LE PLAN B
Plusieurs solutions existent en théorie en cas d'échec du processus budgétaire : recourir à l'article 49.3 pour imposer un budget (ce qu'exclut le gouvernement); aux ordonnances, c'est-à-dire un texte qui permet à l'exécutif d'imposer des mesures sans passer par le Parlement (ce qui n'a jamais été fait pour le budget); à l'adoption d'une loi spéciale, sorte de reconduction du budget 2025 afin de percevoir les impôts existants.
Si le gouvernement espère un compromis en CMP, cette dernière option semble privilégiée en cas d'échec.
D'après une source dans l'entourage de Sébastien Lecornu, celui-ci « a demandé à ce que les équipes se tiennent prêtes à saisir le Conseil d'État sur une loi spéciale (pour faire fonctionner l'État, NDLR) en cas d'échec de la CMP », une hypothèse à laquelle il semble croire en raison de « la radicalité d'une petite partie du groupe LR du Sénat ».
Mardi, le président de la commission des Finances de l'Assemblée nationale, Eric Coquerel (LFI), a déclaré ne pas croire en un compromis sur le projet de budget de l'Etat.
Selon lui, une loi spéciale pourrait être examinée le 22 décembre au soir à l'Assemblée nationale en cas d'échec de la CMP, ou dès le 23 si l'Assemblée rejette le texte issu de la CMP.
QU'EST-CE QU'UNE LOI SPECIALE ?
Une loi spéciale doit permettre à l'appareil d'Etat de fonctionner en l'absence de budget voté et promulgué avant le 1er janvier.
Elle l'autorise à percevoir les impôts existants, sans nouvelles mesures fiscales, et s'accompagne d'un décret limitant les dépenses aux services votés l'année précédente et jugés indispensables pour poursuivre l'exercice des services publics.
Une loi spéciale ne dispense pas de la poursuite des débats début 2026 pour adopter un budget en bonne et due forme.
Contrairement aux Etats-Unis, la loi de finances spéciale en France permet d'éviter une paralysie budgétaire à l'américaine : les fonctionnaires sont payés, les retraites versées, les soins remboursés.
DES PRÉCÉDENTS
Le recours à une loi spéciale est rare, mais cet outil législatif a déjà été utilisé sous la Ve République. Son adoption ne présente normalement pas de difficulté particulière, car elle ne revêt pas de réel caractère politique.
En décembre 2024, le Parlement avait voté une telle loi après la chute du gouvernement Barnier. Un budget 2025 avait finalement été adopté mi-février.
Auparavant, le gouvernement Barre avait dû y recourir en 1979, après censure du budget pour 1980 par le Conseil constitutionnel.
Et en 1962, des élections législatives anticipées en novembre avaient rendu impossible l'adoption d'un budget dans son intégralité avant la fin de l'année. Le nouveau gouvernement Pompidou avait alors procédé en deux temps : le vote sur la partie recettes fin décembre, puis sur les dépenses en février 1963.
QUEL IMPACT POUR L'ÉCONOMIE ?
« La loi spéciale n'est pas un budget, c'est un service minimum qui ne peut pas durer sans conséquences lourdes sur la vie du pays et des Français », a déclaré à l'AFP la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin.
Dans une interview à La Montagne, elle précisait qu'avec un tel texte, le pays « n'investit plus », ne lance plus de projets, ne peut pas par exemple « engager un réarmement supplémentaire ».
Selon l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), ce régime exceptionnel appliqué à l'ensemble de l'année 2026 ferait perdre 6,5 milliards d'euros de recettes à l'Etat. Les dépenses seraient réduites de trois milliards d'euros et le déficit public pourrait atteindre 5,5% du PIB, après 5,4% attendus par le gouvernement en 2025.
Le scénario serait évidemment moins sombre si les discussions budgétaires aboutissaient début 2026.
Néanmoins, il compliquerait la trajectoire de la France pour réduire son lourd déficit public, que le gouvernement souhaite réduire à 4,7% l'an prochain.
Au 15 décembre, le déficit public prenait le chemin de 5,3% du PIB en 2026, selon le chiffrage présenté au Sénat par le gouvernement incluant le vote au Sénat sur le budget et le compromis trouvé sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), un niveau jugé « inacceptable » par le ministre de l'Economie Roland Lescure.
Si le gouvernement cible un déficit à 5% du PIB en 2026, « ça ne parait pas très bien parti », a affirmé le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici.

























