Si d'autres multinationales sont dans le viseur des ONG pour ce motif, telles TotalEnergies, BNP Paribas ou Casino, La Poste demeure à ce jour la seule à avoir été condamnée sur le fondement de cette loi de 2017.

En première instance, en décembre 2023, le tribunal judiciaire de Paris avait estimé que le plan de vigilance élaboré par l'entreprise publique n'était « pas conforme aux exigences légales en raison de son imprécision », après avoir passé au crible ses dizaines de pages.

La Poste avait été condamnée à réviser ce texte, rendu obligatoire par la loi, qui contraint les grandes sociétés (plus de 5.000 salariés en France ou plus de 10.000 dans le monde) à publier un plan de vigilance sur les risques humains et environnementaux de leurs activités, y compris au sein de leurs filiales, fournisseurs et sous-traitants.

Aucune astreinte financière ne lui avait été imposée.

Mardi, la cour d'appel de Paris a confirmé en partie la décision de première instance, estimant également que « la cartographie du plan de vigilance 2021 se caractérise par un trop haut niveau de généralité ».

La Poste « prend acte » de cette décision et salue dans un communiqué une « avancée significative sur le fond ».

« Une partie des dispositions du jugement confirmées par la cour d'appel n'étaient pas contestées en appel et avaient déjà été exécutées à la suite du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris, en parallèle de l'appel », poursuit-elle.

Le groupe appelle également à une « une application cohérente et proportionnée des obligations de vigilance, en ligne avec les principes internationaux et qui ne fragilise pas l'égalité des conditions de concurrence au sein de l'Union » européenne.

Selon la loi, un plan de vigilance doit comporter plusieurs mesures, dont une cartographie des risques permettant d'identifier de potentielles atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l'environnement, des procédures d'évaluation régulière ainsi que des mécanismes d'alerte et de suivi.

La Poste, qui emploie 232.700 collaborateurs, dont 22,7% hors de France, selon le jugement de la cour d'appel de Paris, avait été assignée en 2021 par le syndicat Sud PTT.

Directive européenne

L'avocate du syndicat, Céline Gagey, a déclaré mardi à l'AFP « se réjouir » de cette décision qui est « un signal fort » dans un contexte « difficile, alors que la directive (européenne) sur le devoir de vigilance est remise en cause ».

Sud PTT a également salué l'arrêt de la cour d'appel « alors que le président de la République se joint au concert des opposants au devoir de vigilance à l'échelle européenne en faisant passer la compétitivité avant tout », dénonce-t-il dans un communiqué.

La rédaction de cette loi avait été motivée par le drame du Rana Plaza, du nom de l'immeuble abritant un atelier de confection qui s'était effondré en 2013 au Bangladesh, faisant 1.138 morts.

Cette tragédie avait mis en lumière les conditions de travail souvent déplorables des ouvriers du textile du pays qui, souvent à travers plusieurs degrés de sous-traitance, fabriquent les vêtements vendus par les plus grandes multinationales de mode.

Après la France, les Pays-Bas avaient également légiféré sur ce sujet en 2019, suivis par l'Allemagne en 2021.

Poussé par la société civile, le Parlement européen avait donné son feu vert en avril 2024, après de longues et âpres négociations, à une directive imposant un « devoir de vigilance » aux entreprises, portant notamment sur le travail des enfants, le travail forcé, les dommages environnementaux, la pollution, etc.

Cette directive, qui n'a pas le même périmètre que la loi française, a été récemment contestée par des responsables politiques - dont le chancelier allemand Friedrich Merz et le président français Emmanuel Macron - qui y voient un énième « fardeau administratif » qui pèserait sur la compétitivité des entreprises « au mépris des réalités opérationnelles ».