« On va laisser faire du théâtre sans s'énerver », confie un proche de François Bayrou qui « n'a pas envie de mettre de l'huile sur le feu » à l'aube d'une semaine décisive pour le gouvernement.
Après l'adoption par le Sénat du projet de loi de finances, le gouvernement entre dans une phase de négociations délicates avec les parlementaires, notamment socialistes, pour trouver un compromis susceptible d'être validé jeudi par la commission mixte paritaire, où siègent 7 sénateurs et 7 députés. Ou à défaut, avant l'usage probable de l'article 49.3 sur le texte revenu à l'Assemblée nationale, qui exposerait le Premier ministre à une motion de censure.
Après avoir évité le couperet sur la déclaration de politique générale moyennant plusieurs concessions au PS, le gouvernement reste « sur un fil au-dessus du vide », résume ce proche. « Tout ça est très instable, il faut être prudent ». La ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin a dit vendredi son « entière disponibilité » avec son collègue de l'Economie Eric Lombard pour « éclairer » les parlementaires sur les « points de convergence », afin de donner « toute sa chance au compromis ».
« Disponibilité »
« On fait des équilibres. Si on fait plus quelque part, il faut faire moins ailleurs. C'est ça qu'on construit », a expliqué la ministre sur franceinfo, alors que le budget est contraint par un déficit que l'exécutif veut ramener à 5,4% du PIB. Le coût d'un compromis dans ce cadre « est infiniment inférieur au coût de la censure » évalué à 12 milliards par le gouvernement, a-t-elle de nouveau plaidé.
Quelques ballons d'essai ont néanmoins été lâchés par Matignon, comme la piste des sept heures de travail supplémentaires par an, avancée par la ministre des Solidarités Catherine Vautrin pour financer la Sécurité sociale, au risque d'envenimer les concertations.
La ministre du Travail Astrid Panosyan-Bouvet a de son côté suggéré que des retraités y contribuent aussi. Il s'agissait pour le coup d'une « position personnelle », a-t-on balayé rue de Varenne.
Le président Emmanuel Macron s'en est aussi mêlé, protestant avec les sportifs contre une baisse de leur budget.
La porte-parole du gouvernement Sophie Primas récuse elle toute « cacophonie », préférant parler de « polyphonie » de ministres « d'expérience » désireux d'avancer « des solutions » sur lesquelles le Premier ministre et le Parlement trancheront.
Autant de « chiffons rouges » susceptibles d'inquiéter le député socialiste Philippe Brun, reçu à Bercy mercredi. Il ne veut pas non plus entendre parler d'une baisse de l'Aide médicale d'Etat pour les sans papiers, comme réclamée par la droite, que le gouvernement veut aussi ménager.
« Bonne Paye »
« Rien n'est acquis. Il nous faut des choses concrètes. Le gouvernement a des marges pour avancer », renchérit son collègue sénateur Thierry Cozic.
Mais « c'est pas (le jeu de) La Bonne Paye », prévient une élue macroniste. Au PS, « ils ont des badges permanents dans les ministères. Quand on voit tout ce qu'on leur a lâché, j'espère que le PS se doutait quand même qu'il faudrait aller chercher des sous autre part ».
Le gouvernement n'a pas de toute façon la capacité à sortir du bois sur ses intentions, car il risque de « perdre tous les bras de fer », que ce soit avec la gauche ou la droite, estime une source ministérielle. « Il n'y a aucun objet à 10 chiffres (1 milliard) en capacité de passer le cap » des oppositions. Il n'a pas besoin non plus d'abattre ses cartes dès la CMP car les soutiens du gouvernement y sont majoritaires. Il pourra encore attendre la motion de censure déposée après le 49.3.
De fait la stratégie de Bayrou, « c'est le camp brouillard », complète cette source. Le projet de loi de finances ne fait ainsi « pas le lien entre l'économie présentée et ce que ça signifie concrètement », au risque d'agacer les parlementaires, avertis à la dernière minute des amendements gouvernementaux.
Reste à savoir si le PS censurera le gouvernement alors que les partenaires sociaux, en parallèle, renégocient la réforme des retraites. Mme de Montchalin veut « donner toute la chance à la démocratie représentative » mais aussi « à la démocratie sociale ».