Version numérique de l'argent détenu en espèces, le sort de l'euro numérique promu par la Banque centrale européenne (BCE) pour garantir la souveraineté européenne doit être décidé au Parlement européen mi-2026.

« Que les choses soient claires, quiconque s'oppose à l'euro digital, va à l'encontre de l'euro et de l'Union européenne », a posté Aurore Lalucq, présidente de la Commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen, sur le réseau LinkedIn il y a une semaine.

Martina Weimert, patronne d'European Payments Initiative (EPI), promoteur de la solution privée de paiement instantané Wero, avait pour sa part appelé il y a un mois à revoir le projet d'euro numérique pour éviter « des situations de concurrence inégale ». La crainte du système bancaire européen est de devoir financer le coût du développement de l'euro numérique, après avoir déjà payé celui de systèmes de paiements privés, tel Wero.

Wero permet d'envoyer et de recevoir de l'argent via des virements instantanés de compte à compte en France, en Allemagne et en Belgique. EPI teste actuellement le paiement en ligne sur les sites de e-commerce en Allemagne avant la Belgique et la France en 2026.

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Le débat est particulièrement sensible en France qui a déjà un service souverain de paiement par carte, le GIE carte bancaire, et où Wero, héritier du système Paylib, est bien implanté.

Les solutions privées « moins chères, plus rapides, souveraines », plaide le secteur bancaire

Les solutions privées sont « moins chères, plus rapides, souveraines », estime le directeur général adjoint de la Fédération bancaire française (FBF) François Lefebvre.

Le parlementaire européen Fernando Navarrete, rapporteur sur le sujet de l'euro numérique, est sur la même ligne : « l'euro numérique tel qu'il se présente aujourd'hui me paraît être une idée élaborée intellectuellement il y a de nombreuses années, dans un monde qui n'existe plus », déclare-t-il. Il plaide pour que l'Europe « apporte tout (son) soutien aux initiatives privées », plutôt que de dépenser « plusieurs dizaines de milliards qui pourraient devenir inutiles si une solution du secteur privé reçoit le soutien nécessaire pour atteindre une échelle paneuropéenne avant même que la BCE ne soit prête » à lancer l'euro numérique.

Pour étendre la portée de Wero à l'échelle européenne, EPI travaille à des partenariats avec des solutions nationales telles que Bizum (Espagne), Bancomat (Italie), SIBS MB Way (Portugal) et Vipps MobilePay (Danemark, Norvège, Finlande, Suède).

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Les atouts du « billet numérique »

Le problème est que les réseaux existants à l'échelle de quelques pays seulement « ne se développent pas très vite », et ne sont pas encore « interopérables » entre eux, souligne la sous-gouverneure de la Banque de France Agnès Bénassy-Quéré.

Elle salue l'existence de réseaux européens de paiement de particulier à particulier, mais ce qui leur manque ce sont les « paiements aux commerçants », explique-t-elle. L'avantage de mettre à disposition un billet numérique, c'est de faire des paiements chez les commerçants dans tous les pays de la zone euro « anonymement » et « éventuellement hors ligne ».

« Le défi, pour garantir la souveraineté européenne dans les paiements, sera de concilier toutes ces différentes initiatives », estime également Christophe Bories, chef du service du financement de l'Economie à la Direction générale du Trésor. « À court terme, nous estimons que la réduction de la fragmentation en Europe dépendra d'abord du soutien aux initiatives privées paneuropéennes », assure-t-il, mais « nous sommes particulièrement attachés à l'interopérabilité entre les initiatives, donc aussi entre l'euro numérique et les solutions de paiement privées ».

« Ce que le commerçant veut, c'est de la concurrence »

La souveraineté ? « C'est un sujet, mais ce n'est pas l'alpha et l'oméga de tout. Ce que le commerçant veut, c'est de la concurrence », rappelle, pragmatique, Charlotte Pagot, secrétaire générale de Mercatel, une association professionnelle spécialiste du paiement pour le commerce et la distribution. Donc, l'euro numérique, « pourquoi pas ? Mais, il faut que ce soit économiquement intéressant pour nous, techniquement pas trop complexe à mettre en place », et surtout penser aux clients, que ce soit « désirable et utile ».