DUO AVEC FAURE

Sébastien Lecornu et Olivier Faure ont mené la danse des négociations budgétaires, partageant l'espoir d'un compromis.

De concert, ils assuraient pouvoir arriver à un accord et mettaient tous les deux en garde contre l'absence de budget, qui aurait fait flamber le déficit de la Sécu à 30 milliards d'euros.

Au risque d'oublier un peu leurs ouailles. La fragile coalition gouvernementale de la droite et du centre, divisée, n'a pas voté le projet de budget de l'Etat en première lecture.

« Je n'ai jamais demandé d'aider Lecornu » s'est défendu mardi le Premier secrétaire du PS. « Simplement de voter un texte de compromis ».

Un député Renaissance préfère parler d'une « entente de circonstances pour tenter de briser la tenaille des populistes ».

CONCESSION SUR LES RETRAITES

C'est le principal renoncement du camp présidentiel, qui a permis d'enclencher les débats : la suspension, jusqu'à la présidentielle, de l'emblématique réforme des retraites.

A défaut d'une taxe Zucman sur les hauts patrimoines, les socialistes ont aussi obtenu une augmentation de la contribution sociale généralisée (CSG) sur le capital. Même s'ils ont dû concéder au camp gouvernemental une réduction du périmètre de la hausse, au terme de moult tractations.

ABANDON DU 49.3

Autre geste en direction des socialistes, Sébastien Lecornu a renoncé à utiliser le 49.3, qui permet de faire passer un texte sans vote mais expose à la censure.

Il n'a pas voulu revenir sur sa promesse, malgré l'appel de plusieurs responsables à le réactiver face au risque de rejet du texte.

Il a salué mardi une « majorité de responsabilité » qui a permis l'adoption du texte, estimant que l'absence de 49.3 était « une chance pour la démocratie représentative ».

LE GRAND EFFACEMENT

A défaut de conclure un accord global, Sébastien Lecornu s'est engagé dans une stratégie des « petits pas ». Comme un « grand chef japonais, couteau très fin, on fait des sashimis » et « on jalonne », décrit un proche.

Très discret, il a mené ses tractations loin des médias mais aussi loin de ses soutiens, pas toujours informés.

L'effacement de celui qui se présente comme un « moine soldat » est devenu sa marque de fabrique. Particulièrement actif pour « accompagner le compromis » jeudi et vendredi, il n'était pas présent dans l'hémicycle pour les derniers votes.

« Il nous a dit +humilité, équipe de mission, et accompagnement vers un compromis+. Et on s'y est tenus », résume une ministre impliquée dans les débats.

Ne comptant pas ses heures dans l'hémicycle, c'est davantage la ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin qui a pris la lumière et a « beaucoup aidé » en pédagogie, salue une ministre.

DERNIERS GESTES

Alors qu'il lui manquait encore « quelques voix », le Premier ministre a obtenu l'abstention des écologistes en déposant juste avant le vote final un amendement augmentant les dépenses d'assurance maladie de 3%.

En direction des élus d'Outre-mer, il a fait passer un financement supplémentaire pour la santé de ces territoires.

SOCLE EN SOUFFRANCE

Après l'adoption, « on va être comme dans les dessins animés, tout noirs, en lambeaux », prédisait un cadre du bloc central en pointant un déficit de la Sécu qui approche les 20 milliards d'euros.

La droite de la fragile coalition gouvernementale - LR et Horizons - a moyennement apprécié les compromis passés avec la gauche, et s'est réfugiée dans l'abstention.

Le président d'Horizons et candidat déclaré à la présidentielle Édouard Philippe avait annoncé qu'en l'état, il ne voterait pas ce budget, de quoi potentiellement faire capoter son adoption. Refusant toutefois le « chaos », il avait précisé lundi qu'il « ne proposait pas de voter contre ».

ET APRÈS

Le marathon budgétaire est loin d'être terminé pour Sébastien Lecornu, car il ne s'agissait que du deuxième passage du budget de la Sécu devant les députés, qui va repartir au Sénat.

Le Premier ministre va devoir aussi s'atteler au projet de budget de l'Etat, qui promet d'être plus « difficile » encore à faire adopter que celui de la Sécu, selon lui. Le chef de file des députés MoDem Marc Fesneau prône déjà d'utiliser le 49.3.

Fort de cette victoire, « la prochaine étape » sera pour lui « de penser à la présidentielle », anticipe même un député Renaissance.