibilité », pointe-t-il.

En attendant, Sébastien Lecornu se prépare « à toutes les hypothèses », selon ce proche. Y compris celle de finir censuré comme Michel Barnier il y a an.

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